vendredi 28 mars 2008

pourquoi pas 514

Frappé que Hitchcock soit né un 8/13 (13 août à l'anglaise), j'ai cherché sur YouTube les apparitions "cameo" de Hitch dans ses films. La plupart des clips montrent l'extrait concerné d'un seul film, seuls trois donnent des compilations. Sur le premier, j'ai particulièrement remarqué l'extrait de Marnie où Hitch sort d'une chambre d'hôtel.
J'ai d'abord cru que la suite, montrant une femme refermer une porte, était la continuité de cette scène de Marnie. C'était en fait un astucieux lien avec l'extrait suivant, de Psychose (1960), où Marion Crane sort de cette chambre juste avant l'apparition de Hitch (voir plus bas). Avant d'avoir compris cet enchaînement, le numéro de la porte étant 514, j'ai pensé à la réplique de Fahrenheit 451, "451, pourquoi pas 813 ?", et à l'unique tiercé tenté quelques années plus tard par Truffaut pour acquérir les droits exorbitants d'un film qu'il voulait réaliser: « Le dimanche suivant, pour la première fois de ma vie, je composais un tiercé : le 8, le 1 et le 3 (par admiration pour le roman "813" de Maurice Leblanc).
En même temps qu'à douze millions de Français, Léon Zitrone m'apprit qu'il eût mieux valu jouer le 4, le 5 et le 1, et je me retrouvai plus pauvre de cent mille francs. »

En y réfléchissant bien, le fondu opéré par le clip de Marion Holland (de Marnie) à Marion Crane (de Psychose) est curieusement approprié, puisqu'il s'agit de deux voleuses porteuses du même prénom, or les héroïnes de Hitch, pour fatales qu'elles soient, sont loin d'être toutes des voleuses, et seules ces deux-là se nomment Marion. Truffaut a jugé bon de renommer Marion la criminelle Bonnie de la Sirène du Mississipi de Irish, jouée par une blonde (enfin le plus souvent) qui n'aurait pas déparé chez Hitch, Catherine Deneuve, à nouveau baptisée Marion dans Le dernier métro.
Les deux Marion de Hitch sont recherchées par toutes les polices, et ce sera le cas aussi du héros de Fahrenheit 451, qui dans ce monde où les mots écrits sont interdits n'est plus que 381-813, or c'est exactement la même permutation qui conduirait de 451 à 514 (le premier chiffre passe à la fin).
Mata-Hari ouvrait déjà en 1965 un coffre de combinaison 381 813, fort imprudemment gravée sur la clé de ce coffre. C'était peut-être une allusion au coffre facilement ouvert par Marion Holland (mêmes initiales MH que Mata-Hari, qui était Hollandaise!) en 1964, le directeur de la banque en ayant noté la combinaison sur un pense-bête accessible à tous.
Bref l'enchaînement de Marnie à Psychose est abondamment justifié, et Truffaut aurait pu jouer le tiercé 5-1-4 par admiration pour son cinéaste favori auquel il rend par ailleurs de multiples hommages, ce qui lui aurait fait gagner une somme conséquente.
On ne trouve pas moins de quatre chambres 813 chez Truffaut. Si c'est un moyen commode pour placer "innocemment" un nombre, il est remarquable que la première apparition connue du 813 truffaldien soit la chambre 813 dans La peau douce, en 1964, soit l'année même de Marnie, et que la carrière de Truffaut se soit achevée à 52 ans sur Vivement Dimanche ! où il y avait encore une chambre 813, utilisée par son occupante pour jouer aux courses !
Enfin on rencontre un 514 chez Leblanc, dans son premier roman, ou novelette, La Dame blonde (1907), dont le premier chapitre est intitulé Le numéro 514 - série 23. Il s'agit du billet gagnant le gros lot d'un million de francs, arrivé par mégarde entre les mains d'Arsène Lupin. Une "dame blonde" est évocatrice pour les amateurs de Hitch, réputé obsédé par l'archétype de la blonde platinée, dont le dernier épigone sera précisément Tippi Hedren, dans Les oiseaux et Marnie.

La vidéo la plus complète proposée par YouTube dure 8'31" ! Et pourrait en fait durer 8'13" puisque l'image est interrompue après le temps 8:12. J'ai eu la curiosité de voir quand tombait le caméo de Marnie, et c'est au temps 7:13 (cliquer sur l'image pour agrandir).
Sur la première vidéo montrée plus haut, cette même image tombait au temps 1:38.

Je me suis aussi demandé ce qui se passait au temps 5:14, et c'est cette image de Psychose qui survient donc quelques secondes après la clôture de la porte 514, ce qu'on ne voit pas dans ce clip... Psychose (1960) est proche dans le temps de Marnie, mais cette compilation espagnole est thématique et non chronologique (le premier clip tentait de fondre quelques caméos selon les opportunités offertes).

Tant qu'à faire, j'ai regardé où tombait le caméo de Marnie dans la dernière vidéo proposée, elle respectueuse de la chronologie, et c'est au temps 3:18...
Pourquoi pas 4:15, ou 1:45 ?
Car c'est exactement au temps 1:45 que vient le caméo de Psychose sur le premier clip mentionné, juste après la vision effective de la porte 514.
Peut-être jugera-t-on que ces explorations sont d'inutiles pinaillages... Soit, mais ne relativisent-elles pas grandement les questions "sérieuses" qui pourraient se poser, comme "Truffaut a-t-il voulu adapter Fahrenheit 451 parce qu'il avait dans la tête l'image de la chambre 514 de Psychose ?"
Ou, psychose toujours : "L'obsession 813 de Truffaut ne témoigne-t-elle pas de sa certitude de sa petitesse devant le géant natif du 8/13, la référence à Leblanc n'étant qu'un leurre ?"

jeudi 27 mars 2008

toujours 813

J'avais regardé attentivement à la TV La Femme d'à côté (1981) sans y voir de 813, mais le petit écran n'est pas idéal, ainsi :

La Renault 14 de Bernard Coudray est immatriculée 813 VF 38, ce qu'on entrevoit au début du film et lit plus clairement à la 47e minute, juste avant un épisode érotique dans cette voiture.
Depardieu jouait aussi un Bernard (Granger) dans le Truffaut précédent, Le dernier métro (1980), où, entre autres 813, il se souvenait du vélo 813 HK 45 qui lui avait été volé. J'avais soupçonné que le 45 pouvait être une allusion intime au tiercé gagnant 4-5-1, alors que Truffaut avait misé sur 8-1-3, formidable écho à la réplique qu'il avait écrite pour Julie Christie quelques années plus tôt: "451, pourquoi pas 813 ?"
Ici, 813 -- 38 peut faire allusion au 381-813 de Fahrenheit 451, justement, déjà apparu dans Mata-Hari. Ainsi le film ne se passerait dans la région grenobloise que pour répondre aux obsessions numérologiques de Truffaut!
D'autres nombres importants du film sont composés avec les chiffres fatidiques:
- Bernard et Mathilde ont eu une liaison tumultueuse 8 ans avant que le hasard ne les réunisse
- le titre du film a 13 lettres
- ils renouent devant le repère B 38 d'un parking
- ils redeviennent amants dans la chambre 18 d'un hôtel
Pour ce dernier point, peut-être s'agit-il encore d'une allusion à Hitchcock, dont les initiales AH peuvent se coder 1-8 ou 18. Incidemment, divers mouvements se réclamant d'un sinistre moustachu aux mêmes initiales AH ont le nombre 18 dans leurs intitulés (Combat 18 par exemple...)
Les lettres VF de la Renault 813 VF 38 signifient Version Française pour les cinéphiles, version française peut-être du tic de Hitchcock consistant à apparaître furtivement dans tous ses films (et Truffaut fait des apparitions non créditées dans au moins 8 de ses films, souvent seulement par la voix).
En me documentant sur ces "caméos" de Hitchcock, j'ai vu qu'il était né le 13 août 1899, un 13/8 chez nous qui se dit outre-Atlantique 8/13 !
La chambre 813 montrée dans le billet précédent était celle du lieutenant Alfred (Pinson).

Il y a vraisemblablement une allusion à Rohmer au début du film où la femme de Bernard lui demande s'il ne la trouve pas belle, "la femme de l'aviateur", titre d'un Rohmer sorti au début de cette même année 81, alors que leur nouveau voisin est aiguilleur du ciel.
Je n'ai vu aucun climax aux sections d'or du film, lequel est au format 1.66 semblant privilégié par Truffaut à la fin de sa carrière. Mon attention a cependant été attirée par ces deux tableaux dans la maison de Bernard, très proches du format d'or:

S'il s'agit de cadres standard, ce sont alors très probablement des "12 marine" de 61x38 cm (tiens encore un 38, comme peut-être le calibre du pistolet qui tuera les amants).
Quelques instants après, un gros plan du tableau inférieur montre un couple sur une route sinueuse, escarpée, au bord du gouffre...

Ce n'est sans doute pas un hasard, car un tableau inquiétant, chez Mathilde cette fois, montrait un homme semblant agresser une femme; une scène très proche survient ensuite entre Bernard et Mathilde.

Une petite curiosité dans le nom d'Odile Jouve, narratrice des tragiques amours de Mathilde et Bernard.
ODILE JOUVE = 45 - 73 est un nom doré idéal, ce que je n'imagine pas être intentionnel, aussi est-il amusant que l'actrice qui incarne ce nom doré soit Véronique SILVER ("argent").

Le commentaire qui suit m'a été très utile, puisque l'héroïne de Paulina 1880, de Jouve, tue son amant d'une balle dans la tête avant de retourner l'arme contre elle, exactement ce que fait Mathilde 1981 dans La Femme d'à côté. J'approfondis ici.

vendredi 21 mars 2008

BA-C.H

21/3/8 à 21:38 - Belle occasion d'évoquer la question B-A-C-H = 2-1-3-8, d'autant que c'est aujourd'hui le 323e anniversaire de la naissance de JS Bach, né le 21 mars 1685.
La plupart des musicologues admettent aujourd'hui que Bach était obsédé, au moins vers la fin de sa vie, par le nombre 14, somme des rangs des lettres de son nom, lettres qui sont aussi des notes selon la notation musicale allemande. L'argument le plus cité est que le testament musical de Bach, l’Art de la Fugue, s'achève sur un Contrepoint 14 où Bach donne pour la première fois un thème débutant par les notes b-a-c-h, magnifié par un mystère : la fin de cette splendide fugue ne nous est pas parvenue, portant certains exégètes à imaginer que Bach ait délibérément laissé cette fugue inachevée.
Mes propres recherches m'ont fait découvrir des harmonies numériques si prodigieuses que je me garde de les interpréter. Je comptais donner dans ce billet quelques liens vers mes pages les plus marquantes, et puis je me suis avisé en relisant cette page d'un développement si magnifique qu'il m'a semblé s'imposer de le détailler ici.
Je ne suis pas le seul à avoir vu des harmonies d’or chez Bach, ainsi, outre des centaines d'articles, un livre entier y est consacré, thèse d'un musicologue validée par ses pairs. Mon champ d'action privilégié a été les deux volumes du Clavier bien tempéré, donnant chacun 24 ensembles Prélude-Fugue dans les 24 tonalités musicales, soit 96 pièces individuelles et autant de nombres de mesures associés.
Je donne sur la page précitée le détail de ces 96 nombres, mais voici ce qui correspond à ma récente découverte, portant sur les 24 totaux correspondant à chaque tonalité, les deux volumes réunis. Une même opération effectuée sur ces 24 nombres (la détermination du plus proche entier selon la section dorée) permet de découvrir 4 relations dorées idéales, concernant 8 tonalités.
(pour mieux suivre l'analyse, on peut afficher ce tableau en plus grand à part en cliquant dessus, touche Maj (Shift) enfoncée)
Les relations dorées sont indiquées en bleu/rouge, avec les 4 relations de départ en colonne de droite.
J'ai séparé les trois premières relations parce qu'elles concernent les 3 tonalités totalisant le plus grand nombre de mesures (289-287-283), tandis que la dernière relation concerne la plus faible tonalité (125 mesures). S'il est a priori normal que des relations d'or dans un ensemble de nombres tirés au hasard concernent préférentiellement les nombres les plus forts ou les plus faibles, il est peu probable que l'ensemble des relations rencontrées obéisse strictement à ce schéma.
Il est particulièrement frappant ici que la relation la plus "lourde" concerne les première et dernière tonalités, soit C et h, selon l'écriture allemande pour Do Majeur et si mineur, et la plus légère les seconde et avant-dernière, soit c et H, ou do mineur et Si Majeur.
Les tonalités CcHh donc, et une des deux autres relations concerne les tonalités ba, soit baCcHh, ou baCh en ne considérant que les relations lourdes.
L'autre relation lourde concerne cis-fis, do dièse mineur et fa dièse mineur. On peut trouver plus de sens à leurs numéros d'ordre, 4 et 14 : le nom BACH est un nom de 4 lettres de somme 14, ce que pourraient traduire les 3 relations lourdes, baCh (=) 14 / 4.
A l'intérieur des tonalités 4 et 14, les nombres de mesures des pièces individuelles sont deux à deux en rapport d'or. Prélude avec fugue pour fis, prélude avec prélude et fugue avec fugue pour cis. Ce sont les deux seules tonalités offrant cette harmonie interne, magnifiée par l'harmonie unissant ces deux tonalités.
Divers groupements sont possibles, le plus remarquable est de considérer les 3 relations lourdes, avec d'un côté les poids forts 289-287-283 totalisant 859 mesures, de l'autre les poids faibles 179-177-175 totalisant 531 mesures.
Il n'est pas obligatoire que le couplage de plusieurs relations d'or entre entiers donne une relation d'or parfaite, c'est le cas pour 859/531, mais il y a bien mieux.
La différence entre 859 et 531 est 328, qui correspond au dernier couple, réparti en 203-125. Ainsi les nombres des relations lourdes couplées et de la relation légère appartiennent à la même série additive de type Fibonacci :
125-203-328 d'une part, se poursuivant par
531-859-1390, ce qui permet de multiples combinaisons dorées.
Il y a peut-être plus beau encore. Les relations d'or internes aux tonalités cis-fis incitent à étudier plus avant dans cette voie, et, parmi diverses possibilités, j'ai retenu ceci:
Parmi les 3 relations lourdes, additionner les 6 préludes de poids fort et les 6 fugues de poids fort (décalés vers la gauche sur le tableau), ce qui mène aux nombres
321 et 538
puis idem pour les préludes et fugues de poids faible, donnant les nombres
196 et 335
Sans surprise, les additions mènent aux résultats déjà connus
321 + 538 = 859 et 196 + 335 = 531
mais les différences permettent encore de retrouver, totalement indépendamment, les nombres de la relation légère
321 – 196 = 125 et 538 – 335 = 203

Il y aurait d'autres possibilités plus ou moins raisonnables à noter, mais je préfère finir sur quelque chose de franchement impertinent, relativisant toute rationalisation de la numérologie bachienne. Nous avons ici une quine 125-203-328-531-859, avec ce nombre 859 représentant également la moyenne entre les 1390 et 328 mesures des différentes relations, or 859 est encore le numéro BWV de l'ensemble prélude-fugue 14 du premier volume, selon une classification du 19e postérieure à la mort de Bach.
La relation qui vient d'être vue sur les différences est liée au même écart, par rapport aux partages d'or idéaux de 859 (328-531) et 531 (203-328), des sommes correspondant aux préludes-fugues de poids fort et faible. L'idéal aurait été de retrouver horizontalement l'harmonie vue verticalement (écart 0), mais l'écart 7 observé se prête aussi à commentaires puisque :
- les fugues totalisent 14 mesures de plus que l'idéal 859 (et l'ensemble 14 du premier volume est toujours BWV 859);
- les préludes totalisent 14 mesures de moins que l'idéal 531, faisant apparaître pour les poids faibles le nombre 196, carré de 14.

Je renvoie à mon site pour de multiples autres investigations numériques chez Bach. On y trouve aussi cette page qui explore les "polars bachiens", à partir de cette collision des couvertures de livres des auteurs BA et CH parus en 2000, 250e anniversaire de la mort de Bach qui a donné lieu à de multiples manifestations plus offcielles.


ABSTRACT
There are 4 perfect golden harmonies among the totals of bars for each key in the Well Tempered Clavier, both volumes joined. See matrix upwards.
3 of these harmonies concern the 3 strongest numbers of bars, the last one the lightest.
The 6 keys concerned by the strong relations are b-a-C-h, and cis-fis more signifying by their ranks, 4 and 14. The ranks of BACH's 4 letters name add up to 14.
Within each of these keys 4-14, the 4 numbers of bars for each individual piece are 2 by 2 in golden harmony, these are the only cases among all 24 keys.
The 3 strong bar-numbers (289-287-283) add up to 859, while their relatives 179-177-175 make 531, quite near the calculated golden ratio of 859 (530.9).
The light harmony is again between Bach keys, H-c. A Fibonacci type sequence built on their numbers gives:
125-203-328-531-859-1390...
531-859-1390 are the numbers of the joined 3 strong relations.
The surprises are not over. The individual harmonies within keys 4-14 suggest a closer study, and I found that:
Within the 3 strong relations, adding up together strong preludes, strong fugues, weak preludes, and weak fugues, gives 4 numbers 321-538-196-335.
We already know that additions
321 + 538 and 196 + 335 lead to 531-859-(1390)
but substracting weak preludes and fugues from strong ones
321 – 196 and 538 – 335 leads again to 125-203-(328), the numbers of the light harmony.

Adèle H-21 en noir

Je reçois ce 21 mars L'Histoire d'Adèle H, un Truffaut de 1975 que je n'ai dû voir qu'une fois, à la télé, il y a longtemps, et qui ne m'avait guère plu.
Il ne me séduit pas plus aujourd'hui, mais ma peine est récompensée par ce 813 à la porte du lieutenant Pinson, l'amour obsessionnel d'Adèle.

Ce n'est pas qu'un 813 de plus dans l'oeuvre de Truffaut, car je reste désormais attentif au temps dans chaque film que je regarde, or la durée du film en DVD est de 93'39", dont la section d'or est 57'52", et l'image ci-dessus correspond au temps 57'49" (cliquer pour le vérifier). De fait la porte s'ouvre au temps 57'52", mais ce ne semble en rien un instant décisif du film (pour peu qu'il y en ait).
Comme dans Mata-Hari agent H-21 et dans La mariée était en noir, la citation 813 apparaît donc avec une exactitude troublante à la section d'or du film (je n'ai vu sur aucun autre plan le numéro de la porte de Pinson). Je pensais jusqu'ici à de purs hasards, mais ça commence à faire beaucoup, d'autant que ce n'est pas la seule coïncidence avec ces films.
J'observais ici qu'ils étaient tous deux au format 1.66, qui n'est pas majoritaire dans l'oeuvre de Truffaut, et que c'étaient des films avec Jeanne Moreau, or Adèle H est aussi au format 1.66, et c'est un vieux projet pour lequel Jeanne Moreau avait d'abord été pressentie...


Elle est morte, Adèle... Ce plan fixe final en noir et blanc est peut-être une vieille image, les tombes étant aujourd'hui trop dégradées. Toujours est-il que l'année de naissance d'Adèle a peut-être inspiré Truffaut, qui en bon lecteur du "813" de Leblanc devait savoir que ce sont les chiffres 8-1-3 qui importent, et non leur ordre exact.
Il y a peut-être d'autres allusions au roman de Leblanc, avec le notaire qu'Adèle va voir au Canada, Maître Lenoir (!), auquel elle raconte qu'elle est la femme du docteur Lenormand (c'est une des identités d'Arsène Lupin dans "813"), de Paris, et qu'ils s'inquiètent de leur nièce Adèle qui s'est entichée du lieutenant Pinson, lequel est dit connu à Halifax comme "le loup blanc" (Leblanc Lupin?) par le libraire.
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Une petite curiosité encore sur le format de ce film. S'il s'agit bien d'un format originel 1.66 selon diverses sources (imdb notamment), mon logiciel de lecture ne l'affiche pas dans la même fenêtre 335x207 mm que les autres films 1.66 vus jusqu'ici (soit un format d'or idéal), mais dans une fenêtre 305x185 mm (soit un format 1.65 plus conforme).
Je signale la chose en espérant que quelqu'un en connaisse l'explication.
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Je rappelle ma page recensant tous les 813 chez Truffaut.

mercredi 12 mars 2008

code Anar

Le 5/3 dernier, où j'avais Santa Ana de Dick en tête, et où j'ai emprunté à la médiathèque de Digne le n° 408 de La Recherche avec la solution du problème Leroy des aulnes, ainsi que le roman de Brigitte Aubert où figurait l'expression kojh ito anah, j'ai eu l'idée de regarder la cote ANA dans les romans: il n'y avait qu'un titre, Atlas des continents brumeux, premier roman du turc Ihsan Oktay Anar (1995, traduit en français en 2001).

J'ai un peu tardé à le lire, d'abord frappé par cette cote R - ANA, lue Rana, la grenouille latine. Dans La Race à venir de Bulwer-Lytton, le mot Ana désignant cette race est dit se prononcer "arna", or selon la mythologie des "arna" ils descendraient des grenouilles.

Le roman se lit bien, malgré un certain foisonnement. J'y ai trouvé un petit écho à mes préoccupations "Ana", mais la principale curiosité retenue est un code utilisant pour clé les 666 premières décimales de Pi, ce qui me rappelle fortement le film Pi d'Aronofsky, tournant autour d'un nombre divin secret composé de 216 chiffres, 216 étant le cube de 6, soit 6.6.6.
La connaissance de ce nombre devient un enfer pour le héros Max Cohen, qui se trouve contraint, pour échapper à tous ceux qui veulent la lui extorquer, de s'autolobotomiser. On voit plusieurs séquences de 216 chiffres dans le film, dont celle-ci, copiée peut-être à dessein sur un tract indiquant

86% d'exactitude
(Seul Dieu est Parfait)

Le film contient diverses allusions à la gématrie, technique attribuant des valeurs numériques aux mots hébreux, selon laquelle le mot Dieu, Elohim, a pour valeur 86. Par ailleurs il s'achève sur deux opérations dont Max est incapable de donner le résultat, une multiplication donnant 46665 (avec la séquence 666), et une division donnant 3,14..., l'approximation courante de Pi.
J'avais déjà vu un curieux réseau de coïncidences entre les oeuvres d'Aronofsky, Werber, Danielewski, à propos de ces nombres 666 et 216, et voici que ce cher Anar s'y joindrait, par un nouveau hasard puisqu'il est peu probable qu'Aronofsky ait connu le roman turc de 1995.

Je n'ai trouvé qu'un article en ligne sur le roman d'Anar, ou plutôt sur sa 4e de couverture car rien dans l'article n'indique que son auteur ait ouvert le livre (il ne serait pas le seul critique dans ce cas). Ce canadien utilise la citation de Camus "Ce sont les rêveurs qui changent le monde, les autres n'en ont pas le temps.", figurant sur la 4e de couverture, pour parler d'autres livres sur les mondes virtuels qu'il a l'air de mieux connaître, notamment Internet, où Nicolas Bonnal compare le fameux www (world wide web) au 666 de l'Apocalypse, parce que le waw, à l'origine de notre w, est la 6e lettre de l'alphabet hébreu. Incidemment, cette interprétation a déjà été donnée à propos du 666 original, qui aurait désigné Hérode, dont l'orthographe grecque Hôrôdôs s'écrit exceptionnellement avec 3 omégas, correspondant à 3 waw hébreux.
Quoi qu'il en soit, si j'ai bien raison de supposer que ce critique n'a pas lu l'ami Anar, c'est une belle curiosité de trouver dans cette courte chronique la mention d'un autre 666.

J'ai éprouvé un frisson au début de Atlas des continents brumeux en découvrant qu'une traduction en turc du Discours de la méthode y joue un rôle important. J'avais une bonne chance de trouver un cogito dans cet Anar emprunté en même temps que le kojh ito anah dans le roman exotique d'Aubert... Ce ne fut pas le cas, et la seule allusion à la formule de Descartes est donnée sous la forme "Je pense, donc ils sont", car le roman exploite le thème du monde rêvé par un unique individu réel.

Il y eut toutefois un écho deux jours après ma lecture d'Anar. Feuilletant (par hasard dirai-je) Coïncidences - Hasard ou Destin, livre dont le titre m'horripile (ou face) tant qu'il est caché dans un coin peu accessible, j'y trouve de son coauteur Michel Granger un essai sur la synchronicité où il utilise l'expression "J'y pense, donc ça suit".
Belle expression, et surtout bel écho au kojh ito anah de B. Aubert. Malgré le titre calamiteux le livre recense des tas d'anecdotes intéressantes, quoique souvent invérifiables. Je suis particulièrement frappé par le cas page 34 de Yves Bertin, tiré du Invitation au château de l'étrange, de Claude Seignolle.
Ce Bertin a donc remarqué 3 fois le même jour des voitures immatriculées 3411, son matricule dans la marine. Y voyant un bon augure, il a alors joué le tiercé 3-4-11, qui n'a pas été gagnant, alors que la même page de journal donnait les résultats du tirage de la Loterie Nationale, attribuant 500 F aux billets se terminant par 3411.
Ceci m'a rappelé mes messages de février, sur les nombres fétiches (ou supposés) de Perec et Truffaut, 1143 et 813. Je citais le cas de Truffaut composant en 70 l'unique tiercé de sa vie, 8-1-3, pour voir gagner le 4-5-1, alors qu'il avait fait dire à Julie Christie en 1966 "451, pourquoi pas 813 ?"
On aura remarqué que 3411 constitue le renversement du 1143 de Perec, et, de fait, il est supposé que ces formes étaient équivalentes pour ce champion du palindrome. S'il ne s'est pas exprimé directement sur cette question du 11-43 qui n'a été découverte qu'après sa mort, il a révélé explicitement l'expression de sa date de naissance le 7 mars par les combinaisons 73 et 37.
Bertin est cité pour deux séries de coïncidences, sur 3411 et sur le 17 janvier, date revenant dramatiquement dans sa vie. Certains exégètes de Perec ont proposé de retenir également 17 comme nombre réglant son oeuvre, à cause du 17 janvier 43, jour où sa mère a été raflée, avant d'être envoyée vers Auschwitz le 11 février 43.
Quatre des 17 janvier de Bertin concernent des morts dans son entourage, mais son 17 janvier 66 concerne un événement célèbre: alors que le navire qu'il commandait croisait au large de Palomares, un avion US s'abîma dans la mer avec ses quatre bombes A. C'est en 1966 qu'est sorti Fahrenheit 451 de Truffaut, ainsi que Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour, le second roman de Perec, où apparaît le 11-43 le plus immédiat de son oeuvre, avec 11 psychocolonels associés à 43 cm de sonde javellisée...
Palomares (écrit Polomares dans ce livre bourré de coquilles) signifie "colombiers" en espagnol, ce qui m'évoque l'affaire ours-colombe, d'autant que les noms Bertin et Aubert contiennent la syllabe ber (Bär = "ours" en allemand, bien qu'il s'agisse ici d'une autre étymologie).
Une autre coquille du livre coécrit par Michel Granger a retenu mon attention. Trois semaines avant l'attentat de l'IRA qui coûta la vie en 79 à Lord Mountbatten, paraissait "une nouvelle écrite par l'Américain Bill Granter, The November Man", où était déjoué un attentat très similaire contre un Lord cousin de la Reine. Il se trouve que j'ai lu ce roman, écrit par Bill Granger, portant donc le même patronyme que Michel Granger. Vérifiant la chose avec la requête "Bill Granger Mountbatten", le premier résultat est un article du Chicago Sun-Times du 11 février 86, évoquant une nouvelle prédiction dans le sixième roman de Granger, à propos de Haïti reconnaissable dans l'île des Caraïbes St-Michel du roman. Et voici Michel chez Granger!, et un autre 11 février, 43 ans après celui de 43.

mercredi 5 mars 2008

Santa Ana

Ce 5 mars, je pensais en me rendant à Digne à rédiger le billet précédent, Ana chronique, et il me traversa l'esprit que PK Dick avait passé la fin de sa vie à Santa Ana, où il était mort dans des circonstances dickiennes, débranché, le 2 mars 82.
Malgré tout le bien que je pense du Domaine d'Ana de Lahougue, au centre du billet précédent, j'ai à chaque fois que je le relis le regret que la seconde partie n'ait pas été écrite avec une parfaite connaissance de l'oeuvre de Dick, le grand spécialiste des mondes virtuels.
J'ai pensé que "Santa Ana" pourrait être une façon de désigner le phénomène des coïncidences en série, apparenté à ce que Jung avait nommé "synchronicité", transformé par son traducteur Etienne Perrot en "Sainte Chronicité"... Dick semble avoir bien connu le phénomène, même si une récente interview, de sa nièce Anne précisément, tend à relativiser certaines déclarations de Dick qui s'amusait à imaginer les anecdotes les plus saugrenues pour nourrir sa légende.
Je n'essaierai pas d'expliquer pourquoi j'ai jadis personnifié en "éon Napol" le phénomène, et citerai cette approche de Hans Bellmer, à laquelle j'adhère mot pour mot :
Un "génie" ardemment appliqué derrière le "moi" semble ajouter beaucoup du sien afin que "je" perçoive et imagine. Un génie irrespectueux sans doute, pour qui la logique d'identité, la séparation du corps d'avec l'esprit ou les balivernes du "bien" et du "mal" sont tout au plus matière à plaisanteries et qui ne chante de tout cœur que la gloire de l'improbable, de l'erreur et du hasard. (Petite anatomie de l'image)
Bref, après ces quelques réflexions intimes sur Dick et Santa Ana, je suis passé à la médiathèque de Digne où j'ai notamment emprunté le n° 408 de La Recherche, que je lis régulièrement. Plus tard, j'ai regardé ce qui m'intéressait, notamment la rubrique des jeux mathématiques, et suis tombé en arrêt devant la solution des jeux du mois précédent, du n° 407 d'avril 07 donc. Alors que mon billet du 11 février dernier concernait un 1143 vu dans un film adapté de Dick, Paycheck, ce qui m'avait amené à évoquer l'aune anglaise de 11,43 dm, le premier problème intitulé Leroy des aulnes avait pour solution 11,43 ha.
Je peux reconstituer à partir de la solution l'énoncé du problème : trouver un triangle dont un côté mesure 40 dm et les deux autres côtés sont des entiers (en dm), sachant que l'un des angles du triangle est 60° et que sa surface est supérieure à 10 ha.
Si je ne peux deviner ce que les aulnes venaient y faire, je suppose du moins qu'il s'agissait des arbres, mais je suis payé pour savoir (enfin c'est une façon de parler) que jadis "aune" comme "aulne" désignaient aussi bien l'arbre que la mesure, ainsi au chapitre VIII du Gargantua apprend-on que "Pour son pourpoinct furent levées huyt cens treize aulnes de satin blanc (...)"; 813, tiens donc, mais c'est une autre histoire...
C'est donc une curiosité intrinsèque de trouver un problème d'aulne dont la solution soit 11,43 ha (ou 1143 dam2), et il est peu probable que cette rencontre ait été désirée car, d'une part tout le monde ne sait pas qu'aulne et aune sont synonymes dans toutes leurs acceptions, d'autre part ce problème n'a pu être créé pour obtenir la solution 11,43 (c'est évident pour les matheux, et serait très ennuyeux à expliquer pour les autres).
Les échos vont bien plus loin pour moi puisque j'avais en ce jour le Santa Ana de Dick en tête, et que mon premier billet mentionnant Dick avait été motivé par la vision de deux nombres faisant sens (pour moi) dans deux adaptations de son oeuvre, le taxi 1143 de Paycheck, et le commissariat 5236 de A Scanner darkly. Or j'ai jusqu'ici cité une fois et une seule la rubrique des jeux de La Recherche, pour son n° 352 d'avril 02, à propos de la coudée de 52,36 cm. Les responsables de la rubrique y citaient sans commentaire un courrier de lecteur signalant les connaissances mathématiques des Egyptiens:
« Ceux-ci, nous dit-il, constituaient un cercle à l’aide d’une ficelle de 6 coudées royales (environ 0,5236 mètres), ce qui porte son périmètre à 6 x 0,5236, soit 3,1416. »
Ce serait bien le cas de parler de péri-mètre, la circonférence d'un cercle d'un mètre de diamètre étant de 3,1416 m, le problème étant tout de même qu'on ne voit pas ce qu'auraient pu en faire ces braves Egyptiens, lesquels en principe ne connaissaient pas le mètre... Ceci ne mériterait guère d'attention s'il n'existait toute une mythologie fantasmatique autour de cette coudée royale, laquelle n'avait pas besoin de la caution implicite de la plus prestigieuse revue de vulgarisation scientifique.
Enfin je me sens enclin à pardonner aujourd'hui où il est clair que les acteurs de cette affaire ont suivi une trame imposée par Sainte Chronicité, de la coudée royale à l'aulne de Leroy, d'autant que les deux numéros concernés sont d'avril, mois des canulars que respectent encore certains périodiques, dont La Recherche. Incidemment, le premier exemple de synchronicité donné par Jung concerne les poissons d'avril.
Sainte Chronicité ou Santa Ana ? Il peut exister un rapport entre l'aune et le prénom Anne, rapport lui aussi possiblement issu d'une synchronicité. Le premier chapitre de toutes les éditions de Robur-le-Conquérant, de Jules Verne, mentionne l'observatoire de Aun-Arbor. Il s'agit évidemment de Ann Arbor, ville universitaire du Michigan, port (harbor) baptisé par son fondateur selon un prénom chéri, et la déformation en Aun-Arbor est jugée par certains intentionnelle car aun laisse entendre "aune", synonyme de "verne", et arbor est aussi le latin "arbre".
Un autre lien est immédiat, admis que ana signifiait "marais", comme en témoigne le Glossaire d'Endlicher, manuscrit du 10e siècle: les noms bretons du marais, gwan et gwern, sont évidemment liés à l'aune-verne, l'arbre des marais.
Il est cependant fort possible que Aun-Arbor résulte d'une coquille très répandue, les minuscules "u" et "n" se confondant aisément dans les casiers de l'imprimerie, ce qu'on pourra vérifier en googlant "aune de bretagne" ou "aune de montmorency", les résultats venant essentiellement du service Google Recherche de Livres, et donc de livres scannés avec leurs coquilles d'origine. J'ai retenu l'un des premiers résultats faisant apparaître un 1er avril:
MONTMORENCY DE DANVILLE (Henri I" de), maréchal et connétable de France, second fils d'Aune de Montmorency, mort à Agde le 1" avril 1614, âgé de 70 ans.
J'ai hésité à livrer ce qui va suivre, tant ce me semble peu crédible, mais tout n'y repose pas uniquement sur ma parole, alors voici.
Ce 5/3 où j'ai emprunté le n° 408 de La Recherche, j'ai aussi emprunté un roman de Brigitte Aubert, Rapports brefs et étranges avec l'ombre d'un ange. Drôle de titre et drôle de bouquin, polar expérimental auquel j'avoue ne guère adhérer, mais au moins l'esprit d'inventivité de Brigitte Aubert ne s'y dément pas. Il s'agit d'une aventure dans une Asie imaginaire, accumulant les stéréotypes en les détournant, bref j'ai pensé à Roussel, à Lahougue aussi... Toujours est-il que je suis arrivé, au bas de la page 21, à cette question dans une langue exotique:
Sans espérer être cru, je certifie m'être dit "Tiens, on pourrait bien trouver ANA dans cette langue",et j'ai tourné la page:
C'était la première apparition de cette langue qui semble inventée, témoin "kojh ito" vraisemblablement calqué sur cogito, et qui n'est utilisée qu'à une autre occasion, page 38. J'ai néanmoins consulté Google, et obtenu un résultat pour "ito anah":
it is worthy of notice that the term ÏTO anah, afflict, here used...

Il s'agit encore d'un résultat GoogleBooks, et aller y voir de près montre que ce "ito anah" est purement virtuel. GoogleBooks propose des milliers de livres scannés page par page, et le service Recherche de Livres utilise leur texte numérisé par des logiciels qui ne sont pas toujours appropriés à la variété des cas, notamment celui de ce livre incluant de nombreuses citations en grec et hébreu. Ici le logiciel a reconnu ÏTO dans les lettres hébraïques correspondant au verbe transcrit par ailleurs anah.
Curiosité, ce livre de 1852 est dû à un certain George Bush, mais je suis surtout effaré de sa provenance. L'exemplaire scanné le 17 février 06 vient de
University of Michigan Library
Ann Arbor, MI 48109 United States
Ito anah vient donc de Ann Arbor, l'exemple que j'avais choisi pour "valider" le lien aune-Ana, en ignorant alors ce développement ébouriffant.
Sainte Chronicité, tu es bien Santa Ana!
Google livre assez peu de Sainte-Chronicité (26 résultats effectifs le 6/3), j'ai retenu ce résultat parce que Sainte-Anne y est directement associée:
en voilà encore une belle de sainte-chronicité !
aujourd'hui c'est jour de fête pour Elle & Lui :26 juillet, Sainte-Anne & Saint-Joachim…
Je voulais encore mentionner ce que signifie pour moi le "Roi des aulnes", m'évoquant un autre de mes auteurs favoris, Frederic Dannay, plus connu sous le pseudo Ellery Queen. Selon ses propres dires, le prénom Ellery a été choisi d'après un ami de sa jeunesse, décédé. Il ignorait alors la signification de ce prénom, en rapport avec l'aulne. Puis lui et son cousin ont cherché un nom qui sonnerait bien avec Ellery, et se sont arrêtés à Queen.
Le 24 février dernier, j'ai regardé avec attention un épisode de Barnaby intitulé La course au trésor, qui est aussi le titre d'une nouvelle d'Ellery Queen, parce qu'il y apparaissait un personnage nommé Hilary King, ce qui est encore le pseudo que prend le personnage Ellery Queen dans un roman d'Ellery Queen, The Devil to pay. Malgré ces prémices, Ste Chronicité n'était guère au rendez-vous ce soir-là.
Et un petit développement matheux:
Le n° 408 de La Recherche fait écho dans ses actualités à une nouvelle démonstration d'une splendide formule concernant le nombre π, page 29:
1/12+1/22+1/32+... = π2/6
Autrement dit la somme des inverses de carrés des nombres entiers, de 1 à l'infini, est égale au sixième du carré de π. Le n° 352 mentionnait l'approximation π/6 = 0,5236, la démonstration utilise un triangle d'aire π2/6, le problème Leroy des aulnes concerne les entiers et un triangle d'aire approximative 11,43 (dans le désordre les 4 premiers chiffres de π, 3,141...) Il y a tant d'échos que je me suis demandé s'il y avait moyen de modifier la formule ci-dessus, et effectivement, en divisant les deux membres de l'équation par π:
1/π.12+1/π.22+1/π.32+... = π/6 (= environ 0,5236)
Le premier membre correspond à la somme des inverses des aires de tous les cercles de rayon entier (ou de diamètre pair), le second correspond au volume d'une sphère de diamètre 1. J'ignore ce qu'un vrai matheux en penserait, pour ma part je visualise mieux le vertige de cette formule ainsi.
L'inverse des cercles infinis est fini comme une orange (Santa Ana fait partie du comté d'Orange, en Californie)

Ana chronique

En 1998 est paru Le Domaine d'Ana, roman où Jean Lahougue calquait l'intrigue du Voyage au centre la terre de Jules Verne pour proposer un voyage au centre du langage, au sens "littéral" puisque le roman propose des lectures de multiples messages cachés dans les "centres", centres du livre, du chapitre, du paragraphe, de la phrase, du mot... et des illustrations réalisées par Lahougue lui-même. La seule liste des 38 contraintes que s'est imposées l'auteur provoque le vertige: quel fou a pu se lancer dans une telle entreprise? (un travail de 10 ans, mais pas à plein temps) Comment un livre aussi compliqué pourrait-il être lisible?

Pourtant le livre se lit agréablement, malgré (ou grâce à) un style quelque peu... anachronique, et il n'est pas nécessaire de se lancer dans une vaste entreprise de décryptage pour suivre le fil d'une amusante aventure.
Enfin l'aspect dingue de l'entreprise n'est pas à négliger, et j'y ai trouvé une nouvelle confirmation de la conjecture Blogruz: les créations dingues sont beaucoup plus dingues que ne l'imaginaient leurs créateurs. J'explore toutes les bizarreries repérées dans le Domaine sur cette page, ce qui est parfois complexe, aussi ai-je décidé de ne présenter ici que ce qui est lié au choix du prénom Ana par Lahougue.

En bref, Lahougue a remplacé les explorateurs de Verne, le professeur Lidenbrock et son neveu Axel, par le lexicologue Noé Brideuil et son aide et neveu Alex, frère de la jeune épouse et nièce Ana de Noé. Le frère de Noé, l'informaticien Théo, était aussi amoureux d'Ana, et le dépit l'a poussé à une monstrueuse vengeance, piéger le lexicologue dans un univers virtuel, le domaine d'Ana créé d'après les mots mêmes du récit du narrateur, Alex...
Lors du travail préparatoire à l'écriture du roman, Lahougue songeait à appeler son personnage féminin Anna, encore pour une raison "centrale": les aventuriers sont piégés au coeur des mots, or A débute l'alphabet et N est son centre (avec M ne permettant pas de forger un prénom usuel), aussi ce prénom palindrome porte-t-il en lui-même la notion d'enfermement comme celle de libération, puisque c'est en reprenant le récit à rebours que les héros échapperont du piège.
Lahougue en était donc à ce stade "Anna" du roman lorsqu'une étudiante espagnole prit contact avec lui: elle préparait une thèse sur son oeuvre et se nommait Ana Roman! Cette forme en 3 lettres lui parut bientôt éminemment préférable, notamment à cause du préfixe ana-(en arrière, à l'inverse de) et du suffixe -ana, lequel a donné naissance au substantif "ana", recueil de bons mots, ainsi Ana était l'épouse idéale du lexicologue attelé à un Dictionnaire pragmatique de la langue française.

Le choix du nom Ana est donc lié à une coïncidence qui a émerveillé Lahougue ("On finirait par croire en Dieu.", écrit-il), et ce mécréant (j'en suis un autre) a dû avoir fort à faire pour résister aux bizarreries qui vont suivre, dues à un "glanage" très peu systématique au coeur du "langage", si bien que de plus belles coïncidences sont-elles probablement encore à découvrir.

1- Ana est un nom de la déesse-mère des Gaulois, ce qui en soi est déjà intrigant puisque ana signifie "mère" en turc, mais offre encore un écho avec le Domaine d'Ana dont l'échappatoire réside dans le mystère de la féminité, lequel apparaît au centre de l'illustration centrale (cliquer pour agrandir), et est repris en anamorphose dans toutes les autres illustrations.
En celte, ana signifiait "marais", or Alex décrit le Domaine d'Ana comme "un arpent de caillasse, et de tristes marigots", s'ouvrant sur une "chaussée qui coupait au milieu des marais."
Du blog Le Vilain Petit Canard où j'ai appris les éléments ci-dessus, je cite intégralement ceci:

Le domaine d'Ana, c'est l'eau, celle trouble des marais. Les marais sont le lieu où la terre et l'eau sont intimement liées, c'est aussi le point de passage entre le monde visible et le monde invisible.

L'entrée du domaine d'Ana de Lahougue est précisément le point de passage entre le monde réel et un monde virtuel. Par ailleurs je découvre dans ma Toponymie celtique (JM Plonéis) qu'il y aurait une relation entre le celtique ancien *wag-na, "marais", d'une racine indo-européenne *wag, et le latin vagina, "gaine", à l'origine de "vagin". Ces rapprochements s'étendent au toponyme Jouanne/Jona, et un autre personnage important de Lahougue est le chien Jonas.

2- Ma région du Verdon a connu quelques bouleversements, un mythomane nommé Weysen y ayant reconnu le centre commun de tous les mystères planétaires. Le plus effarant est qu'il a été pris au sérieux, trompant son monde pendant plus de 30 ans en promettant des pourcentages sur les trésors qu'il allait découvrir... L'affaire s'acheva en 1994 après un scandale, alors qu'il dirigeait un programme de fouilles destiné à ouvrir l'accès au monde souterrain recelant tous ces trésors, en un lieu qui selon les documents cryptés en sa possession se nommait le Clos Ana !
La coïncidence avec le roman de Lahougue ne s'arrête pas au nom Ana de ce seuil vers un monde chimérique, car Weysen a recours également à l'image du sexe féminin pour l'évoquer, et son "Clos Ana" se situe entre les villages Le Bourguet et Jabron; le domaine d'Ana virtuel permet d'accéder aux doubles virtuels des villes où habitent les frères Brideuil, Bourgon et Hermet (réels toponymes de la région de Lahougue). Plus de détails ici.

3- Un ouvrage récent sur cette affaire du Verdon donne une explication plausible de l'origine du nom Ana, laquelle ne rend pas compte des autres collisions entre les mondes de Weysen et de Lahougue, et révéle en fait une nouvelle coïncidence renversante.
Le premier épigone du Voyage au centre de la terre, publié en 1864, a probablement été La Race à venir, de Edward Bulwer-Lytton (The Coming Race, 1870). Son héros y découvre un accès aux mondes souterrains, habités par une race plus évoluée que les hommes, et qui se nomme les Ana ! Je rappelle que le roman de Lahougue parodie explicitement le Voyage de Verne, dont cette première imitation aurait pu s'appeler Le Domaine des Ana.

4- Ces curiosités concernaient jusqu'ici des faits antérieurs à la publication du Domaine d'Ana (octobre 98), et il faut s'en remettre à Lahougue pour les accepter comme des hasards. Le cas qui vient n'a nul besoin de corroboration puisqu'il concerne un téléfilm diffusé pour la première fois en septembre 99, dont au moins le script devait être antérieur à la publication du Domaine d'Ana.
Dans cette nouvelle adaptation du roman de Verne, les héros Otto Lidenbrock et Axel sont devenus le professeur Theodore Lytton, parfois appelé Theo, et Jonas. Je rappelle que Lahougue a introduit le personnage de Théo, frère du professeur, Ana sa femme, et un troisième comparse d'importance puisqu'il guidera les explorateurs perdus vers la "fente salvatrice", le chien Jonas, remplaçant le guide Hans du roman de Verne. Ainsi les prénoms des deux principaux personnages du téléfilm sont-ils identiques à ceux de deux des trois personnages annexes imaginés par Lahougue, et leur nom Lytton renvoie probablement à dessein (sinon ce serait encore plus étonnant) à Bulwer-Lytton aussi nommé lord Lytton, le père des Ana, l'autre personnage de Lahougue... Ce téléfilm introduit des péripéties "lyttoniennes", confrontant les héros aux habitants du monde souterrain, et comme le héros de Lytton Jonas y tombe amoureux d'une cavernicole, Ralna.

5- En 2003 est paru Dreamericana, roman de SF dû à Fabrice Colin, lequel m’a certifié n’avoir jamais entendu parler de Lahougue, et a fortiori du Domaine d’Ana.
Or il y a une Ana dans son livre, et un Domaine, avec un D majuscule, nom d’un lieu plus ou moins virtuel où les dimensions d’espace et de temps sont inversées, où l’on accède en composant mentalement un code binaire de cent chiffres au cours d’un rapport orgasmique… La première personne accédant au Domaine dans le roman est Ana…

6- Je fais partie d'un petit groupe d'étude du code biblique. En juillet 2007, ce groupe fut perturbé par un certain Ross Kelly, auquel avait été révélé une clé permettant de retrouver l'influence divine dans chaque événement, et cette clé était le code ANA, série de 34 lettres réarrangeables à volonté.
Je crus bon d'informer les membres du groupe que je connaissais plusieurs personnes capables d'exprimer n'importe quelle idée, ou son contraire, avec une série de lettres imposée, et ce avec plus de talent que Kelly qui s'autorise quelques accommodements. J'eus la faiblesse de mentionner les Clos et Domaine d'Ana...
Ana eut vent de cette réponse, et entreprit de me convertir en ajoutant quelques nouvelles anagrammes aux milliers déjà données sur le site de Kelly, comme celle-ci:
THIS PERSONAL LINK TO REMI IS CODED BY ANA

Voilà, en attendant d'autres anagogies, analogies ou anamnèses...

On trouve sur GoogleBooks de larges extraits du Domaine d'Ana comme de Ecriverons Et Liserons donnant les clés du Domaine.

Je voulais ne parler que d'Ana, mais la possibilité d'une parenté étymologique entre Ana et Jona, via le marais *wag-na, me permet de relier ce billet au libellé "colombe": c'est le chien Jonas qui permet à Noé Brideuil de regagner le monde réel, or Lahougue m'a certifié avoir ignoré que Jonas était la forme grecque du nom Iona, "colombe" en hébreu, et c'est une iona qui a indiqué au Noé biblique le chemin de la terre sèche.