mercredi 12 décembre 2007

l'ami doré

Voilà, j'ai vu à peu près tous les Rohmer, et je me fais maintenant une idée plus précise de la question du nombre d'or dans ses films.
Au moins trois films présentent un même schéma entre les deux sections d'or du film, une intrigue amoureuse qui naît et meurt, en étroit rapport avec le titre du film. C'est un schéma plutôt inhabituel. Ainsi, sur un film de 90 mn, cette partie centrale va représenter 21 mn, laissant 34 mn de part et d'autre difficiles à remplir, mais pourtant ces trois films figurent parmi ceux que j'ai le plus aimés chez Rohmer, mon humble avis semblant confirmé par leur succès public. Je n'attribue pas cette séduction au nombre d'or, d'autres Rohmer où il pourrait être utilisé m'ennuyant prodigieusement, tandis que j'apprécie plusieurs Rohmer où je n'ai rien détecté de spécial.

Ces films sont donc Ma nuit chez Maud (1969), où la nuit chez la tentatrice Maud s'inscrit parfaitement dans ce centre d'or, cet épisode donnant à Jean-Louis l'impulsion de se déclarer auprès de Françoise.

Le hasard a voulu que mon Rohmer suivant soit Pauline à la plage (1983), où le flirt de Pauline et Sylvain commence et s'achève sur la plage, pratiquement à la seconde près selon les calculs théoriques, les tentatives de leur entourage pour les rabibocher maintenant l'ntérêt de la dernière partie.

Et le dernier est L'Ami de mon amie (1987), remarquable en ce que l'intrigue née à la petite section d'or et définitivement interrompue à la grande section d'or connaît des rebondissements dans la dernière partie, et que ces péripéties semblent aussi gouvernées par le nombre d'or, à la seconde près qui plus est.

Voici les 4 protagonistes. Blanche, la blonde en vert, vient d'emménager à Cergy, où elle devient amie avec Léa, la brune en bleu, qui vit avec Fabien, en bleu aussi. Blanche a repéré le bel Alexandre, en vert, un ami de Léa et de Fabien. Léa s'ingénie à les mettre en contact, mais la timide Blanche gère bien mal toutes ses rencontres avec Alexandre...

Léa part en vacances, seule, Fabien n'ayant pu se libérer. Elle confie à Blanche qu'elle part avec un autre gars, sans trop savoir si ça va remettre en cause sa relation avec Fabien...


1 - temps 37' 47"


Le film dure 98' 54", ce qui se répartit selon le nombre d'or en 61' 07" et 37' 47". Il n'y a pas de générique de début, juste quelques incrustations sur les premières images, ainsi il n'y a aucune alternative de minutage, et cette image correspond exactement à la petite section d'or du film. Le logiciel de lecture donne ce minutage sous l'image, qu'on peut avoir en grand format en cliquant dessus, en appuyant simultanément sur Shift (Maj) pour l'avoir dans une nouvelle fenêtre.

Et c'est bien à cette petite section d'or que tout commence, dans une scène qui dure 20 secondes. Blanche a rencontré Fabien quelques instants plus tôt, ils se sont salués en échangeant quelques banalités, et voici que le hasard les remet en présence... Fabien lui demande si ça lui dirait d'aller faire de la planche à voile, ça lui dit.

Fabien et Blanche se sentent bien ensemble, en tout bien tout honneur. Ils se revoient, et Fabien l'emmène promener au bord de l'Oise, ce que déteste Léa...


2 - temps 61' 07"

Ce qui devait arriver arrive. Ce baiser passionné ne dure que deux secondes, pile à la grande section d'or. La caméra quitte le couple enlacé pour le paysage bucolique alentour, puis nous sautons au lendemain matin dans l'appartement de Blanche. Il est évident qu'ils ont passé la nuit ensemble, mais elle lui annonce 20 secondes après ce baiser torride que c'est fini entre eux, que c'était merveilleux mais qu'il faut en rester là, qu'ils se sont consolés en pensant chacun à quelqu'un d'autre, qu'il est l'ami de son amie, etc...

Léa reparaît d'ailleurs dans le plan suivant, ça n'a pas marché du tout avec son gars, ce qui lui a fait comprendre à quel point elle aimait Fabien... Nouvelles tentatives auprès d'Alexandre...

Et puis Blanche rencontre Léa portant un grand sac. Fabien et elle viennent de se séparer définitivement. Les multiples déclarations antérieures de Blanche ne laissent cependant guère présager une reprise de l'idylle avec Fabien.


3 - temps 84' 27"

Soit la grande section d'or des 37' 47" de la dernière partie du film. Blanche rentre chez elle et trouve ce mot dans sa boîte, sur lequel la caméra s'attarde plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour le déchiffrer.

Blanche ne téléphone pas, mais tombe "par hasard" sur Fabien, et celui-ci n'a pas énormément de mal à la convaincre qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Ils tombent d'accord pour partir en vacances ensemble et se donnent rendez-vous le lendemain au Restaurant du Lac.

Par ailleurs Léa trimballant son sac est tombée sur Alexandre... Etc., etc... Ils retournent à Cergy, et pour ne pas risquer de rencontrer Blanche décident de déjeuner au Restaurant du Lac... Léa y voit précisément Blanche, seule à une table, et demande à Alexandre de se cacher pendant qu'elle essaie d'expliquer sa conduite à son amie...


4 - temps 93' 20"

Soit la grande section d'or du temps restant après la dernière image. Blanche qui attendait Fabien croit que c'est lui qui envoie Léa, parce qu'ils se sont remis ensemble. Léa embarrassée lui parle de ce qui est arrivé avec Alexandre, mais en le désignant par "IL", que Blanche entend "Fabien". Elle pleure, et répond à Léa, arguant qu'IL ne s'est jamais intéressé à elle, qu'IL a pourtant passé une nuit avec elle, et qu'IL l'assurait la veille encore de son amour. C'est au tour de Léa d'être catastrophée, Alexandre ne lui avait pas du tout parlé de ça.

Ce quiproquo aurait pu avoir de tragiques conséquences, comme dans Pauline à la plage, mais les amies arrivent enfin à le dissiper et tombent dans les bras l'une de l'autre. Fabien arrive, on rappelle Alexandre, tout est bien qui finit bien.


5 - Générique de fin


Il se déroule pendant plus d'une minute sur cette image figée montrant Fabien et Blanche enlacés, tandis qu'Alexandre et Léa s'éloignent, sur le pont.
J'ai superposé les 4 sections d'or sur l'image, il me semble que ça tombe plutôt bien. J'ai tracé également les sections d'or verticales de la section centrale à droite, encadrant assez exactement l'autre couple.

Une musique apparaît pendant ce générique, mais le site de Jean-Louis Valero, compositeur attitré de Rohmer, m'a appris une curiosité: Rohmer lui a commandé une longue musique pour ce film, d'environ 25 minutes, effectivement composée et enregistrée, mais que Rohmer a mixée très très bas, au seuil d'inaudibilité!

Voilà. Je rappelle que, pour chacune de ces images, j'ai choisi le temps exact calculé selon le nombre d'or, à la seconde près. Si tous ces instants sont significatifs, d'autres à quelques secondes près l'auraient été tout autant, mais il est particulièrement frappant que le baiser torride de l'image 2 ne dure que 2 secondes, pile à la grande section d'or; c'est la seule manifestation réellement érotique du film.

Maud et Pauline avaient encore en commun un lieu pouvant être associé au nombre d'or, la basilique Notre-Dame du Port et Granville, où est né Maurice Denis. Ici Léa habite encore en partie chez ses parents, à Saint-Germain-en-Laye, où a habité Denis, et où, soit dit en passant, il a découvert mon grand-oncle Jean Souverbie, l'introduisant ensuite dans le cercle des Nabis.

Sur le billet consacré aux peintres de ma famille j'étudiais la question des formats d'or dans la peinture française avant Sérusier et Denis, or, le 16 octobre dernier, un hasard m'a fait découvrir cette toile de Pissarro de 1878, La sente du chou, dont la construction ne semble pas dorée, mais dont le format 57x92 cm plutôt rare l'est indubitablement:

La sente du chou est à Pontoise, peut-être vers Cergy, en tout cas on y voit l'Oise qu'on devine ci-dessous derrière les arbres du Chemin de hallage (sic, c'est selon le DVD le titre du chapitre s'achevant sur le baiser de l'image 2).
Ce n'est pas une toile très connue de Pissarro, sa découverte m'a conduit à examiner l'ensemble de son oeuvre où je n'ai repéré aucun autre format d'or, aussi je considère qu'il s'agit probablement d'un hasard, mais il y a eu beaucoup d'autres peintres dans cette région de Pontoise.
Autre hasard indiscutable: j'ai regardé L'Ami... le 6 décembre, et le soir même j'ai fait les 5 copies d'écran correspondant à mon partage du film en 5 parties. Le lendemain j'ai fait la découverte relatée sur mon billet précédent: Mark Z. Danielewski a un nom doré particulièrement remarquable, où se lisent 5 valeurs d'une série additive de type Fibonacci, ce que j'ai relié à l'élucubration de la Quine des bâtisseurs romans due au chanoine Jean Bétous, m'amenant à ce splendide parallélisme:

MARKZ DANIELEWSKI = 69 + 112
CHANOINE JEANBETOUS = 69 + 112


Constatant le 14 décembre en écrivant ce billet que

ERIC ROHMER = 35+77 = 112,

je me suis demandé quel mot de valeur 69 aurait un rapport privilégié avec Rohmer, sans creuser la question, et puis le lendemain j'ai vu Perceval le Gallois, qui s'achève sur une longue scène montrant une CROIX=69 doublement dorée.
Je commenterai cette image dans mon prochain billet.

1 commentaire:

blogruz a dit…

Je me suis aperçu en mai que ce billet où je donnais ma première illustration représentant Jésus-Christ, finale et non commentée, avait un postID, identifiant apparaissant quand on poste un commentaire, débutant par 888, tandis que mon blogID, identifiant ce blog et apparaissant juste avant, s'achève par 1480.
Or 888 et 1480 sont les valeurs de Jésus-Christ en grec, déjà données dans mon second billet d'avril 07.
Je commente cette curiosité ici:
http://blogruz.blogspot.com/2008/06/laffaire-tournesol.html