mercredi 27 septembre 2017

Du 37e degré à la 97e seconde


  Lundi 27 juin 2005, le hasard de mes déambulations dans la Bibliothèque Municipale de Digne m’a fait tomber sur 37e parallèle de Colette Lovinger-Richard, un polar publié en avril 2003 que je n’avais jamais vu, ce que je peux affirmer tant ce titre m’est immédiatement évocateur.

  Le 37e parallèle, c’est évidemment celui que fait parcourir Jules Verne à ses Enfants du capitaine Grant : le capitaine a confié les coordonnées de son naufrage à une bouteille à la mer, mais seule la latitude apparaît sur le message, rongé par l’eau de mer. D’autres éléments corrompus du message font envisager tour à tour trois possibilités, la Patagonie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, mais les recherches successives sont inopérantes, et c’est finalement un hasard qui permet de retrouver le 7 mars 1865 le capitaine Grant à l’île Tabor, de longitude 153° Ouest.

  37e parallèle est divisé en trois parties, comme les Enfants du capitaine Grant :

La bouteille à la mer, en 6 chapitres ;

Recherches, en 15 chapitres ;

L’île Tabor, en 3 chapitres.

  Une des premières choses que je regarde en abordant un livre est sa structure, et je remarque aussitôt que les nombres de chapitres de chaque partie sont divisibles par 3.
  Ce ne semble pas être un hasard. Le capitaine est ici un commissaire, Fersac, le plus fameux flic de France, trouvé mort d’un coup de son arme de service. On a conclu à un accident, mais il pourrait s’agir d’un suicide, ou d’un meurtre… Fersac avait deux fils, Alain et Francis, 39 et 35 ans, et il a laissé à Francis une lettre lui indiquant qu’il avait reçu des menaces, et qu’au cas où il lui arriverait quelque chose, il faudrait peut-être chercher du côté de trois affaires qui lui avaient laissé un sentiment de doute.

  Ce document est donné à la fin du 3e chapitre de La bouteille à la mer, suivi de 3 chapitres consacrés aux dossiers des 3 affaires en cause. Ceci fait apparaître un nouveau 3 et m’évoque deux constatations antérieures :
– La structure de 37e parallèle est identique à celle d’un roman d’Agatha Christie, Cinq petits cochons, également consacré à la réouverture d’une vieille affaire et également divisé en 3 parties. Ce sont ici les 5 suspects qui semblent déterminer la répartition des chapitres, ainsi la première partie débute par des chapitres introductifs, au nombre de 5 sans nécessité aucune, suivis de 5 chapitres consacrés aux rencontres de Poirot avec les 5 suspects. La seconde partie est constituée par leurs 5 témoignages circonstanciés. La dernière partie est encore composée de 5 chapitres, sans nécessité évidente.

– Il me semble avoir repéré une volonté structurale non seulement dans Les Enfants du capitaine Grant, mais dans les deux autres romans de la trilogie de Verne. Il y a 3 parties de 26-22-22 chapitres dans les Enfants, mais les 4 premiers chapitres sont consacrés à la découverte de la bouteille et à l’organisation de l’expédition de sauvetage qui ne prend la mer qu’au début du 5e chapitre. Ce pourrait donc être une sorte de prologue laissant 22 chapitres pour chaque partie explorant une hypothèse de recherche.

  Cette théorie me semble confortée par le fait qu’une structure absolument identique se retrouve aussi bien dans 20 000 lieues sous les mers que dans L’Île mystérieuse, et que d’autres romans de Verne semblent marqués par d’autres recherches architecturales, comme Mathias Sandorf structuré en 5 parties de 9-8-7-6-5 chapitres. Je m’en tiens là, car peu importent ici les réelles intentions de Verne, l’essentiel étant que ces lectures sont envisageables par tout lecteur attentif. Je les mentionne dans une étude en ligne depuis deux ans.
  Bien plus litigieux est un autre point que j’avais soulevé sur une liste littéraire le 7/6/02. Le périple sur le 37e parallèle aboutit un 7 mars, qui s’écrit à l’anglaise le 3/7. Je n’ai aucune certitude sur l’intention de cette correspondance, je remarque néanmoins que la latitude exacte du lieu recherché est 37° 11’, et que c’est un 3/7 à 11 h du soir que les enfants du capitaine Grant entendent la voix de leur père disparu, alors que leur navire mouille par hasard devant l’île Tabor, de latitude 37° 11’ (et de longitude 153°).

  Je reviens à 37e parallèle pour souligner sa parfaite correspondance structurale avec Cinq petits cochons, que l’auteur n’avait nul besoin de connaître, tant les préoccupations structurales peuvent amener à des résultats voisins. Il n’y avait ainsi aucune obligation que chacune des parties de 37e parallèle ait un nombre de chapitres multiple de 3, bien que ce nombre structure partiellement les deux premières parties. J’ai déjà signalé les 3+3 chapitres de La bouteille à la mer, répondant exactement aux 5+5 chapitres de la première partie de Cinq petits cochons, et j’ajoute maintenant que ces subdivisions sont fort proches de ce que j’ai observé pour les premières parties de certains romans de Verne, notamment du Capitaine Grant, où la première partie serait couplée à un « prologue ».
  La seconde partie de 37e parallèle débute par deux séries de chapitres alternant régulièrement les 3 affaires concernées, mais cette régularité disparaît ensuite et ce n’est semble-t-il que « par hasard » que le nombre de chapitres de cette partie, 15, est multiple de 3.
  S’il y a 3 parties dans 37e parallèle comme dans le Capitaine Grant, leurs structures ne sont pas superposables, et La bouteille à la mer correspond aux 4 chapitres du « prologue » de Grant, les 15 chapitres de Recherches à la quasi-totalité du roman de Verne, et les 3 chapitres de L’île Tabor à la fin de la dernière partie de Grant, où ce dénouement à l’île Tabor occupe d’ailleurs aussi 3 chapitres.

  Ces 15+3 chapitres pourraient précisément énoncer le nombre 153, la longitude inconnue du lieu du naufrage du capitaine Grant, le nombre essentiel dont les trois chiffres ont été effacés sur le message trouvé dans la bouteille.

  Je ne suis pas sûr du tout que Colette Lovinger-Richard ait pensé à cette combinaison, mais je trouve d’autres éléments qui semblent significatifs. Ainsi j’ai évoqué plus haut le 7 mars de Verne, se lisant le 3/7 à l’anglaise, or il y a deux dates essentielles dans 37e parallèle, le 15/3 et le 15/9.

  Les 3 affaires que réétudie le fils du commissaire Fersac sont respectivement :

– L’affaire Oliveira : il y a 13 ans a été assassiné le notaire Antoine Oliveira, un mercredi 15 septembre. Les principaux suspects sont ses enfant Bruno et Madeleine, 17 et 25 ans, qui ont chacun un alibi, mais l’amie de Madeleine se rétracte, Madeleine est condamnée pour le meurtre de son père, et meurt l’année suivante d’un cancer foudroyant. Fersac fils découvre que c’est en fait Bruno qui a tué par accident au cours d’une dispute avec un père tyrannique, et que Madeleine, se sachant condamnée, s’est sacrifiée.

– L’affaire Turpin : il y a 8 ans a été assassinée la femme de Roger Turpin, un samedi 15 mars. Son mari est le seul suspect, il prétend avoir échangé quelques mots avec une automobiliste loin de là à l’heure du crime, mais ce témoin providentiel ne peut être retrouvé. Fersac fils découvre que Turpin avait comploté un faux alibi avec une maîtresse, mais celle-ci est devenue amnésique après un accident malencontreux !

– L’affaire Mermeur : il y a 5 ans a été assassinée une prostituée, à une date non précisée. Je n’ai pas vraiment compris quelle signification cette affaire avait par rapport ni aux deux premières ni à la mort de Fersac, qui n’est pas non plus datée.

  Un évident schéma d’inversion apparaît entre les deux premières affaires, un vrai alibi démoli à l’instigation de l’innocente, un faux alibi préparé par le coupable, mais qui ne peut être confirmé. A cette réciprocité s’ajoute le fait que les dates des meurtres, les 15/3 et 15/9, sont des dates exactement opposées sur le cercle de l’année, et ce fait pourrait être souligné par une réelle curiosité qui témoigne au moins d’intentions tortueuses de l’auteur, quelles qu’elles aient été.

  La fin du livre montre le fils Fersac reprendre les Enfants du capitaine Grant qu’il avait abandonnés dans sa jeunesse à la page 818, au moment où les enfants retrouvent leur père. Il est alors donné un long paragraphe en italiques, présenté comme le texte original de Verne, or il n’en est rien. Si le paragraphe résume bien les circonstances des retrouvailles, on y lit « une voûte céleste où luisent des étoiles qui ne brillent que dans l’hémisphère sud », or ni ces mots, ni même cette idée, ne sont présents ni dans ce passage, ni même ailleurs dans le livre de Verne. Cette idée rappelle que tout est différent dans l’hémisphère sud, où notamment le 15/3 correspond à notre 15/9, et réciproquement.

  J’ai donc une enquête en 15+3 chapitres, portant sur un meurtre commis le 15/3, et sur un autre le 15/9, opposé au 15/3, mais un autre aspect du 15/9 mérite attention, car c’est l’anniversaire d’Agatha Christie, née le 15 septembre 1892. J’avais déjà remarqué à ma première lecture de Cinq petits cochons que le meurtre y était commis un 18 septembre ; il est rarement indifférent qu’un auteur fasse apparaître une date anniversaire, mais peut-on appliquer ce principe aux dates avoisinantes ? En l’occurrence ce 18 serait alors un 15+3… Je n’imagine évidemment pas un quelconque rapport avec la longitude de l’île Tabor, mais je remarque une coïncidence complémentaire : Cinq petits cochons se passe à Alderbury, « cité de l’aulne », or le « verne » est un autre nom de l’aulne.
  Dans Cinq petits cochons, une femme s’est laissée condamner pour le meurtre de son mari, un 18/9 il y a 12 ans, parce qu’elle pensait que sa petite sœur était coupable.

  Dans l’affaire Oliveira, Madeleine a conduit les enquêteurs à l’accuser du meurtre de son père, un 15/9 il y a 13 ans, pour sauver son petit frère effectivement coupable.

  Toutes deux sont mortes en prison.


  L’affaire Oliveira occupe 8 des 15 chapitres de Recherches. Seuls 3 chapitres sont consacrés à l’affaire Turpin, au nom pouvant évoquer les seuls démêlés de Verne avec la Justice (Eugène Turpin lui a intenté un procès en 1896, s’étant reconnu dans le personnage du savant fou Thomas Roch de Face au drapeau), mais elle a immensément plus de chances de faire penser le lecteur d’aujourd’hui à la récente affaire Turquin : le docteur Turquin est en prison depuis de longues années pour le meurtre de son fils, alors qu’il n’existe aucune preuve ni de la mort du fils, ni de l’implication du père dans sa disparition.

  Ce père qui aurait tué son fils (selon la Justice) illustrerait encore la réciprocité des affaires Oliveira-Turpin, et c’est bien l’affaire Oliveira qui semble receler la clé de la mort de Fersac. Le fils Fersac découvre dans L’île Tabor que son père était arrivé aux mêmes résultats que lui pour ces trois affaires qu’il prétendait litigieuses, et qu’il n’avait incité son fils à enquêter que pour l’amener à constater que lui, Fersac, avait fait les bons choix en ne divulguant pas certains aspects de ces affaires.

  C’est l’autre fils Fersac qui a tué son père, au cours d’une confrontation analogue à celle qui a opposé le tyrannique Oliveira à son fils, mais ici le diabolique Fersac a délibérément prémédité son propre assassinat pour punir ses deux fils, l’aîné pour l’accabler du remords de son acte, le cadet pour l’obliger à trahir son credo envers la Vérité, pour couvrir son frère, comme Madeleine Oliveira a renoncé à son honneur pour sauver son propre frère.
  La clé de 37e parallèle réside donc entre les deux frères Fersac, et je constate que la moyenne de leurs âges est de 37 ans. Je ne sais si c’est voulu, pas plus que la moyenne des âges des enfants Oliveira lors du drame, 21 ans (3 x 7).


  Voilà donc ce qu’il en est des commentaires raisonnables sur 37e parallèle, encore que je n’imagine guère que l’auteur ait été conscient de toutes ces possibilités.
  J’imagine encore moins que madame Lovinger-Richard ait situé les trois affaires Mermeur-Turpin-Oliveira 5, 8, et 13 ans avant la mort de Fersac parce que ces nombres appartiennent à la suite de Fibonacci, et pas une seule seconde qu’elle ait eu idée de l’importance que ces trois nombres prendraient pour moi, parce que leurs chiffres peuvent se réarranger en 51,83, l’angle d’or.

  J’ai découvert ce roman plus de deux ans après sa parution, alors que la connaissance de son seul titre m’aurait été suffisante pour l’acheter immédiatement, alors qu’il m’arrive de sortir de mon trou et de regarder attentivement les rayons polar des grandes librairies. Quelques mois plus tôt cette série 5-8-13 ne m’aurait pas particulièrement frappé.

  C’est un 27 juin que j’ai découvert et lu ce roman, or l’énigme du lieu du naufrage du capitaine Grant est liée au jour du naufrage de son navire, le 7, 17 ou 27 juin, ce qui oriente les trois hypothèses de recherche des secouristes. La bonne solution était le 27 juin.

  La veille de ce 27 juin, j’avais trouvé en cherchant tout autre chose un livre que j’avais cherché l’an dernier dans le fouillis qui me tient lieu de bibliothèque, Jugé coupable de Andrew Klavan. Le 4 novembre 2004, j’avais regardé à la TV l’adaptation réalisée par Clint Eastwood de ce roman lu jadis, et que je n’étais pas sûr d’avoir. Un journaliste venu interviewer un condamné à mort le jour de son exécution a des doutes sur sa culpabilité, et doit découvrir in extremis un élément nouveau pour le sauver. Banal, mais mon attention avait été attirée par une orthographe du nom de ce faux coupable donnée par un graffiti, BEACHUM, nom composé de toutes les lettres dont les rangs correspondent aux nombres de Fibonacci, 1-2-3-5-8-13-21, ABCEHMU.

  Mon programme TéléZ donnait le nom Frank Beechum, de même un autre journal, de même le Dictionnaire des films de Tulard… Je me suis demandé quelle était l’orthographe donnée dans le livre, mais je ne l’ai pas retrouvé alors.

  Je n’y accordais qu’une importance fort secondaire, aussi je n’ai pas consacré plus de temps à la question, néanmoins dès la réapparition du livre ce 26/6/5 j’ai aussitôt regardé le nom de l’homme, Beachum, l’orthographe fibonaccienne idéale.


  Cette petite question était donc résolue, mais le lendemain, la conjoncture de la série fibonacienne 5-8-13 de 37e parallèle lui donnait plus d’importance, d’autant que l’affaire Oliveira, la clé du roman, se passait avenue Henri-Martin, aux initiales H-M (8-13) déjà repérées dans une aventure d’Arsène Lupin (contre Herlock Sholmès) ; Boileau-Narcejac ont écrit un pastiche de Lupin intitulé L’affaire Oliveira.

  J’ai donc relu Jugé coupable, en accordant d’abord une certaine attention à sa structure, en 10 parties et 47 chapitres. Les sections d’or entières de ces nombres sont idéalement 6 et 29, et les 6 premières parties du roman totalisent effectivement 29 chapitres. A ce point correspond un climax important : c’est à la fin de cette 6e partie, L’autre type, ou du 29e chapitre, que l’enquêteur apprend le nom du vrai meurtrier, Warren Russel, de race noire.

  Il y a une importante différence entre le roman et son adaptation. Dans le roman Beachum est blanc, et son cas est exemplaire car il est censé démontrer que l’état du Missouri traite un criminel blanc de la même manière qu’un noir, aussi faudra-t-il un motif indiscutable pour décider le gouverneur à surseoir à l’exécution.
  Clint Eastwood a fait de Beachum un noir également. Il serait amusant que le Frank blanc soit Beachum et le Frank noir Beechum, car aux lettres litigieuses, A et E, correspondent selon Rimbaud les couleurs noir et blanc. Si de nombreuses références orthographient Beechum le nom du personnage du film, je ne dispose d’aucun élément démontrant formellement que c’est cette orthographe qui a été choisie dans la version originale du film ; peu importe en fait, puisque c’est d’abord l’existence avérée du dilemme qui souligne l’orthographe Beachum du roman, à la structure parfaitement fibonaccienne pouvant être mise en rapport avec la structure même du roman.


  Rien dans Jugé coupable ne semble concerner explicitement le nombre d’or ou les nombres de Fibonacci, mais un nombre est souligné par le titre de la dernière partie du roman, 97 secondes trop tard.

  L’exécution de Beachum a été fixée au 18 juillet, et est censée se dérouler selon un cérémonial bien rôdé : le condamné est prêt à recevoir l’injection mortelle, à 0 heure un représentant du gouverneur appelle le directeur de la prison pour lui annoncer qu’aucune mesure de grâce n’a été accordée, et le directeur doit donner le signal du départ du processus létal irréversible à 0 heure 1 minute. L’appel est donné à 0 heure mais, incompréhensiblement, le directeur ne donne pas le signal à 0 heure 1 minute ; la grande aiguille de l’horloge murale fait un tour complet, puis en entame un autre… Ce n’est qu’à 0 heure 2 minutes 37 secondes que le directeur se ressaisit, au moment précis où le téléphone sonne à nouveau, c’est le gouverneur qui ordonne de tout arrêter.
  Eastwood a augmenté la tension dramatique de l’épisode en laissant le signal du directeur être immédiatement obéi, et le poison se précipiter vers les veines du condamné. Klavan n’avait pas besoin de ce rebondissement, car son titre 97 secondes trop tard induisait le lecteur à penser que la décision de surseoir à l’exécution serait prise trop tard, ce qui est d’ailleurs bien le cas, mais c’est une belle trouvaille que ce retard concerne aussi le directeur (Le titre original du livre, True crime, permet également plusieurs lectures).

  Aucune réelle explication n’étant donnée de ce retard, le lecteur est orienté vers la providence divine… Du moins la divine proportion est-elle bien présente, car les 157 premières secondes de ce 18 juillet se répartissent en 60 secondes du délai prévu et 97 secondes du providentiel retard. Ces nombres sont en rapport d’or idéal (60/97 = 0.618…), mais une relation hautement improbable apparaît entre les harmonies d’or envisagées.

  Les nombres entiers offrant un rapport d’or idéal appartiennent à des suites de type Fibonacci, suites additives dont chaque terme est la somme des deux termes précédents. Deux termes consécutifs suffisent à définir une suite de ce type, généralement identifiée par ses deux premiers termes. La plus simple de ces suites est la suite de Fibonacci proprement dite, dont les deux premiers termes sont 1 et 1. Ensuite viendrait la suite débutant par 1 et 2, mais c’est encore la suite de Fibonacci, décalée d’un rang (car 1+1 = 2). En laissant de côté la suite débutant par 2 et 2 qui serait la suite de Fibonacci doublée, les trois premières suites, dont les termes de même rang sont les nombres les plus petits, sont celles débutant par 1-1, 1-3, et 1-4, dont voici les premiers termes :

1 1 2 3 5 8 13 21 34 55…

1 3 4 7 11 18 29 47 76 123…

1 4 5 9 14 23 37 60 97 157 …

  L’extraordinaire est donc que les relations rencontrées mettent en jeu des nombres de ces trois séries :
– La série 1-1 avec les lettres de BEACHUM (2-5-1-3-8-21-13).

– La série 1-3 avec les nombres de chapitres ou sections (47 répartis en 29+18 par la découverte de l’autre type).

– La série 1-4 avec les 60+97 secondes du climax final du chapitre 47 dont le premier mot est « Minuit » et dont la dernière seconde (de 0 h 2’ 37’’ à 0 h 2’ 38’’) s’éternise sur trois pages (et il est à souligner que le texte même insiste sur le découpage de ces 97 secondes en un tour complet de cadran, soit 60 secondes, et en 37 secondes supplémentaires).

– Je remarque que ce jour correspondant au chapitre 47 est le 18 juillet, ou 18/7 (7/18 aux USA), s’exprimant par deux nombres de la série 1-3. Par ailleurs le jour à reconstituer pour l’enquêteur est celui du crime, le 4 juillet 6 ans plus tôt, le 4/7 ou 7/4, encore deux nombres de la série 1-3.

– Enfin je rappelle qu’au découpage des 47 chapitres en 29+18 correspond le découpage des 10 parties en 6+4. Ces derniers petits nombres ne seraient guère significatifs en général, mais dans ce cas particulier il se trouve qu’ils appartiennent à l’autre suite envisagée, 2-2-4-6-10 …, ainsi les quatre plus petites séries additives sont bel et bien toutes clairement discernables (mais je répète que ces nombres 4-6-10 sont peu significatifs), et dans chaque cas pour plusieurs motifs, alors que je ne vois pas quelles autres relations numériques pourraient être invoquées, tant les nombres sont discrets dans ce livre, à part le 97 final.

  Je n’imagine donc pas que ces harmonies puissent être intentionnelles, mais du moins apparaissent-elles au sein d’un même roman. La question de l’intentionnalité ne se pose pas pour les résonances entre mes lectures quasi simultanées de 37e parallèle et de Jugé coupable, romans qui n’ont a priori aucune source d’inspiration commune. J’ai évoqué les nombres de Fibonacci 5-8-13 qui m’ont frappé dans les deux livres, en rapport avec le motif 51-83 qui m’obsédait depuis des mois, mais il y a encore cette résonance immédiate pour moi entre 37e parallèle et 97 secondes trop tard, titre de la dernière partie de Jugé coupable.

  J’essaie d’expliquer ailleurs comment 51-83 et 37-97 correspondent à des valeurs de couples prénom-nom que j’ai forgées jadis à partir des lettres ARSENE LUPIN, Irène Lapnus et Inn Alpurèse, sans penser au nombre d’or qui ne me préoccupait guère alors. Le second nom résultait cependant du souci numérologique de faire coïncider cette combinaison avec les valeurs 37-97 des mots DIX-MILLIARDS correspondant à la fortune de Lupin dans le dernier roman de Leblanc. C’est donc une curiosité de trouver ces 97 secondes trop tard, titre d’une DIXième partie dans laquelle le nombre 37 apparaît effectivement. L’affaire Oliveira de 37e parallèle m’évoquait Arsène Lupin à cause du pastiche de Boileau-Narcejac, et à cause de l’avenue Henri-Martin, car un épisode des aventures d’Arsène lui fait avoir été l’architecte du 134 avenue Henri-Martin ; c’est une des trois occurrences explicites du nombre 134 chez Leblanc, valeur d’ARSENE LUPIN.

  Parmi les coïncidences irréductibles il y a encore le fait que le film Jugé coupable a été diffusé le 4 novembre (04), ou 4/11, avec 4 et 11 termes de la suite 1-3-4, alors que l’architecture du livre permet une relation d’or utilisant les nombres de cette suite (47 = 29+18 chapitres) et que les deux dates importantes du livre sont le 4/7 et le 18/7, formées de nombres de cette suite. Je ne sais plus si le film mentionne des dates, mais il est probable qu’il ait conservé le 4 juillet, Fête nationale US commémorant la Déclaration d’Indépendance du 4 juillet 1776 que je suis tenté d’écrire 4/7/76, faisant apparaître la séquence 47-76 qui m’est particulièrement significative et qui m’évoque d’abord PEREC-GEORGES = 47-76, et notamment ses Alphabets, écrits de 74 à 76 (avec 1974 = 47 x 42 et 1976 = 76 x 26), dont je devais découvrir les fabuleuses harmonies dorées 29 ans après cette date idéale de publication en 1976 (29 toujours dans la suite 1-3-4 … 29-47-76), grâce au remue-méninges de l’exploration des pistes 51-83 et 37-97.
  Jugé coupable m’a permis de remarquer que cette année 1976 était le bicentenaire de la Déclaration d’Indépendance, or j’avais remarqué que le motif 7-4 était présent dans la première série de 11 poèmes composée par Perec début 74, alors qu’il ne songeait vraisemblablement nullement à prolonger cet exercice jusqu’à épuisement de l’alphabet. Il n’y a encore ici rien à déduire, je me borne à constater les résonances thématiques et temporelles entre mes diverses découvertes dans des domaines n’ayant a priori rien de commun.

  Un petit truc encore sur Jugé coupable. Le crime est en partie accidentel, provoqué par l’envie du jeune Russel de s’emparer du pendentif en or d’Amy Robertson, marqué de ses initiales AR, pour l’offrir à sa mère Angela Russel aux mêmes initiales.
  Robertson est un nom qui se scinde le plus directement en ROBERT et SON, or ces mots ont pour valeurs 78 et 48, en rapport d’or idéal.
  Russel se scinde en deux syllabes RUS et SEL, or ces syllabes ont pour valeurs 58 et 36, en rapport d’or idéal.
  Les rapports 48/78 et 36/58 se simplifient en 8/13 et 18/29, soit des termes de mêmes rangs des suites 1-1 et 1-3 vues plus haut.
  Le fils (son) du capitaine Harry Grant s’appelle Robert.

  Enfin, je ne suis guère partisan des calculs de probabilité qui n’ont une réelle pertinence que dans des conditions qui doivent être bien précisées, et ce pourrait être le cas de la coïncidence BEACHUM, mot composé des seules 7 lettres de l’alphabet dont le rang est un nombre de Fibonacci.
  La probabilité d’effectuer un tirage de 7 éléments donnés, dans un ordre quelconque, parmi 26, est parfaitement déterminée, elle est d’une chance parmi 657 800. A ce tirage correspondent 5040 combinaisons ordonnées parmi lesquelles fort peu formeront un mot prononçable en anglais.
  Ce calcul n’a pas d’autre prétention que de donner un ordre de grandeur à la coïncidence BEACHUM.

  37e parallèle a été publié chez Viviane Hamy, dont l’auteur phare est Fred Vargas.
  Son roman de 2006, Dans les bois éternels, contient des bizarreries dorées en rapport avec celles que je viens d’étudier, faisant intervenir les mêmes suites 1 1 2 3 et 1 4 5 9.
  Au plus bref, le roman est basé sur trois faits survenus dans le passé du commissaire Adamsberg :

– 34 ans auparavant, âgé de 13 ans, il est suspecté d’avoir fait partie d’une bande de 5 gamins ayant sauvagement agressé un enfant de 8 ans. 5, 8, 13 et 34 sont des nombres de Fibonacci, ainsi que 21 et 89 ; Adamsberg et Veyrenc avaient alors ensemble 8+13 = 21 ans, 34 ans plus tard ils ont 42+47 = 89 ans.
– 23 ans auparavant, Adamsberg a participé à une enquête avec la légiste Ariane Lagarde qui a maintenant 60 ans, âge crucial dans l’intrigue. Elle avait alors 37 ans, et 23-37-60 appartiennent à la suite d’or 1 4 5 9… qui se poursuit par les 97 secondes de Jugé coupable.

– Un lecteur chevronné se soucie peu de la troisième affaire, une redoutable tueuse de 73 ans lors de son arrestation 2 ans plus tôt par Adamsberg, évadée et présentée comme évidente suspecte des meurtres actuels. Je ne comptais pas en parler avant de calculer qu’il aurait eu alors 45 ans, soit la section d’or de 73, des nombres de la suite d’or qui suit la précédente, 1 5 6 11…

  Voilà. Je n’invente rien. Les deux fausses pistes du roman désignent des suspects dont l’âge était au moment des incidents en rapport d’or avec celui d’Adamsberg. La vraie coupable Ariane passe à l’acte sans se soucier de l’âge du commissaire qui l’a humiliée à la section d’or de sa vie, à moins que... Si les âges 8, 13, 37, 60, 73, 75 ans et les périodes de 2, 23 et 34 ans sont précisées explicitement, les incidents ne sont pas datés plus précisément et les dates de naissance des personnages ne sont pas données, ainsi il est possible que Adamsberg ait eu 23 ans légaux lors de sa rencontre avec Ariane âgée de 37 ans…
  Je n’insiste pas parce qu’il me semble que, si Vargas avait fait ces calculs, la moindre des choses aurait été de donner quelques précisions levant les incertitudes. Je me borne donc à constater ces possibilités de lecture numérique, ainsi que leurs résonances avec les trois affaires de 37e parallèle.

  Il pourrait y avoir aussi des échos littéraires, ainsi l’affaire Oliveira avenue Henri-Martin m’évoquait doublement Arsène Lupin ; il apparaît chez Vargas une folle nommée Hermance, le rare prénom de la folle homicide des Huit coups de l’horloge, obsédée par la lettre H et par le nombre 8. « Hermance s’endort à vingt-deux heures comme une horloge », écrit Vargas page 178. J’ai émis jadis l’hypothèse de constructions par Leblanc autour des lettres H-V et des nombres 8-22, les deux seuls cardinaux débutant par la lettre ordinale correspondante, aussi je trouve fabuleux de trouver chez Viviane Hamy un roman de Vargas montrant une Hermance se couchant à 22 heures ; par ailleurs sa criminelle non moins folle sera convaincue de 8 meurtres.

  Il n’est pas impossible que Vargas ait donné les âges de 8 et 13 ans pour faire allusion à 813, l’association des amis de la littérature policière dont elle est membre (et son roman a d’ailleurs obtenu le Trophée 813 du meilleur roman français en 2006). L’association a emprunté son nom au roman homonyme de Maurice Leblanc, où l’énigmatique « 813 » est lié au secret d’une autre horloge.

  Ce qui suivait dans cette page publiée d'abord en 2005 a depuis été démenti car, malgré quelques contradictions, Dans les bois éternels se passe plutôt en 2004 qu'en 2005, ce qui offre d'autres perspectives remarquables étudiées ici, mais voici donc mes considérations de 2005.
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  Cette piste 813 peut mener à une autre fantastique coïncidence, qui n’a aucune chance de se révéler intentionnelle, dans son aspect 813 du moins.
  2005 a été la première année depuis 1932 où le jour traditionnel de l'Annonciation, le 25 mars, a coïncidé avec le Vendredi saint (mais selon des dispositions particulières propres au catholicisme romain, récusées par les traditionalistes, l'Annonciation a été déplacée en 2005 au 4 avril).
  En avril 2005 s’est marié à l’église un ami oulipien, et il m’est venu d’utiliser ce fait pour ma contribution à l’hommage organisé par la liste Oulipo. J’admire les poèmes figurés de Raban Maur, en latin, et j’avais depuis longtemps envie d’en tenter une imitation en français. L’une des figures de Raban Maur est un poème de 35 vers de 35 lettres dans lequel il a inscrit 4 croix de 69 lettres, porteuses de vers indépendants, dont les 276 lettres font allusion aux 276 jours passés par Jésus dans le ventre de Marie, du 25 mars de l’Annonciation au 25 décembre.
  33 alexandrins de 33 lettres me semblaient mieux convenir en français, et le carré de 33x33 se répartissait en 276 lettres pour les croix et 813 pour le reste, ce qui m’enchanta, surtout lorsque je découvris ensuite que :

– une date envisagée pour la composition du recueil de Raban Maur était l'an 813 ;

– en l'an 813 l'Annonciation tombait également un Vendredi saint.
  J’ai mis en ligne ce poème après le mariage, en mai 2005, un an avant la parution de Dans les bois éternels, mais je suppose que Vargas était alors déjà bien avancée dans l’écriture de son roman biennal.

  Le millésime où se passe Dans les bois éternels n’est pas donné, mais l’action colle de très près à l’actualité, et si l’on prend pour argent comptant la seule date où le jour est précisé, le lundi 4 avril (page 278), l’année ne peut logiquement être que 2005 (un autre détail est « 69 ans après la guerre d'Espagne »).
  Le 4 avril 2005 était le jour de l’Annonciation catholique, remarquable puisque c’est sans doute la première fois que cette fête n’a pas eu lieu le 25 mars, fête commémorant la visite de l’archange à la Vierge… Or il est question de vierges dans le roman de Vargas, de vierges d’un coin de l’Eure menacées par un tueur, et c’est ce 4 avril qu’est établie une liste de 29 vierges susceptibles de correspondre à ses désirs.
  Cinq dates seulement sont mentionnées dans le roman, et l’une d’elles est précisément le 25 mars (page 265) où se tient le « Concile » consacré à l'Affaire. Ce Concile est dit être le terme employé dans l’équipe d’Adamsberg pour une réunion de mise au point, mais je crois que c’est la première fois qu’il apparaît dans la série des enquêtes du commissaire.
  C’est ce 25 mars, jour normal de l’Annonciation donc, qu’Adamsberg émet l’hypothèse que la virginité des victimes serait un critère de choix essentiel pour le tueur.
  Si nous sommes en 2005, ce 25 mars est aussi le Vendredi saint, commémorant la crucifixion du Christ, et ce 25 mars est aussi émise l’hypothèse que « la croix qui vit dans le bois éternel », selon le grimoire soumis à la sagacité des enquêteurs, serait une relique de la Croix du Christ…

  Les autres dates pourraient ne pas être purement anecdotiques :

– le 21 mars (page 71) est donné explicitement parce qu'il s'agit du début du printemps, honoré par Adamsberg ;

– les 3 et 6 mai (pages 379 et 412) permettent de déduire que l'assassin a été arrêté le 5 mai, qui était en 2005 le jeudi de l'Ascension…

  Il faudrait encore examiner l’étrange incident du lieutenant Noël (= Jésus ?), complication peut-être superflue dans ce roman déjà touffu, en rappelant que le prénom d’Adamsberg est Jean-Baptiste, mais il y a déjà suffisamment de questions posées par les faits précédents pour éviter de se perdre dans des considérations secondaires, surtout que quelques mots de Vargas suffiraient pour confirmer (ou infirmer) que son roman a quelque chose à voir avec la particularité de l’Annonciation en 2005.
  Quoi qu’il en ait été de ses intentions, il me paraît tout à fait impossible qu’elle ait été jusqu’à faire le lien avec la même particularité en l’an 813, à moins qu’elle n’ait connu mes considérations sur la question accompagnant le poème mentionné plus haut.
  Néanmoins la Vierge choisie par le tueur semble bien donner lieu à un jeu en rapport avec 813, l’association du moins, un de ses traits essentiels étant de se distraire en regardant chaque soir deux cassettes choisies parmi les 812 films de sa collection (pages 286-7). Il est difficile de croire que ce nombre soit apparu par hasard sous la plume d’un membre de 813 (l’association ne peut avoir par statut que 812 membres actifs, car son numéro 1 reste acquis à son fondateur décédé Michel Lebrun).

samedi 19 août 2017

20 ans après



1920: publication du livre L'île aux 30 cercueils, paru en feuilleton en 1919, où Leblanc semble le premier à imaginer une série de crimes commandée par un texte préexistant. Le criminel est ALEXIS VORSKI, dans le nom duquel se trouvent les lettres  LIVRE (+SIX OAKS, et 4 victimes sont crucifiées sur des chênes).

fin 1939 (novembre): publication à Londres de Dix petits Nègres, où Christie rend visiblement hommage à Leblanc, la série de 10 morts à l'île du Nègre, calquée sur la comptine des Nègres, étant précédée par l'assassinat de Morris sur le continent (et les 10 victimes ont été choisies car jugées responsables de 30 morts en tout).
1940: la parution aux USA du roman, sous un nouveau titre, contrecarre la publication du dernier Queen, lui aussi basé sur des assassinats calquant les comptines de Mother Goose.

1960: Monsieur Cauchemar, où Siniac (alors Signac) semble désigner comme l'étrangleur le bouquiniste ESBIROL, soit LIBROS (+E), auteur du Secret de l'étrangleur, où il a imaginé jadis une série de crimes analogue à celle qui se déroule du dimanche 30 janvier au jeudi 3 février. Voici les noms des victimes, mais il faut attendre le livre de Peeters en 1980 pour donner du sens aux lettres soulignées  :
  MALINGUET le 30/1
  GOUVERNEUR (LE) le 31/1
 JAVARD     le 1/2 
 BLEUET     le 2/2 
BERGEL      prévu le 3/2 par l'étrangleur qui est en fait
DIEUBATTU   qui est en fait tué par Esbirol, avec Francinet et les flics témoins.
La fin n'est pas très claire, surtout que Signac en propose 3. Le vrai étrangleur était Dieubattu, ancien ami d'Esbirol.

1980: les 3 premiers livres de Pierre Signac n'avaient guère attiré l'attention à la fin des années 50, mais en 80 Siniac s'est fait un nom et Monsieur Cauchemar est alors réédité sous ce pseudo définitif aux éditions Néo , tandis que paraît La Bibliothèque de Villers, de Peeters, où une mystérieuse série de crimes frappe la ville de Villers, tous les 25 jours. Après les 4 premiers meurtres, on soupçonne fortement le bibliothécaire Lessing, lequel prépare un roman décrivant une série de crimes similaires, imputée à un certain Rivelle, mais Lessing est assassiné à son tour, complétant significativement la série des victimes :
IVAN     IMBERT
VIRGINIE VERLEY
RENE     ROUSSEL
EDITH    ERVIL
ALBERT   LESSING assassin supposé, dernière victime
La fin n'est encore guère représentative du polar traditionnel, et c'est au lecteur qu'il appartient de découvrir que l'assassin est le LIVRE (ou LE LIVRE anagramme de RIVELLE). Les prénoms et noms des 4 premières victimes donnent la séquence IVRE, le L initial étant donné par Lessing, l'initiale A de son prénom ne devant encore rien au hasard : elle indique qu'il est le départ comme l'aboutissement de la série.
Il est hallucinant de retrouver la séquence IV-RE-LA dans l'ordre, parmi les 5-6 victimes de Monsieur Cauchemar. Ce n'est certes pas aussi immédiat que chez Peeters, où l'intentionnalité est assurée: il faut prendre les 4es lettres des deux premiers noms, les 5es des deux suivants, et les 6es des deux derniers, ce qui présente tout de même une certaine logique, d'autant que chacune de ces paires a sa spécificité dans le récit. Il est frappant que ce soient les 4es lettres de la première paire qui donnent IV (4 en chiffres romains, tandis que les 4 premières victimes tuées aux 4 coins de Villers pouvaient former l’acrostiche vier, « quatre » en flamand, seconde langue de Peeters), et que la dernière victime variable permette l'alternative AL effective chez Peeters. Enfin Esbirol est comme Lessing non seulement quelqu'un qui s'occupe de livres, mais qui se mêle d'en écrire. "Tu vois, moi aussi, j'ai des lettres !" dit Esbirol au jeune Francinet, ce qui pourrait être une allusion aux lettres de son nom pouvant former le mot LIBRO(S), comme tous les noms propres de La Bibliothèque de Villers ont quelque chose à voir avec le mot LIVRE.
Le court roman de Peeters parodie Dix petits Nègres, notamment par des allusions répétées au noir (de l’écrit) et au blanc (de la page). Cette même année 80 a vu la parution d'une autre parodie littéraire de Dix petits Nègres, utilisant notamment les allusions noir/blanc, Comptine des Height de Lahougue. La coïncidence a alors été remarquée, mais j'en ai vu une qui me semble bien plus remarquable entre l'œuvre de Lahougue, suite de crimes dans la famille Height faussement attribuée au jeune John Height qui, arrêté, se suicide en prison, et le roman de Queen qui a remplacé celui de 40 dont la parution a été retardée à 43 du fait de sa ressemblance avec Dix petits Nègres : dans La Ville maudite, paru en 42, deux crimes dans la famille Haight sont attribués faussement au jeune Jim Haight qui, arrêté, se suicide en prison. Jean Lahougue m'a certifié ne pas avoir lu ce livre, ce qu'il est plus facile de croire quand on sait que John Height est la version anglaise de son propre nom.

2000: Borges et les orangs-outangs éternels, du brésilien L. Verissimo. Les crimes du roman de Peeters ont une distribution géométrique parodiant la célèbre nouvelle La Mort et la boussole (1942, comme La Ville maudite), et Borges est ici enquêteur éventuel d'un crime incertain dont les indices variables pourraient l'accuser, selon leur 5e et dernière interprétation, le losange.
Les deux premières interprétations de l'indice principal étaient les lettres X et O, accusant deux autres personnages prénommés Xavier et Oliver. Je remarque, dans la stupeur la plus extrême, que les lettres complémentaires de ces prénoms correspondent, dans le désordre, aux séquences IVREA et IVREL formées par les prénoms et noms des victimes de Peeters.
En 2000 est encore paru La Maison des feuilles, de Danielewski, exploration littéraire contée par trois narrateurs, dont une certaine Pelafina Heather Lièvre (en français dans l'anglais original, HEATHER étant l'anagramme de THE HARE, "le lièvre"). Une coquille intentionnelle, soulignée par un [sic] constituant une nouvelle interrogation pour le lecteur, la désigne une fois sous le nom Ms. Livre. Le titre exploite la polysémie du mot "feuille" (plus riche d'ailleurs en anglais), cette "maison" pouvant fort bien être le livre lui-même, or la bouquinerie de Monsieur Cauchemar se situe rue des Feuillantines, et Esbirol l'a nommée A l'In-folio des Feuillantines. Comme il l'a été vu plus haut, ESBIROL a un E de trop pour former l'anagramme LIBROS, "livres", et le jeu avec "lièvre", LIEBRE en espagnol, n'est pas impossible.
Puisque l'espagnol est convoqué, 2000 est aussi la date de parution d'un polar littéraire presque ultime, La Caverne des idées de Somoza, enquête sur le manuscrit "La Caverne des idées", enquête de Héraclès Pontor sur une série de crimes dans la Grèce antique... Comme dans La Maison des feuilles, les notes de bas de page sont essentielles, leur longueur dépassant souvent celle du récit primaire.
Et c'est encore l'année de parution de La Mort des neiges, de Brigitte Aubert, seconde aventure de son héroïne tétraplégique Elise, narratrice. Un autre degré dans le livre devenant réalité car B* A*, l'écrivain qui a publié sa première aventure, lui a imaginé une suite accumulant crimes et horreurs divers, mais son manuscrit est tombé entre les mains d'une bande de dingues qui s'appliquent à le mettre en oeuvre point par point...
Enfin mon unique roman publié est paru en novembre 2000, Sous les pans du bizarre, dans la collection Gondol voulue d'emblée intertextuelle par son créateur, JB Pouy, tous les ressorts devant provenir de LIVRES, réels ou non. Mes goûts m'ont porté tout naturellement à imaginer une série de crimes répartis logiquement dans le temps et dans l'espace, avec de multiples coïncidences développées ailleurs, mais je ne crois pas avoir encore relevé un point qui ferait le lien avec le premier livre de ce réseau intertextuel, L'île aux 30 cercueils, qui commence par une lettre du détective de l'agence DUTREILLIS, dans laquelle il informe Véronique d'Hergemont qu'il a achevé la double mission qu'elle lui a confiée, dont une partie consistait à retrouver l'endroit du tournage d'un film où Véronique avait vu sur une porte l'inscription V. d'H., exactement conforme à sa signature de jeune fille. J'ai vu dans cet achevé une possible allusion aux initiales HV, qui pourraient de plus commander la succession des 30 meurtres qui vont frapper l'île, répartis en Vingt-deux + Huit (les deux seuls nombres cardinaux correspondant au rang ordinal de leurs initiales).
Bref, Pouy a tout naturellement décidé que le héros de sa collection métatextuelle serait un libraire, et il a sis sa librairie rue BEAUTREILLIS, probablement selon une démarche identique à celle qui a conduit Leblanc à nommer son détective DUTREILLIS, mais Pouy aurait-il eu cette idée s'il n'avait habité à deux pas de la rue BEAUTREILLIS ?

Je dois encore préciser que je n'ai jusqu'ici pas orienté mes lectures selon un critère de publication vigésimale. J'ai donc cité 10 titres parus en 20-40-60-80-00, qui ont tous en commun une série criminelle calquée sur un texte préexistant. Il faudrait peut-être affiner un peu mieux, tenir compte que 10 petits Nègres est paru à Londres en 39, mais la parution en 40 aux USA sous un nouveau titre lui vaut au moins une demi-mention, qui pourrait être complétée par la réédition en 80 sous le nom de Siniac de Monsieur Cauchemar de Signac.
Je connais bien évidemment d'autres oeuvres qui pourraient répondre à cette définition, mais je serais bien en peine d'en trouver les 190 qui équilibreraient les 10 "vigésimaux", d'autant qu'il me semble probable que ma liste comporte des oublis, parmi les oeuvres que je connais, dont je n'ai pas vérifié les parutions.
La plupart des textes essentiels semblent en effet obéir à ce critère de parution vigésimale. Je regrette cependant de n'avoir aucun Queen dans cette liste, les années 40 et 60 ayant été "blanches" malgré une production importante pendant plus de 40 ans (je rappelle tout de même qu'il aurait du paraître en 40 Il était une vieille femme, retardé à cause de 10 petits Nègres). Je le regrette d'autant plus que 20 semble un nombre fétiche pour Queen, comme la lettre T (Twenty étant en anglais le seul nombre cardinal correspondant au rang ordinal de son initiale).

A suivre, j'espère avant 2020...

Je ne croyais pas si bien dire. J'ai rédigé ce qui précède les 29 et 30 janvier, après avoir vu le jour précédent les possibilités de relier Monsieur Cauchemar à une série de livres qui m'intéresse depuis longtemps, et j'ai remarqué à cette occasion la prépondérance des dates vigésimales de parution de ces textes.
Ce 28 janvier Arte diffusait La mariée était en noir, de Truffaut, que je voulais voir. Reprenant le roman original de Cornell Woolrich pour vérifier les distorsions opérées par Truffaut, j'ai vu que The Bride wore black avait été publié en 40, et que c'était le premier roman policier signé Woolrich, qui jusqu'ici avait publié des romans littéraires signés Irish et des nouvelles.
C'était par ailleurs le premier roman d'une série de 6 contenant tous black dans leurs titres, ce que je mets en parallèle avec le Nigger du titre de Christie Ten little Niggers qui a été censuré aux USA, transformé en And then there were none. Bien qu'aucune influence ne puisse être suspectée, il y a des ressemblances entre les deux histoires, séries de meurtres incompréhensibles, alors que les serial killers étaient encore rares dans le genre. Les points les plus troublants sont les ressemblances avec des parodies de Dix petits Nègres.
Ainsi Peeters a limité son roman à 5 meurtres, essentiellement parce que le mot LIVRE a 5 lettres, le dernier, particulier, étant celui du bibliothécaire-écrivain Lessing. La vengeresse de Woolrich a aussi une liste de 5 hommes à abattre, ce qui a donné lieu à une construction en 5 parties, comme chez Peeters. La police a compris après le 4e meurtre le lien unissant les victimes, et elle tend un piège à la tueuse en remplaçant le dernier homme, un écrivain précisément, par un flic. Je ne sais pas si ce point est suffisant pour classer le Woolrich parmi les polars intertextuels, mais il y a une similitude confondante avec un polar intertextuel de Queen, lequel parodie de plus vraisemblablement aussi Dix petits Nègres, avec le nombre de victimes respecté. Cette similitude est peut-être intentionnelle, car Woolrich était l’un des auteurs phares de la revue EQMM.
La tueuse se fait donc passer pour une dactylo afin d’approcher l’écrivain, pour le tuer, et tombe dans le piège tendu. Après les meurtres mystérieux de 9 personnes dans Griffes de velours (1949), Queen comprend la relation les unissant, et est à même de protéger la 10e victime, une dactylo, en la remplaçant par une fliquette. Le tueur présumé approche la dactylo supposée en se faisant passer pour un écrivain qui a besoin de faire taper au plus vite les deux derniers chapitres de son roman, et il tombe dans le piège au 10e chapitre de Griffes de velours, qui aurait dû être le dernier chapitre d’un polar classique… Mais chez Queen il va encore s’agir d’un faux tueur, qui avait compris que la police était sur la bonne voie, et qui entendait protéger le vrai coupable en se substituant à lui. Queen aura besoin de deux chapitres supplémentaires pour découvrir l’ultime vérité…
Il y a aussi un retournement final chez Woolrich, que Truffaut a omis. Arrêtée, la tueuse explique aux flics le motif de sa vengeance, et apprend alors que ceux qu’elle a éliminés étaient innocents du meurtre de son mari. Un prodigieux hasard l’avait aiguillée sur une fausse piste, et un autre prodigieux hasard a fait que son action a néanmoins permis de découvrir le véritable coupable…
Par ailleurs le scénario de Woolrich a été suivi assez fidèlement par Truffaut, sauf en ce qui concerne le 5e meurtre et le personnage de l’écrivain Holmes. Truffaut en a fait un ferrailleur malhonnête nommé Delvaux, dont il a confié l’interprétation à un authentique écrivain, Daniel Boulanger ! Il arrive en 4e sur la liste de Julie Kohler, mais la police empêche sa tentative en arrêtant Delvaux pour ses malversations. Julie se laisse arrêter après l’exécution suivante afin de pouvoir approcher Delvaux en prison…

Je reviens sur le motif de la série « 4+1 morts », la dernière étant spéciale. J’avais remarqué plus haut les similitudes entre Monsieur Cauchemar (60) et La Bibliothèque de Villers (80), mais ce motif est aussi celui de Sous les Pans du bizarre (00), que j’ai écrit sans connaître ces livres. Mes morts offrent plutôt un schéma 3-1-1, 3 meurtres gouvernés par le temps et l’espace mènent à un suspect que les enquêteurs trouvent mort ; un piège est tendu à un autre suspect, mais celui-ci se suicide en complétant le schéma spatio-temporel esquissé par les 3 premiers crimes. Le libraire enquêteur Gondol hésite à formuler une dernière hypothèse, qu’il gardera pour lui : le coupable est Pouy, soit celui qui a imaginé le concept de la collection Gondol… Selon ce concept où tous les ressorts devaient provenir de textes, j’avais choisi d’innocenter le dernier suspect par le programme d’un séminaire où il assistait lors du premier meurtre, et ceci jouait au second degré car répétant à l’identique la façon dont Queen innocentait le suspect des 9 crimes de Griffes de velours.
Voilà donc 4 romans avec un motif « 4+1 morts », publiés en 40-60-80-00, et je peux aisément envisager 4+1 romans puisque les 30 morts de L’île aux 30 cercueils (20) se répartissent en sous-groupes, le plus marquant étant les quatre femmes en croix commandées par le texte suivi par le criminel, en l’an quatorze et trois. Vorski crucifie donc 4 femmes, le dernier soupir de la dernière correspondant en principe à l’achèvement du programme qu’il s’était fixé pour obéir à une antique prophétie, mais la suite ne répond pas à son attente : au lieu d’accéder à la puissance absolue il tombe aux mains de Lupin qui le crucifie à son tour pour lui faire avouer où il a caché un prisonnier. Si Lupin laisse finalement la vie sauve à Vorski, c’est ironiquement parce qu’il fait confiance à une autre prophétie prédisant sa mort, qui se réalise effectivement…

J’ai donc mes 4+1 romans intertextuels, publiés en 20-40-60-80-00, contenant le motif « 4+1 morts », 4+1 romans car le fait que la 5e victime de La mariée était en noir soit un écrivain est un peu léger pour le classer comme intertextuel. En passant, 20 c’est 4 fois 5, et 5 c’est 4+1…
En déplaçant le critère de parution vigésimale au motif « 4+1 morts », j’ai beaucoup plus de difficultés à trouver des clients qu’avec le critère d’intertextualité, d’une imprécision aisément extensible à beaucoup de fictions. Certes la popularité des serial killers a dû multiplier les séries de 5, mais je me suis lassé du genre depuis une bonne décennie et ne connais donc guère les parutions récentes. Le premier titre qui me vient à l’esprit est, évidemment, Monsieur Abel, de Demouzon, parce que j’y ai vu un beau schéma que Demouzon n’a pas reconnu comme intentionnel : cet ABEL, retraité dont on ne connaît que ce (pré)nom, décèle une série criminelle dans les morts qui surviennent dans sa petite ville, et ces morts se prénomment Augustin-Bernard-Elisabeth-Liliane, initiales ABEL ! Abel vient accuser celui qu’il estime responsable de la machination, lequel a tôt fait de lui démontrer l’inanité de sa construction : il a pris pour des meurtres un suicide, un accident et une mort naturelle, et c’est son enquête qui a provoqué l’assassinat effectif de Liliane… Abel rentre chez lui et se pend (comme la dernière victime de Dix petits Nègres).
Monsieur Abel est paru en 79, mais la consultation des parutions de Demouzon me livre une paire immédiatement significative, Quidam en 1980 et La Promesse de Melchior en 2000. Je commence par ce dernier, que Demouzon a d’abord intitulé Melchior et le fil bleu, en référence au fil rouge, ou point commun d’une série quelconque. C’est une affaire de serial killer, que j’ai néanmoins lue par fidélité à l’auteur, où le tueur est un nommé Wolf (loup) qui mord ses victimes après les avoir entravées avec de la corde bleue. Le lecteur ne connaîtra que les noms de 3 de ses victimes, Pontel-Richeaume-Ogier, dans cet ordre, où je lis dans l’épellation des initiales P-R-O Perrault. Un loup qui mord les petites filles, du fil bleu par opposition au rouge, j’ai pensé au Petit Chaperon rouge et je n’ai plus douté après avoir découvert l’exacte anagramme « Le Chaperon rouge imité » des lettres « Pontel-Richeaume-Ogier », et « Richeaume » seul donne la « chaumière » de la grand-mère...
J’ai rencontré Demouzon qui a entièrement démenti cette lecture, et déclarer choisir les noms de ses personnages dans l’annuaire, en changeant d’initiale à chaque fois (ce qui explique P-R-O !) Ma lecture l’a néanmoins frappé, si bien qu’il m’a rendu hommage dans Melchior en Automne où le commissaire rencontre la sœur de la Richeaume assassinée par Wolf, qu’il compare à un petit chaperon rouge…
Quidam est un roman labyrintho-crépusculaire où il est difficile de trouver un fil conducteur, qu’il soit rouge ou bleu, premier d’une série de polars expérimentaux qui a fait perdre à Demouzon une bonne partie de son lectorat. Il y a néanmoins une certitude, confirmée explicitement par le texte et les commentaires de l’auteur, c’est une transcription moderne de la Belle au bois dormant, l’autre grand conte de la Mère l’Oye, de Perrault… Il pouvait y avoir une allusion à Barbe-Bleue, inspiré par Gilles de Retz, dans La Promesse de Melchior, débutant au pays de Retz.
Le roman est si complexe que le nombre de morts y est peu assuré, au moins 5 cependant, ainsi que l’identité des coupables. En curieux écho à la coïncidence de la dactylo entre La mariée était en noir et Griffes de velours, la Belle au bois dormant, première victime, est une dactylo bilingue, ou du moins quelqu’un qui postule à ce poste, puisque ce serait en fait une folle au parcours chaotique…
A propos de ce poste de dactylo bilingue, Demouzon emploie l’expression « mettre les bouchées doubles », ce qui pourrait être une excellente astuce, d’autant que pratiquement tous les personnages du roman ont une double personnalité.
Le personnage principal, Raimbault, est lui aussi un être dissocié, qui n’est en fait pas « Raimbault »… Demouzon affirme dans sa postface qu’il n’a pas songé au « Je est un autre » de Rimbaud, ce qui commence à faire beaucoup de coïncidences inconscientes. J’y ajoute que ce pauvre Raimbault se retrouve chargé de tous les crimes alors que le principal artisan (de 4 sur 5 !, si j’ai bien compris) en est le commissaire Ortensia, un nom évocateur pour les rimbaldiens (l’énigmatique poème H des Illuminations) et pour les lupiniens (le fait que le nom Hortense ait huit lettres et débute par un H semble gouverner l’ensemble du recueil Les Huit Coups de l’horloge).

Côté Rimbaud, un roman de la collection Gondol est intitulé Hortense Harar Arthur… Revenir à la collection Gondol m’amène à l’autre titre de 2000, le roman de Pouy paru en même temps que le mien, 1280 âmes, et ce livre vient compléter idéalement la série des 4+1 polars basés sur 4+1 morts, sans constituer un 6e côté du pentagone ou plutôt une seconde unification du quaternaire, puisqu’il s’agit dans ce roman de ressusciter 5 âmes, celles qui ont disparu dans la traduction de Pop 1280, devenu en français 1275 âmes.
Le motif 4+1 est ici particulièrement indiscutable, car Gondol, après avoir sillonné les USA où il n’a retrouvé trace que de 4 âmes disparues, décrète que la dernière est le Christ, auquel s’identifie le shérif de Pottsville, Nick Corey.
Curieusement, la dernière victime, involontaire, de la vengeresse de La mariée était en noir, est le réel assassin de son mari, également nommé Corey.
Il pourrait y avoir encore une coïncidence de parution avec La Maison des feuilles, la même année, qui dans une annexe présente 4 documents numérotés 175079, 001280, 046665, et 081512. Il est certain que le dernier numéro se lit 08-15-12, soit les rangs des lettres H-O-L, acronyme du titre original House Of Leaves. Il est probable, à moins que ce ne soit une nouvelle fantastique coïncidence, que 046665 soit une allusion à Pi, film marginal de Darren Aronofsky (1998), qui s’achève sur deux opérations dont les résultats sont 46665 et 3,14…, soit pi, le titre de l’œuvre). Attendu que Danielewski a résidé longtemps en France, il ne serait pas impossible que 001280 soit une allusion à la traduction kleptomane de Pop 1280, célèbre en France longtemps avant que Pouy propose sa variation sur le sujet.
  
Rémi Schulz, le 01/02/08
Un prolongement ICI


dimanche 30 juillet 2017

Du Clos Ana au Domaine d’Ana


Dans Le Domaine d’Ana (1998), Jean Lahougue nous invite à un voyage au centre du texte, calqué sur le Voyage au centre de la terre de Verne.
Le « Domaine d’Ana » est un piège posthume tendu par Théo Brideuil à son frère Noé, qui a épousé Ana dont tous deux étaient épris.
Théo, qui habitait Hermet, avait offert à son neveu Alex, qui habite Bourgon avec son autre oncle Noé, une machine à écrire Hermès qui était en fait le terminal d’un ordinateur créant un Bourgon virtuel à partir des informations livrées par Alex dans son journal. Lorsque Noé et Alex viennent visiter le « Domaine d’Ana » légué par Théo, ils se retrouvent piégés dans ce monde virtuel jusqu’à ce qu’ils en découvrent l’issue, grâce au centre, mot clé de tout le livre, et à la réécriture cryptée de l’aventure, qui constitue en fait le livre lui-même. Dans un dernier chapitre issu du décryptage de ce texte, un tunnel part de la tombe de Théo, au centre du cimetière au centre d’Hermet virtuel, pour aboutir dans le monde réel sous le socle d’une statue de Vénus au centre du jardin de Noé à Bourgon.
Si les personnages modèles de Verne échappaient au centre de la terre à la fin du roman, ce chapitre qui permet aux héros de Lahougue de s’évader du Domaine d’Ana est une réécriture du chapitre central de Voyage au centre de la terre.
C’est tout ce qu’il y a besoin de savoir du roman (plus ici) pour comprendre ce qui va suivre.

J’ai découvert par hasard un livre nommé Le Temple du Secret et L’Apocalypse, d’ailleurs non sans rapport avec Lahougue puisque c’est en cherchant au rayon Esotérisme de ma Bibliothèque Municipale quelque chose sur les apparitions mariales que j’ai aperçu ce livre de 1990 d’Alfred Weysen, récemment acquis vu son air flambant neuf.  Or un amusant texte à contrainte de Lahougue concerne une apparition mariale, L’Oratoire des aveugles.
Weysen avait précédemment donné en 86 L’Ile des Veilleurs, un livre qui a fait un peu de bruit dans mon coin, près des gorges du Verdon. Je n’ai pas lu, un copain m’en ayant fait un rapport guère flatteur. En gros l’auteur a « découvert » un zodiaque inscrit dans les paysages du Verdon il y a quelque 6000 ans, secret initiatique autour duquel tourne toute l’histoire mondiale…
Weysen persiste et signe dans ce nouvel opus, où il a cette fois pu déterminer le centre symbolique de son zodiaque, un lieu d’une importance difficilement imaginable, et difficilement explicable car je n’ai pu saisir malgré toute mon attention l’aspect qu’en privilégiait Alfred. C’est là que les Argonautes ont caché la Toison d’Or, c’est Eleusis, c’est l’Alésia de Verdongétorix, c’est le vrai tombeau du Christ ou d’autres dieux, la montagne Qaf du Coran, la cachette du trésor des Templiers… Peut-être tout ça à la fois, à grand renfort d’étymologies sumériennes, sanskrites, grecques, arabes, provençales, celtiques…
Je n’aurais pas songé à creuser la chose sans le nom de ce centre ésotérique du monde, le clos (ou l’enclos) ANA !
Et le clos Ana se situe sur la montagne du Rouissassou, entre les villages du Bourguet et de Jabron, tandis que le Domaine d’Ana tisse ses virtualités entre les villes de Bourgon et d’Hermet (mieux, il est une reconstitution de Bourgon à partir du modèle d’Hermet).
Bizarre…

Chez Weysen, il paraît que le nom Ana vient d’un tableau-message de 1714, dont il donne la reproduction. Il dissimulerait une carte de la région du Verdon, et son analyse scientifique aurait révélé une centaine de noms invisibles au premier abord, dont le nom Ana, mais le lecteur doit se contenter de cette déclaration et n’a pas accès aux « preuves scientifiques » que pourraient constituer des agrandissements montrant ces noms cachés.
Il n’est même pas besoin de se demander si Lahougue aurait pu connaître ce livre et avoir été influencé par le clos Ana tant la logique du choix du nom Ana semble péremptoire. Il s’agit, à l’image du roman, d’un voyage du début au centre (de l’alphabet), suivi d’un retour à l’état initial. De fait, dans les travaux préparatoires au roman, alors que l’héroïne s’appelait Anna, Lahougue a été contacté par une chercheuse espagnole nommée Ana Roman préparant une thèse sur Perec et lui-même. Cette forme espagnole semblait si séduisante (un « ana » est un recueil de bons mots, bien venu dans cette histoire de lexicographes, et le préfixe grec ana signifie « en arrière », encore mieux venu puisqu’il s’agit de sortir du Domaine d’Ana) qu’elle s’est imposée, et Lahougue a dédié son roman à la thésarde.
Quant aux villes imaginaires de Bourgon et d’Hermet, leurs noms sont empruntés à des toponymes immédiats du plus proche environnement du petit village mayennais où gîte Lahougue.

Le hasard ne s’arrête pas là. Le clos Ana est aussi pour Weysen un « trou de serrure » qui ressemble à un sexe féminin. Le mot « clé » est un mot clé du Domaine d’Ana, pourvu d’une vignette introductive dont la réunion des 15 illustrations des 15 chapitres constitue une anamorphose, comme d’ailleurs le carré central de l’illustration du chapitre du milieu. La dernière des 38 règles de Clés du Domaine, cahier des charges que Lahougue a publié parallèlement au roman, est :
« L’illustration du roman’, présentée au début du volume, reprise en anamorphose dans la case centrale de l’illustration N° 8 et représentée en abîme dans toutes les illustrations, aura l’apparence d’un sexe féminin. »
Le nombre 15 est fort important dans le roman, constitué de 15 chapitres de 15 pages chacun. La raison essentielle du choix de 15 est que son milieu est 8, chiffre symétrique dont le renversement donne le symbole de l’infini.
Or Alfred convoque toutes les mythologies dans son exégèse, et il apparaît important dans sa démonstration que le nombre d’Ishtar-Vénus ait été 15 pour les Mésopotamiens. Je comprends mieux l’importance de Vénus pour Lahougue, qui a un « n » en son centre, comme Ana, lettre qui lui évoque encore un sexe féminin.
S’il m’est aussi permis de mythologuer, je remarque que le nom sumérien d’Ishtar était Inanna.
Chez Lahougue le Domaine d’Ana réel abritait les ruines d’un moulin, et le clos Ana correspond encore pour Alfred à Bethléem, « maison du pain », qui a découvert sur place en cassant une gangue de camouflage « une meule géante d’un diamètre de quelque 6 mètres, tellement bien polie et appareillée qu’elle suggérait presque la présence d’un moteur et de tout un mécanisme. »
Heureusement qu’il y a ce « presque », parce que je n’arrive pas à déceler dans les photos de la « meule » la forme annoncée « absolument ronde ».
Dans cet enclos Ana il y a encore un rocher en lequel Alfred voit une brebis agonisante sous l’œil du Bélier-Zeus, or les prisonniers du Domaine d’Ana échappent à l’inanition grâce aux animaux réels qui se sont eux aussi fourvoyés dans le piège, notamment des moutons.

Le 26 février, je me suis rendu au clos Ana.
Il est situé à une dizaine de km au sud de Castellane, au flanc de la montagne du Rouissassou, qu’Alfred tient à nommer le Reissassou, sur la commune du Bourguet.
Si le cimetière du Bourguet n’est pas au centre du village, ce qui est rare dans le Midi comme ailleurs, il est adossé à la chapelle Sainte Anne, ce qui m’a paru devoir mériter une visite, d’autant que cette chapelle fait partie selon Weysen d’un ensemble de 9 chapelles templières sur le pourtour de son Zodiaque dont les initiales forment l’acronyme TEMPLARII, « Templiers ». Le centre de ce minuscule cimetière d’environ 8 m sur 10 n’est occupé ni par la tombe de Théo Brideuil, ni par une statue de Vénus, mais par un calvaire, ce qui ne doit pas encore être exceptionnel.
Un seul point digne d’être noté, la tombe d’une Anaïs Chauvin au coin Nord-Est, mais Anaïs n’est pas un prénom rare dans le Midi.

Deux kilomètres encore, et j’arrive au Rouissassou. Je n’ai pas de peine à localiser le « trou de serrure » sur la « Cuisse de Jupiter », grâce aux photos du livre, mais le sombre trou ressemblant à un sexe féminin a été violé par quelques personnages en quête de Graal, et le lieu se signale désormais comme une échancrure blanchâtre dans la montagne.
Je parviens au clos Ana après un peu d’escalade, et je ne me sens guère submergé par la puissance occulte du lieu.
Peut-être était-ce différent avant l’arrivée des vandales : la roche a été éclatée, sondée, faisant disparaître certaines « sculptures » vues par Alfred, notamment la meule qui aurait pu dissimuler l’entrée secrète du Graal.
Merci monsieur Robert Laffont…
Apparemment les chercheurs se sont découragés avant d’avoir découvert le Pactole.

la tête de Zeus selon Weysen,  dominant le clos Ana

Sur cette photo les buis et genêts cachent les déblais du chantier principal, à droite, sous la « tête de Zeus » dominant le fond de l’enclos. Un peu à gauche ce serait celle de Christ-Dionysos, que je n’ai pas vraiment reconnu.

Si le « clos Ana » ne me semble témoigner que de la naïveté humaine, j’ai été surpris en découvrant sur la falaise au-dessous une inscription mystérieuse dont Weysen parlait dans son livre et qui me semblait relever de l’affabulation.
Cette inscription dans une langue et une écriture inconnues lui fut traduite par un ami spécialiste de la stéganographie de Trithème, et signifierait :
Salut, tu es ici dans les terres de la vraie croix,
Céleste, dominant l’Eternité, bâille aux languissants la clarté.
Hum… Attendu qu’Alfred lit ailleurs des lettres ou des mots complets sur d’innocents rochers, jusqu’à trouver un A vieux de 6000 ans (3000 ans avant le premier A grec…), qu’il ne donne ni photo de cette inscription, ni détail sur cet étonnant décryptage, je doutais de sa réalité effective, et m’émerveillais plutôt de la concomitance des parutions du Temple du Secret et du Pendule de Foucault d’Eco, fondé aussi sur l’interprétation d’un message stéganographique concernant également le secret des Templiers.
Mais l’inscription est bien là, effectivement absolument bizarre, et il me semble qu’elle n’est pas récente. La roche entaillée en profondeur a exsudé du calcaire (ou autre) qui a blanchi la surface au-dessous ; ceci a certainement pris quelque temps, mais je n’ai aucune compétence pour mieux préciser.
Les photos que j’en ai prises ne donnent pas grand chose (en voir ici), ce qui explique peut-être pourquoi Weysen s’est aussi abstenu ; mieux vaudrait faire un relevé sur place de chaque glyphe, une autre fois peut-être… Quoi qu’il en soit, je ne vois pas comment la vingtaine de glyphes composant l’inscription pourrait donner une traduction aussi longue.
Note du 13/8/5  -- J’ai découvert depuis que ces traces blanchâtres survenaient en fait très rapidement sur ce type de roche, j’en ai vu de semblables sous des inscriptions récentes de cinq ans. J’ai découvert aussi que Weysen avait présenté une photo de cette inscription dans son premier livre, L’île des Veilleurs (page 403, édition de 1986), sans en donner la localisation. Il s’agit assurément du même rocher, mais il est curieux que les traces blanches n’apparaissent pas sur la photo de Weysen (je me borne à ce constat, ignorant dans quelles conditions a été prise cette photo dont la reproduction n’est pas d’une excellente qualité).

Il y a quelques autres inscriptions sur ce pan de roc vertical ; une autre, profonde, a donné lieu à la même exsudation blanchâtre :
Celle-ci a au moins le mérite d’être claire, quoiqu’elle ne prouve évidemment pas le passage en ce lieu de U. Baudot de Nancy le 2 août 1847.
Quelques remarques en attendant Baudot :
- Cette personne a inscrit une croix au-dessus de son nom.
- Sur les lieux il m’avait semblé voir une croix tracée de main humaine à droite de l’inscription, alors que sur la photo elle me semble résulter plus sûrement du croisement de deux veines de la roche.
- Après la tombe d’une Ana-ïs en un point notable du cimetière du Bourguet, voici quelqu’un de Nan-cy, et il me semble qu’avec un minimum d’imagination on distingue un grand A sous l’U, à gauche de Nancy (Cy n’antrez pas, hypocrites, bigots !). Je ne peux m’empêcher de penser au prénom Nancy, dont un diminutif est Nan, et notamment à Nancy Richmond, égérie de Poe qui l’a rebaptisée Annie, et qui lui a dédié en 1849 Le cottage Landor, suite du Domaine d’Arnheim écrit en 1842. C’est aussi pour Nancy-Annie qu’il a écrit Annabel Lee.
- 1847 n’est pas un nombre inconnu de l’ésotérisme où il est lu 18-4-7, correspondant aux lettres latines S-D-G, initiales de Soli Deo Gloria. Ainsi les exégètes de Bach ont compté 1847 notes d’orchestre dans les 32 mesures de la première partie de l’ouverture de la Passion selon Saint Jean, de Bach, dont la première mesure aux flûtes est composée des notes Es-D-G (mi bémol-ré-sol) !

Je ne déduis rien de tout ça. J’ignore évidemment pourquoi quelqu’un a passé au bas mot une heure à graver dans la roche son passage en ce coin peu passager, et encore plus l’origine, la date et le sens de l’inscription cryptique. J’ai néanmoins le sentiment que cette inscription a joué un rôle plus important dans la découverte du « Temple du Graal » que ne l’avoue ou ne l’imagine Weysen, qui constate d’ailleurs que le clos Ana est quelque peu excentré par rapport à la position donnée par la carte secrète à l’origine de sa quête, le tableau de 1714, où il correspondrait à la poche de saint (Celestius).

S’il est assez vain de chercher une saine logique dans l’enquête de Weysen, qui est mort avant de livrer la suite annoncée de ses révélations templières, ce serait en effet une fantastique coïncidence de trouver une inscription cryptique juste au-dessous d’un lieu cryptique déterminé indépendamment.
Mais les coïncidences existent, témoin Le Domaine d’Ana et ses cryptogrammes.
Voir ici d’autres coïncidences concernant ce roman.

Note du 29/02/08 : Je viens de lire L’Ile des Veilleurs – Contre-enquête sur le mystère du Verdon (éd. Arqa, 2007), où les auteurs Amoros-Buadès-Garnier démontent les élucubrations de Weysen, en laissant ouverte néanmoins la possibilité qu’il y ait bien quelque chose de sérieux à la source de l’affaire. Ils citent cette page et la remarquable coïncidence du Clos Ana avec le Domaine d’Ana de Lahougue, et leurs recherches les ont menés à un roman qui est peut-être à l’origine du nom Ana chez Weysen : dans La Race à venir (1871), Edward Bulwer Lytton imaginait à la suite du Voyage au centre de la terre de Verne (1864) la découverte de la civilisation souterraine des Ana…

VOYAGE AU CENTRE DE LAHOUGUE



Lahougue est une étrange usine
De retraitement des déchus,
Les vieillis tomes décrochus
N’ont plus espoir qu’en sa gésine.

Après La Doublure de Magrite, dont le dernier chapitre était le premier chapitre de La Première enquête de Maigret de Simenon, Jean Lahougue a tenté une autre gageure en achevant Le Domaine d’Ana par une réécriture du chapitre central du Voyage au centre de la terre de Verne.
En fait cet épilogue n’apparaît pas explicitement et « doit » être décodé au moyen d’une clé elle-même codée dans le récit : il faut à partir de la fin du livre compter les nombres de mots de chaque phrase et reconstituer ce chapitre final formé des mots centraux des phrases impaires… Les lecteurs prêts à un tel pensum seraient rares, aussi Lahougue fournit-il dans Clés du Domaine, publié parallèlement, les 38 contraintes qui ont réglé la composition de son œuvre, ainsi que les textes codés en clair.
Le lecteur exigeant peut néanmoins vérifier l’application de ces contraintes objectives dans le texte, découvrant ainsi quelques facéties de Lahougue non signalées, mais aussi d’autres curiosités qui, renseignements pris auprès de l’auteur, ne relèvent d’aucune intentionnalité de sa part.

J’ai ainsi étudié essentiellement le chapitre central du Domaine d’Ana, parce que c’est ce chapitre 8 qui est le plus contraint du roman, où aux contraintes sur les paragraphes et les phrases s’additionne une contrainte sur les mots, les lettres centrales des mots (de nombre de lettres impair) formant le chapitre 8’, donnant allégoriquement la clé de lecture énoncée plus haut. Il y a 225 phrases dans ce chapitre 8, ce qui n’est pas un hasard : 225 est le carré de 15, et le roman compte 15 chapitres de 15 pages chacun, la phrase centrale de chaque chapitre ayant par ailleurs un rôle particulier. Il y a 4102 mots dans ces 225 phrases, ce qui est apparemment sans grande importance, mais la frénésie de recherche centrale amène à constater que les 2 mots centraux de ce chapitre sont, aux rangs 2051 et 2052, « certes n’ », s’anagrammatisant en « centres » ou mieux en « centres’ ». L’apostrophe peut en effet faire sens, Lahougue appelant ses textes codés toujours à partir de centres des « textes’ », et au centre même de ce chapitre, au centre du roman, les héros passent dans un monde virtuel, explicitement un « monde-prime », auquel il ne pourront échapper qu’en appliquant la règle des centres au récit de leur aventure.
Lahougue s’est déclaré ébahi par ces « centres’ ». Nul n’est obligé d’accepter sans réticence son affirmation de n’avoir pas prévu ce jeu, mais une autre coïncidence relative à ce chapitre 8 est évidemment totalement involontaire, liée à une erreur typographique.
Lahougue donne en clair le chapitre 8’ dans les Clés du Domaine, formé par les 801 lettres centrales des 801 mots à nombre de lettres impair du chapitre 8, mais une erreur a fait sauter la 464e lettre de ce texte, le s final de sources d’angoisses. Cette lettre est assez loin d’être centrale dans ce texte (de 163 mots dont angoisses est le 98e), mais cette omission en révèle un au moins double rôle central.
La règle des lettres centrales s’applique aussi à ce chapitre 8’, pour donner un chapitre 8’’, soit le distique :
Frappe à la ténébreuse entrée de ce jardin,
Le centre renaîtra de ce monde sécable.
Toute erreur a ici un effet immédiat, et l’omission d’une lettre au mot angoisses le rend pair et fait donc perdre son i central, correspondant au i de jardin, 34e des 67 lettres du distique, sa lettre centrale (dans le 8e mot central, mais le nombre de mots du distique, 15, est sciemment choisi).

En amont, la lettre omise vient du mot presque dans la 118e phrase. Le mot angoisse, en oubliant le s final, se trouve ainsi codé pour ses 4 premières lettres « ango » dans la 116e phrase, dernière du 41e paragraphe, et pour ses 4 dernières lettres « isse » dans la 117e phrase, première du 42e paragraphe (parmi 74). Lahougue a choisi d’utiliser aussi les paragraphes dont les majuscules initiales, décalées au milieu de la ligne, forment un nouveau texte, une réécriture d’un passage central de L’Invention de Morel de Bioy Casares. La logique centrale l’a poussé à faire débuter ce texte dans le paragraphe suivant celui où figure la phrase centrale du chapitre 8, aussi la dernière lettre de ce texte est-elle dans le paragraphe où sont codées les 4 premières lettres du mot angoisse,  tandis que sa première lettre appartient au paragraphe où sont codées les 4 dernières lettres du mot angoisse. La phrase ouvrant ce paragraphe, où sont codées ces lettres « isse », fait subtilement allusion à cette inversion : La première distance franchie, nous devions du reste pénétrer la broussaille en sens inverse.
Lahougue a choisi le nombre total de phrases des 15 chapitres du roman, en y incluant le roman’, 2775[1], soit 15 fois 185 (8 au centre de 15). Un calcul analogue pour le chapitre 8 ferait ajouter à ses 225 phrases les 7 du chapitre 8’, donnant un total de 232 phrases. Les phrases 116 et 117, où sont codées les 4 premières et 4 dernières lettres d’angoisse, seraient au centre exact de ces 232 phrases. Ainsi ce mot angoisse(s), bien que 97e parmi les 163 du chapitre 8’, a donc bien un rôle central immédiat en amont (le chapitre 8 seul ou additionné du chapitre 8’) comme en aval (le chapitre 8’’), l’erreur de composition sur la 464e lettre (2 fois 232) n’étant que le révélateur de cette réelle curiosité qui aurait eu bien peu de chances d’être découverte sans cette omission[2]. Ainsi les décalages entre les différents centres du chapitre 8 (selon les comptes de mots, phrases, paragraphes) ont conduit à cet excentrique angoisse(s) du chapitre 8’, mais l’importante différence de proportion de mots impairs (selon les comptes de lettres) entre le début et la fin de ce texte permet de recentrer ce mot : avant angoisse(s) il y a 33 mots impairs sur 97 (donc 64 mots pairs), après lui 33 sur 65 (donc 32 mots pairs, moitié de 64).

Voilà donc les coïncidences arithmétiques immédiates que quiconque peut découvrir dans ce chapitre 8 avec un peu de peine. Il en est d’autres moins accessibles. Ainsi les 801 lettres du chapitre 8’ se répartissent en 1 lettre omise et 800 lettres bien présentes. Ces nombres 1 et 800 correspondent aux valeurs numériques des lettres alpha et oméga dans l’alphabet numéral grec, les première et dernière lettres de cet alphabet. Je rappelle que les 8 lettres du mot angoisse (sans s) se partagent exactement dans le chapitre 8 entre les paragraphes 41 et 42 dont les initiales sont les dernière et première lettres d’un texte codé selon ces lettrines. En oubliant les autres mots impairs du paragraphe 41, ces 2 lettrines encadrent les 4 lettres ANGO, dont les première et dernière lettres AO transcrivent alpha et oméga dans notre alphabet.
Ce chapitre 8’ apparaît en clair précédemment dans le roman, bien que le lecteur n’en partage que son début. Ce serait le chapitre central du roman La Pyramide analogue, dont le style et le support particuliers alertent le professeur Noé, selon une scène paraphrasant le roman de Verne où est découvert un cryptogramme dans un manuscrit runique. Noé penché sur ce texte énigmatique décrète que l’essentiel en est la forme, « l’oméga selon l’antienne de nos vieux littérateurs ». Il est sous-entendu que le fond ne serait que l’alpha, et il est ahurissant de constater que ces alpha et oméga s’appliquent à un texte d’en principe 801 lettres, dont le lecteur lambda ne connaît a priori que les 800 (oméga) lettres publiées dans Clés du Domaine, 1 (alpha) lettre ayant été omise.
L’alpha et l’oméga sont selon l’Apocalypse d’un autre Jean un symbole christique, et l’exégèse patristique[3] a utilisé le procédé d’isopséphie, d’égalité des sommes numériques des lettres des mots grecs, pour avancer que la colombe présente lors du baptême de Jésus représentait ce même symbole, la colombe en grec, peristera, ayant même valeur 801 que les lettres alpha-omega. Une autre colombe est revenue sauver Noé du Déluge en lui indiquant le chemin de la terre ferme, et ce n’est qu’une première curiosité de trouver un autre Noé associé à un autre 801 ; en effet apparaît dans le chapitre 8 central du Domaine d’Ana un nouveau personnage, essentiel puisqu’il indiquera à Noé et à son neveu Alex le chemin pour regagner le monde réel, un chien qu’Alex baptisera au chapitre suivant Jonas. Or Jonas est la forme grecque de l’hébreu Yonah, ce nom du prophète étant aussi un nom commun signifiant « colombe », le mot même qui apparaît dans le récit du Déluge. Lahougue déclare avoir ignoré ce sens, comme toutes les autres subtilités concernant le grec et l’hébreu, et avoir choisi ce nom pour diverses raisons (ressemblances avec Jean, Hans le guide du Voyage vernien, Janus[4]…), pourtant ce rôle de la colombe de Noé est clairement assumé, et la dernière phrase du roman est : Alors, sur les brisées du bon Jonas, nous serons enfin libres de poursuivre nos aventures. Ces aventures se poursuivent dans le roman’ où Jonas, disparu pour nous sauver, revient effectivement auprès de Noé et d’Alex pour leur indiquer la voie salvatrice.
Le Noé du Biblion grec est sauvé par une colombe 801, le Noé du livre lahouguien est sauvé par les 801 lettres du chapitre 8’ et par le chien Colombe, et je ne résiste pas à une évocation à peu près historique. Saint Colomba, l’évangélisateur de l’Irlande, a failli périr dans une tempête qui a coulé le navire qui l’emportait vers l’Irlande, et n’a dû sa survie qu’à une île surgie presque miraculeusement au milieu des flots furieux, l’île Iona (absolument, même si ce n’était pas en l’an 801), dont il a fait ensuite le centre de ses activités.

Si un personnage biblique se nomme Jonas ou Yonah, « colombe », un autre s’appelle « chien », Caleb, le grand artisan avec Josué[5] de la conquête de la Terre promise, du retour en Canaan, et dans le dernier chapitre du Domaine d’Ana le clebs Jonas indique une issue vers la terre promise. L’exégèse juive lit Caleb Ca-leb, « comme le cœur », le cœur étant une autre figure du centre chez Lahougue ; ainsi la phrase des angoisse(s) s’achève sur se marcher dans le coeur…, avec ce début de centre au niveau suivant.

Si la signification du prénom Jonas n’est pas un secret d’Etat, d’autres aspects de la culture juive sont nettement plus confidentiels, en tous cas fort éloignés des préoccupations de Lahougue. C’est ainsi une formidable coïncidence qui a pu lui donner l’idée de bâtir un récit sur les centres, et plus particulièrement les centres des mots, à partir du Voyage au centre de la terre, et plus particulièrement de son chapitre central. Ce chapitre montre les héros assoiffés sauvés par la découverte d’eau dans la paroi rocheuse, que leur guide Hans fait jaillir généreusement à coups de pic. Le ruisseau accompagnera désormais les explorateurs dans leur descente, et Axel le baptise Hans-Bach. Ce chapitre central offre un remarquable parallélisme avec la fin du récit, où c’est une poche d’eau portée par une colonne de lave ascendante qui ramène les explorateurs des profondeurs à la surface, et Lahougue exploite ces ressemblances dans sa réécriture du texte.
Il est probable que cette source miraculeuse fasse allusion à l’épisode biblique des eaux de Mériba, où les Hébreux meurent de soif dans le désert, où Moïse fait jaillir l’eau du roc en le frappant de son bâton. Une exégèse très particulière, dont je ne connais pas d’autre exemple, utilise à ce propos les lettres centrales. Ce roc est en hébreu translittéré SLO, composé de 3 lettres de noms SMK, LMD, et OYN. Un rabbin a remarqué que les lettres centrales MMY de ces mots  pouvaient se lire MYM, « eau », eau qui selon le langage serait donc bien présente au cœur du roc[6]. 
Il n’est pas impossible que Verne, au moins proche de la franc-maçonnerie où la kabbale est généralement appréciée[7], ait connu cette exégèse, toutefois il relève du hasard que ce jaillissement d’eau du roc intervienne au chapitre central du Voyage, ce chapitre 23 n’étant devenu central que dans une seconde version augmentée des chapitres 38-39. Mais Verne a pu ailleurs montrer un souci de construction autour du centre, ainsi dans Mathias Sandorf inspiré du Comte de Monte-Cristo. Ce roman est construit en 5 parties de 9-8-7-6-5 chapitres, ce qui n’apparaît guère fortuit, d’autant que le chapitre central de ces 35 est celui qui ouvre la 3e partie, et qu’il s’intitule Méditerranée ! (milieu des terres). Il y a d’autres indices d’une construction peut-être très sophistiquée, ce qui sort du cadre de cette étude, mais ce « milieu des terres » ne serait pas la seule allusion au Voyage, le roman débutant aussi par un cryptogramme dont l’aspect est proche de celui du Voyage ; si la résolution en est différente, le premier décodage des messages les fait apparaître dans les deux cas à l’envers (un ‘enver’ signature probable du subtil Verne).

Revenons à l’hébreu révélant une autre coïncidence remarquable dans le choix du nom des principaux personnages. C’est le déluge du chapitre central du Voyage qui est essentiellement à l’origine du choix de Noé. Sa femme s’est d’abord appelée Anna, palindrome tout à fait satisfaisant selon le principe de réversibilité du récit, voyage aller-retour du début au milieu de l’alphabet. A ce premier stade dans la conception du roman une nommée Ana Roman a pris contact avec Lahougue, étudiante espagnole préparant une thèse sur son œuvre[8]. Cette forme encore plus satisfaisante s’est imposée. Jean, Anne, Hans, Ana, dérivent tous de la racine hébraïque HN, « grâce », or Noé s’écrit précisément en hébreu par l’inversion de ces lettres, NH, et ce jeu dit anacyclique est magnifié par le verset Genèse 6,8, largement commenté : « Et Noé (NH) trouva grâce (HN) aux yeux de Yahvé ». Or ces jeux anacycliques sont présents par ailleurs dans ce roman de la réversibilité, avec la référence au Mont Analogue de Daumal, où c’est un professeur Sogol qui part à la recherche de l’ombilic du monde, avec une allusion au jeu latin ROMA-AMOR, avec surtout le chien qui va permettre aux héros de déjouer la machination de Théo, le frère mort de Noé qui l’a attiré dans ce monde virtuel. Il s’agit du jeu anglais bien connu god-dog, « dieu-chien », que Lahougue avoue avoir eu en tête, mais il ne m’a pas confirmé une autre de mes supputations, le dédoublement de l’OTTO initial vernien en deux frères ennemis dont l’un est Théo (TO), ôté du monde réel dès le début du roman mais toujours présent par-delà la mort dans le monde virtuel où il a piégé son frère. C’est en pénétrant sa tombe-prime dans le monde-prime à la suite de Jonas que Noé et Alex parviennent dans l’épilogue à regagner le monde réel.
Verne pourrait avoir réalisé lui-même ce dédoublement dans ses 500 millions de la Bégum[9], où Marcel courtise la sœur du professeur Octave Sarrasin tout comme Axel courtise la fille du professeur Otto Lidenbrock, mais cet Octave-là a un diabolique cousin outre-Rhin, l’affreux Herr Doktor Schultze acharné à anéantir les efforts humanitaires d’Octave. Lahougue ne semble pas non plus avoir été conscient du possible rapport entre Otto (ou Octave) et son indispensable chapitre 8.
Lahougue remarque que ses 15 chapitres sont 5 x 3, que 5 + 3 = 8, et ces nombres gouvernent ses contraintes, notamment les 15 contraintes graphiques des 15 illustrations composées chacune de 3 fois 5 carrés. Il n’était pas conscient que ce format 3 par 5 est celui de l’arche de Noé, haute de 30 coudées, large de 50, longue de 300. Il ignorait que le mot arche, teva, signifie aussi « mot » en hébreu, et que l’exégèse voit ses dimensions tissées par les lettres du nom de Dieu YHWH, les lettres YHW de valeurs 10, 5, et 6 (30 = 5x6 ; 50 = 10x5 ; 300 = 10x5x6).
J’ai vu plus tard en relisant Voyage au centre de la Terre que le cryptogramme découvert par Otto Lidenbrok était porté par « un morceau de parchemin long de cinq  pouces, large de trois » !

Le « centre du jardin » dont il est constamment question rappelle fortement l’Eden, et notamment le verset 2,9 : « … l’arbre de vie (était) au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal ». « L’arbre de vie » a en hébreu pour valeur numérique 233, tandis que « l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal » a pour valeur 932, 4 fois 233. Cette propriété[10] est remarquable, par exemple dans le contexte du jardin d’Eden d’où sort un fleuve se divisant en 4 bras, mais le nombre 233 peut apparaître aussi lié au chapitre 8 central, avec d’étonnantes résonances.
L’erreur sur le mot angoisse(s) conduit à amputer d’un I, le chiffre romain « 1 », le mot central du distique, JARDIN ; cette angoisse singulière est codée dans les phrases 116 et 117 du chapitre 8, avec 116 + 117 = 233. Par ailleurs le chapitre 8 compte avec ses deux textes codés en son sein, 8’ et 8’’ (le distique), 225 + 7 + 1 = 233 phrases ; la lettre centrale du distique (phrase 233) est le I de jardin, codé dans la phrase 117 centrale parmi les 233 phrases.

L’erreur sur le mot angoisses amène une autre curiosité dans la comparaison des épisodes parallèles de la résolution du cryptogramme chez Verne et Lahougue. Chez Verne c’est la découverte du nom du codeur, l’alchimiste Arne Saknussemm, qui incite Otto et Axel à décrypter le message. Chez Lahougue le décodage du chapitre central de La Pyramide analogue mènent Noé et Alex au distique, puis l’application de la règle des lettres centrales à ce distique mène au nom Ana, femme de Noé et sœur d’Alex. Il n’est pas indiqué qu’une nouvelle application de la règle mènerait à la lettre n, cet ultime concentré étant précisément le signe même qui a mené vers la solution, ce signe déchiffré sur une statue de Vénus, dont c’est la lettre centrale. Concentré pourrait s’écrire ici en deux mots, le centre du domaine d’Ana où vont se perdre les héros correspondant assez explicitement au ténébreux mystère de la féminité, Lahougue ayant par ailleurs cru déceler dans le texte vernien des allusions orgasmiques, et l’illustration du roman’, composée des 15 illustrations en 15 carrés des 15 chapitres, a l’apparence d’un sexe féminin, reprise en anamorphose dans le carré central de ces 225, le carré central de l’illustration du chapitre 8[11].
Toujours est-il que l’erreur sur angoisse conduit au distique
Frappe à la ténébreuse entrée de ce jardn,
Le centre renaîtra de ce monde sécable
qui conduit lui-même aux lettres ARNA, à une lettre près Arne. Or Le domaine d’Ana livre le décodage ADN, ce qui est voulu par Lahougue, et la structure spiralée de l’ADN fait partie de son jeu de contraintes. La curiosité vient de ces message(r)s Arne et Arna, le fonctionnement de l’ADN impliquant sa transcription en un ARN messager (RNA en anglais) ; c’est l’une des grandes découvertes de la biochimie, due essentiellement à Jacques Monod, et son dogme du sens unique de la transcription ADN>ARN a été plus tard renversé par la découverte de la transcriptase inverse réalisant l’opération ARN>ADN. Dans le cas de Verne souvent qualifié de prémonitoire il est amusant de trouver ce messager prénommé Arne. Si c’est une erreur qui amène le message de Lahougue à la lecture Arna, le nom du messager est Théo, le frère de Noé qui l’a attiré dans ce piège diabolique ; or les positions très tranchées de Monod ont amené ses collègues à parler de Monod-théisme.
Le Roman’ donné dans Clés du domaine contient une autre erreur : des odeurs de mousses sont devenues de mousse, de même que les angoisses du chapitre 8’ sont passées au singulier, et de l’impair au pair. Ceci aurait évidemment des conséquences pour les textes décodés en aval, le roman’’ où le mot "chevaleresque" devient "chevalereque", et le roman’’’ devenant le vers éclopé
Le centre a reparu d ce monde pliable
donnant à son tour le décodage final ADNA, l’exact pendant de l’ARNA issu du décodage final du chapitre 8’ fautif (l’ADN est de même en anglais DNA).

Lahougue explicite dans ses Clés sa vision de la lettre n, centrale dans Ana, dont certaines graphies lui évoquent le sexe féminin, l’origine du monde. Ana signifie « mère » en turc.

Un téléfilm de George Miller a récemment réadapté Voyage au centre de la terre, diffusé le 15 décembre 2000 sur M6. L’Islande est devenue Australie, les noms ont été américanisés, Lidenbrock est devenu Lytton, mais bien plus extraordinairement les voyageurs Otto et Axel sont devenus Theo(dore) et Jonas, les noms mêmes des personnages annexes imaginés par Lahougue, le frère Théo d’Otto-Noé et le chien Jonas d’Axel-Alex !
Ce Miller serait-il le réalisateur de Mad One Max ?

Le 25/4/00, révisé le 1/3/03                                R. Schulz

Note du 29/02/08 : Je viens de lire L’Ile des Veilleurs – Contre-enquête sur le mystère du Verdon (éd. Arqa, 2007), où les auteurs Amoros-Buadès-Garnier m’ont appris l’existence d’un roman qui est peut-être le premier pastiche (ou plagiat) important du Voyage au centre de la terre de Verne (1864) : dans La Race à venir (1870), Edward Bulwer Lytton imaginait la découverte de la civilisation souterraine des Ana… Il y a quelque chance que le nom Lytton du téléfilm de Miller vienne de Lord Lytton, d’autant que la population infraterrestre y joue un rôle bien plus important que dans le roman de Verne, mais ceci ne peut que renforcer les coïncidences avec le roman de Lahougue (qui ne connaissait pas Lytton) puisque donnant à entendre que les habitants du monde souterrain sont les Ana de Lytton. A remarquer que dans le téléfilm Jonas y tombe amoureux d’une de ces créatures, nommée Ralna.
Lytton indique que Ana, pluriel de An, se prononce arna (un nom obtenu plus haut dans les décodages de Lahougue, et qui pouvait être chez Lytton un hommage discret à Verne, et à son Arne Saknussemm, pionnier de l’exploration souterraine, bien qu’il soit plus probable qu’il s’agisse d’une allusion aux Aryans, cette race à venir étant explicitement aryenne, d’où une exploitation ultérieure du roman par les Nazis, bien au-delà de ce qu’y avait mis l’auteur). La première édition de Voyage au centre de la terre ne contient pas les chapitres 38-39 de l’édition suivante, en 1866 (toujours avant The Coming Race), les seuls passages où il est question des intraterrestres, que les héros se gardent bien d’approcher. Le professeur Lidenbrock déduit de leurs ossements qu’ils sont apparentés à la race blanche, « la nôtre ! », « répandue depuis les Indes jusqu’aux limites de l’Europe occidentale. » (autrement dit les Aryens.)
Si Ana désigne cette race en tant que collectif, le nom ne s’applique en particulier qu’à ses mâles, les nanas étant des gyei (masculin gy).
Dès la présentation de la race des Ana, Lytton indique qu’elle est bien antérieure au Déluge de Noé, selon la chronologie de Newton.
On peut télécharger ici le roman de Lytton (en anglais).
En fait ce George Miller est un homonyme US du réalisateur de Mad Max. Son téléfilm a été diffusé le 14 septembre 1999, en conséquence il est plus que probable que le script était achevé bien avant la parution du Domaine d’Ana en octobre 98, ce qui rend très accessoire de se demander si l’un des scénaristes était un lecteur assidu de Lahougue.

Ma visite au clos Ana...

Je profite de cet ajout pour signaler une autre curiosité, dans Dreamericana, roman de SF de 2002 dû à Fabrice Colin, lequel m’a certifié n’avoir jamais entendu parler de Lahougue, et surtout du Domaine d’Ana.
Or il y a une Ana dans son livre, et un Domaine, avec un D majuscule, nom d’un lieu plus ou moins virtuel où les dimensions d’espace et de temps sont inversées, où l’on accède en composant mentalement un code binaire de cent chiffres au cours d’un rapport orgasmique… La première personne accédant au Domaine dans le roman est Ana…
Lahougue ne cache pas dans les Clés du Domaine (et surtout dans les Clés des Clés) les implications érotiques de son œuvre, et notamment la lecture qui semble s’imposer du chapitre central du Voyage de Verne, réécrit pour donner le roman’ permettant aux héros de Lahougue d’échapper au Domaine d’Ana : une agitation frénétique et impatiente menant au jaillissement d’un flot brûlant, suivi des appréciations « Quelle jouissance ! Quelle incomparable volupté ! »
Le centenaire de la mort de Verne en 2005 a donné lieu à de multiples publications, dont celle de Voyage au centre de la terre-mère, du psy nantais Michel Sanchez-Cardenas, qui n’a pas manqué d’exploiter aussi ce passage. Hélas l’analyste, qui privilégie une interprétation anale, ne connaît pas Le Domaine d’Ana.
 


[1] Une erreur (qui lui est cette fois imputable et qu’il reconnaît) lui fait intégrer à ce calcul non détaillé dans ses Clés du Domaine les 5 phrases du roman’’. L’ajout du chapitre 8’’, le distique en une seule phrase, conduirait à 233 phrases, au centre desquelles seraient les phrases 116-117-118 où est codé angoisses.
[2] Il est assez amusant que le dossier accompagnant les Clés du Domaine montre Lahougue soucieux de voir son livre confié à des clavistes françaises menacées de chômage plutôt qu’à des étrangères sous-payées. Une étrangère n’aurait peut-être pas commis cette faute, que l’auteur assigné à relecture des épreuves doit de toute manière assumer.
[3] Selon Theophane Kérameus, rapporté par G. Ifrah dans Histoire universelle des Chiffres.
[4] L’influence de Verne sur Villiers de L’Isle-Adam est connue. Son Axël contient un cryptogramme, et Axël a pour maître Janus.
[5] Josué est une autre forme du nom Jésus, « sauveur », lui-même lié à Jonas par le « signe de Jonas », sa résurrection le 3e jour comme Jonas est sorti de la baleine le 3e jour.
[6] Rapportée par exemple par Josy Eisenberg, L’étoile de Jacob, Paris, 1989.
[7] Il y a dans son œuvre des allusions immédiates aux Maçons, et probablement bien d’autres plus cachées, ainsi je m’interroge sur un détail du voyage solsticial (St Jean) où Otto, Axel et Hans franchissent 2 rivières poissonneuses (la pêche de Jean ?), l’Alfa et l’Heta. Ce sont très clairement les lettres Alpha et Eta, ou leurs équivalents hébreux Aleph et Het formant le mot AH, « frère », très maçonnique, ou initiales d’Axel et Hans. Ce sont encore les chiffres 1 et 8 qui peuvent évoquer Alpha et Oméga (1 et 800, quels échos avec le chapitre 8’), ou le symbole maçonnique du cube représenté par ses 8 sommets et son centre (une double pyramide…). Et que penser d’Otto (8 en Italie où s’achève l’aventure) débutant par un O majuscule (méga) ; Otto suit les traces d’Arne Saknussemm jalonnées des initiales AS (l’un des dés, des cartes…).
[8] Et celle de Perec, consultable à l’Association Georges Perec.
[9] Ce roman est une adaptation d’un manuscrit d’André Laurie qu’il faudrait bien entendu éplucher pour repérer les réels apports verniens.
[10] Non commentée par l’exégèse traditionnelle, qui a néanmoins vu les 2 arbres correspondre à l’Un et au Multiple. Friedrich Weinreb l’a remarquée plus récemment, et voit notamment ce facteur 233 équivaloir à regel, « jambe », d’où les arbres correspondraient à l’animalité (quadrupède) et à l’humanité (?). Dans cette voie il est amusant que la valeur de kaleb, « chien », 52, soit 4 fois celle de ehad, « Un », 13, 2 fois celle du nom de Dieu YHWH, 26. Et le jeu 1-4 ne s’arrête pas là, chez Weinreb comme dans mes propres recherches bibliques.
[11] En restant un-con-venant, je remarque que la lettre centrale du chapitre 8 est le C de compassion : con-passion demanderait os (et os est en latin « bouche » (d’ombre)). La lettre centrale du chapitre 8’ est aussi un C, le C central d’obscurs qui donne au niveau suivant la ténébreuse entrée de ce jardin… La lettre ultime issue des décodages selon les lettres centrales est un N, le chapitre 8’’’’... Et le concentré graphique du roman, le carré central de l’illustration 8, est en forme voulue de O, le centre du CON, du mot comme de la chose entre toutes. Et Lahougue s’est représenté lui-même dans cette illustration, dans le reflet des lunettes d’onc’Noé... Avec ce O, les 4 lettres centrales CINN des chapitres 8’ à 8’’’’ donneraient un royal CONIN propre à satisfaire le clébard le plus exigeant.