mercredi 28 novembre 2007

l'atelier d'Elisabeth

Hier 27 novembre j'ai eu la curiosité d'entrer la requête "Rohmer nombre d'or" sur Google, ce qui m' a permis de constater que de nouveaux sites ou blogs citaient mes recherches, et que, indépendamment, un critique de cinéma trouvait des cadrages d'or dans le récent Rohmer.
J'ai été surtout stupéfait d'une page cataloguant divers livres scientifiques, parmi lesquels, dans la même collection, un livre co-écrit par Elisabeth Rohmer, et Le nombre d'or, suite de deux essais de Marguerite Neveux et de HE Huntley.
J'ai conté ici comment, le 18 septembre dernier, j'ai lu l'unique roman d'Eric Rohmer, jadis publié en 1946, qu'il a jugé bon de rééditer en juin dernier, La maison d'Elisabeth, et ai été stupéfait d'un nom propre page 144 :

C'est que mon billet Oncle et Neveux évoquait le livre de Marguerite Neveux, où je m'étonnais que sa thèse du faible impact du nombre d'or dans la peinture française n'ait pas fait mention de mon oncle, Jean Souverbie, académicien, ayant toute sa vie affirmé sa foi en cette "Sainte Mesure", pour reprendre l'expression de son maître Maurice Denis.
Ainsi Rohmer, peut-être un autre contaminé par la fièvre de l'or, me renvoyait le nom de Marguerite Neveux, par hasard puisque l'historienne de l'art n'était pas née lors de l'écriture du roman d'abord paru sous le titre Elisabeth, et voici que la collection où est paru le livre de Marguerite Neveux, en inédit sous le n° 108, renvoie le nom Elisabeth Rohmer, co-auteur du n° 105:

Si seul le nom d'Abraham Moles apparaît sur la couverture, il suffit d'aller consulter sa bibliographie pour savoir qu'il est écrit en collaboration avec Elisabeth Rohmer, sa femme (aussi nommée Elisabeth Rohmer-Moles).

Une curiosité supplémentaire est que j'avais deux oncles parisiens, l'oncle Jean qui habitait l'Institut, et l'oncle Maurice qui habitait bd Magenta.

Comme je l'écrivais dans la page précitée, j'ai été complètement imperméable à ce que Rohmer avait pu vouloir dire dans ce livre, et je n'ai notamment pas compris ce que cette couturière venait faire dans l'histoire (pour autant qu'il y en ait une). Il n'est aucunement question de cette visite auparavant, aucun écho n'y sera donné ensuite.

J'ai fait part de ce nouvel incident à ma précieuse amie dp, dont l'immense érudition s'est encore révélée indispensable. Il a existé une "couturière des lettres", Marguerite Audoux, prix Femina en 1910 pour son roman largement autobiographique, Marie-Claire, best-seller de l'époque. Cette Marguerite, née Donquichote, a donné une suite à ce succès en 1928, L'atelier de Marie-Claire.

Ceci expliquerait-il pourquoi Rohmer a republié son Elisabeth de 46, signée Gilbert Cordier, sous le titre La maison d'Elisabeth ? Ce serait au moins une piste à creuser, sans écarter l'idée que ce pourrait être une coïncidence analogue à l'imbroglio Neveux-Rohmer.

De la couturière au cordier, il y a tout de même un fil conducteur, sinon une ficelle un peu grosse. Et la popularité du roman Marie-Claire est pour quelque chose dans le choix du nom du magazine Marie-Claire, apparu en 1937, qui connaîtra en 1967 un produit dérivé, La Maison de Marie-Claire...

Curieux, mon billet précédent m'avait amené au Grand Prix des lectrices de Elle, et me voici entre Marie-Claire et le prix Femina. Ce n'est pas le seul point commun que je vois avec ce billet où j'évoquais la fantastique coïncidence des 216 lettres de 3 versets bibliques de 72 lettres chacun, cités page 216 du Zohar, à l'origine des 72 anges de la Kabbale, aux noms formés de combinaisons trilittères de ces 216 lettres suivies d'un suffixe en 2 lettres, soit en tout 216+144 = 360 lettres pour les 72 anges. Sans connaître ces détails, Bernard Werber a réussi à énumérer une partie de ces anges dans la section 216 de ses Thanatonautes, laquelle débute page 360 de l'édition en poche...

J'avais remarqué la page 144 de La maison d'Elisabeth, où apparaît Marguerite Neveux, non à cause de cette coïncidence dont je ne savais rien alors, mais parce que je connaissais déjà diverses curiosités concernant les pages 144 de plusieurs ouvrages, la plus extraordinaire étant dans le troisième volume de l'édition Musica Budapest d'un choix de 200 sonates de Scarlatti, édition de référence par ses multiples qualités. Voici un extrait de la table de ce 3e volume:

La 144e des 200 sonates débute page 144, d'accord, mais cette sonate est mieux identifiée par ses numéros dans les deux grandes classifications de l'oeuvre de Scarlatti, Longo et Kirkpatrick, soit L.288 = 2x144 et K.432 = 3x144. Il existe une autre classification, chronologique comme la dernière en date de Kirkpatrick, peu utilisée aujourd'hui, et le numéro de la sonate selon cette classification Pestelli est P.288 = 2x144...

J'ai choisi le titre de ce billet avant de l'écrire, avant d'explorer en détail les résultats de la recherche "Rohmer nombre d'or". Parmi la quarantaine de pages francophones, l'une des dernières vient du blog du psy Roland Léthier, où les deux termes de la recherche sont réunis par hasard, parce qu'un billet parle d'Elli Medeiros, qui a fait la musique d'un Rohmer, un autre du Corbusier. Il se trouve que j'ai rencontré sa femme, Elisabeth Léthier, qui n'est pas une "couturière des lettres", mais une "brodeuse de lettres": elle a brodé les hétérogrammes de Perec, notamment ceux de La Clôture comptant chacun 144 lettres.

La seule page mentionnant cette Elisabeth Léthier est sur mon site, j'y montre une de ses créations. M'apercevant que Léthier (nom qui pourrait être une déformation de luthier selon mon dictionnaire, ce qui n'est pas loin de cordier) est à une lettre près l'anagramme d'atelier, je lui dédie tout naturellement ce billet.

lundi 26 novembre 2007

à tire d'Elle

Mon dernier billet commencé le 10/10 n'a été mis en ligne que le 24/11, parce que ce billet m'a conduit à de multiples rebondissements relatés sur mon site.
Le foisonnement de ces rebondissements et la complexité de certains d'entre eux rendent ces pages assez ardues à lire, aussi j'ai décidé d'en résumer quelques points ici.

Un mois après, je suis toujours ébahi d'avoir découvert à 15 jours de distance les clés de deux best-sellers parus 10 ans plus tôt, en 1997. Je ne prétends aucunement être le premier à avoir vu ces clefs, mais je n'en ai trouvé aucun écho sur la toile.
Le 8 octobre, je me suis donc aperçu que les 4 scénaristes de Saga, la série TV imaginée dans le roman homonyme de Tonino Benacquista, Mathilde-Marco-Louis-Jérôme, avaient les mêmes initiales que les 4 évangélistes, Matthieu-Marc-Luc-Jean, et que cette lecture éclairait de nombreux points du roman.
Le 23 octobre, désireux de lire du Bernard Werber, je n'ai trouvé en rayons à ma bibliothèque que La Révolution des fourmis, déjà lu peu après sa parution, mais sa relecture m'a révélé une extraordinaire architecture. Une caractéristique de l'écriture de Werber est l'entrelacement de plusieurs récits, en courts chapitres ou sections, ici 3 (les histoires de Julie, Maximilien, 103 683e) plus les sections encyclopédiques. Il arrive que les récits se croisent, mais le passage d'une section à l'autre n'est jamais totalement abrupt, le passage s'opérant par une situation ou une expression identique. L'à-propos de ce lien est souvent gratuit sinon contestable, mais La Révolution offre un autre type d'échos, circulaire précisément, sa première section s'intitulant 1-Fin et sa dernière 245-Début; puis les noms des paires de sections symétriques 2-244, 3-243, 4-242, etc., sont identiques... Le plus excitant est que cette règle de symétrie, pourtant constante tout au long du livre, admet diverses modalités comme de nombreuses exceptions, ce qui m'a conduit à y chercher du sens...
...et à en trouver, au-delà de mes espérances. Ainsi je vis les deux parties centrales du livre, totalisant 62 et 71 sections, correspondre aux valeurs numériques des prénom et nom de l'auteur, selon l'équivalence ordinale a=1, b=2, etc., justement donnée dans une section du roman. Et puis ma marotte le nombre d'or, également évoqué dans plusieurs sections, semblait structurer les différentes parties..., et..., mais je détaille mes trouvailles dans le texte Rewerberations.

Je me suis aperçu après coup d'un autre point commun entre Saga et La Révolution des fourmis que l'année de parution. Saga a obtenu en 1998 le Grand Prix des lectrices de Elle, que Werber avait obtenu en 1993 pour le second volet de la trilogie des Fourmis. Je lis également une structure palindrome, d'un autre type, dans ce Jour des fourmis, par les nombres de sections de ses 6 parties, et encore un autre type de palindrome pour l'ensemble des 3 volets de la trilogie, en 4-6-4 parties, et je m'amuse que ce prix ELLE, nom palindrome, ait échu au volet médian de la trilogie...

J'ai expliqué ici que c'est vraisemblablement l'immatriculation d'un véhicule allemand, en MA-RK, croisé pendant la lecture de Saga, qui m'a permis d'homologuer les 4 scénaristes aux 4 évangélistes.
Une autre coïncidence m'a fourni le moyen d'interpréter le nom de l'héroïne principale de Werber, la fourmi 103 683e. Evoquant le nombre d'or, je l'ai donné avec ses 6 premières décimales, soit 1,618033, occasion de m'apercevoir que ces 6 décimales 61 80 33 correspondent aux 6 chiffres 103 683, et qu'il était facile de passer de l'un à l'autre comme l'illustre le dessin ci-contre.

Le 3 novembre à Porquerolles, j'ai rencontré Bernard Werber qui a écouté avec intérêt et amabilité quelques-unes de mes supputations sur son oeuvre, mais qui a réfuté l'intentionnalité de la plupart de mes hypothèses. Bien entendu la structure palindrome n'est pas remise en cause, mais il ne semble pas devoir chercher beaucoup plus loin.

Je commence à avoir une certaine expérience des dénégations des auteurs confrontés à mes analyses de leurs oeuvres, et je les classe en deux catégories:

  • ce qui peut s'expliquer par des processus inconscients, par exemple le cas de la fourmi 103 683e, puisque Bernard connaît fort bien le nombre d'or, du moins ses 6 premières décimales, données dans La Révolution des fourmis (et la 7e, mais avec une erreur !)

  • ce qui ne peut pas, et pourrait donc concerner l'Ultime Secret, pour reprendre un titre de Werber, lorsque les coïncidences sont significatives.

Ainsi Bernard m'a certifié qu'il ignorait une curiosité de la Bible hébraïque à l'origine de développements théurgiques: 3 versets consécutifs de l'Exode ont chacun 72 lettres, et de ces 216 lettres la Kabbale a tiré 72 mots codés de 3 lettres, ensuite complétés par des suffixes théophores pour former 72 noms d'anges, tous en 5 lettres. A ces curiosités de départ s'ajoutent plusieurs coïncidences convergentes, détaillées ici:

  • Le premier texte donnant le code de 216 lettres est le Zohar, à la page 216 de l'édition qui sert de référence.

  • Werber énumère 26 des 72 anges dans ses Thanatonautes, et il le fait à la section 216.


  • Cette section 216 débute page 360 de l'édition Livre de Poche du roman (les noms hébraïques des 72 anges issus des 216 lettres comptent en tout 360 lettres).

    • Parce que je n'imaginais pas que le second point ait pu être fortuit, je n'avais pas songé à rapprocher le fait d'une expérience partagée avec mon ami Jean-Pierre Le Goff, évoquée dans un billet récent: le 26 novembre 2002, il est allé à Thoard, près de chez moi, pour y calligraphier sur un rouleau de papier une suite logique de 26 opérations sur le nombre 216, dont voici deux exemples, de sa main:

      On pourra se reporter ici pour apprendre la logique sous-tendant ces opérations.

      Plus je lis Werber, plus j'y vois d'échos avec les préoccupations de Le Goff, qui sont pourtant très variées. Ici sont en jeu les motifs tapis dans les suites de chiffres, présentement des circularités, vues aussi chez Werber avec la circularité des décimales 142 857 des divisions par 7, par exemple. Le Goff joue également avec les permutations circulaires de mots, comme le T-REFLE devenant REFLE-T, ou la CART-E devenant E-CART, or c'est précisement ce jeu TREFLE-REFLET qui a motivé (avec "carreau") les dénominations des 4 parties de La Révolution des fourmis, par les 4 couleurs des cartes, homologuées aux saisons, autre circularité, autre révolution...

      J'aboutis enfin où je voulais en venir, ce qui a été bien plus long que je l'imaginais au départ, avec ce véhicule à l'immatriculation décisive, MA-RK, croisé le surlendemain du jour où j'ai vu Pi, film où l'obsédant nombre 216 m'a poussé à approfondir la bizarrerie rencontrée jadis dans les Thanatonautes, et les 26 anges de la section 216 m'ont mené aux 26 opérations sur 216, à Thoard; c'est le lendemain de cette intervention que j'ai ramené Le Goff au train, en lui parlant du nombre d'or dans un poème de Perec, et c'est alors qu'il m'a signalé un panneau NOMBRE D'OR sur le bord de la route. Nous apprîmes ensuite qu'il s'agissait du nom d'une maison d'abord appelée Ayguelune, or le poème de Perec était composé pour le mariage de son amie Kmar, qui signifie "lune" en arabe, et K-MAR se permute circulairement en MAR-K.