dimanche 30 juillet 2017

Du Clos Ana au Domaine d’Ana


Dans Le Domaine d’Ana (1998), Jean Lahougue nous invite à un voyage au centre du texte, calqué sur le Voyage au centre de la terre de Verne.
Le « Domaine d’Ana » est un piège posthume tendu par Théo Brideuil à son frère Noé, qui a épousé Ana dont tous deux étaient épris.
Théo, qui habitait Hermet, avait offert à son neveu Alex, qui habite Bourgon avec son autre oncle Noé, une machine à écrire Hermès qui était en fait le terminal d’un ordinateur créant un Bourgon virtuel à partir des informations livrées par Alex dans son journal. Lorsque Noé et Alex viennent visiter le « Domaine d’Ana » légué par Théo, ils se retrouvent piégés dans ce monde virtuel jusqu’à ce qu’ils en découvrent l’issue, grâce au centre, mot clé de tout le livre, et à la réécriture cryptée de l’aventure, qui constitue en fait le livre lui-même. Dans un dernier chapitre issu du décryptage de ce texte, un tunnel part de la tombe de Théo, au centre du cimetière au centre d’Hermet virtuel, pour aboutir dans le monde réel sous le socle d’une statue de Vénus au centre du jardin de Noé à Bourgon.
Si les personnages modèles de Verne échappaient au centre de la terre à la fin du roman, ce chapitre qui permet aux héros de Lahougue de s’évader du Domaine d’Ana est une réécriture du chapitre central de Voyage au centre de la terre.
C’est tout ce qu’il y a besoin de savoir du roman (plus ici) pour comprendre ce qui va suivre.

J’ai découvert par hasard un livre nommé Le Temple du Secret et L’Apocalypse, d’ailleurs non sans rapport avec Lahougue puisque c’est en cherchant au rayon Esotérisme de ma Bibliothèque Municipale quelque chose sur les apparitions mariales que j’ai aperçu ce livre de 1990 d’Alfred Weysen, récemment acquis vu son air flambant neuf.  Or un amusant texte à contrainte de Lahougue concerne une apparition mariale, L’Oratoire des aveugles.
Weysen avait précédemment donné en 86 L’Ile des Veilleurs, un livre qui a fait un peu de bruit dans mon coin, près des gorges du Verdon. Je n’ai pas lu, un copain m’en ayant fait un rapport guère flatteur. En gros l’auteur a « découvert » un zodiaque inscrit dans les paysages du Verdon il y a quelque 6000 ans, secret initiatique autour duquel tourne toute l’histoire mondiale…
Weysen persiste et signe dans ce nouvel opus, où il a cette fois pu déterminer le centre symbolique de son zodiaque, un lieu d’une importance difficilement imaginable, et difficilement explicable car je n’ai pu saisir malgré toute mon attention l’aspect qu’en privilégiait Alfred. C’est là que les Argonautes ont caché la Toison d’Or, c’est Eleusis, c’est l’Alésia de Verdongétorix, c’est le vrai tombeau du Christ ou d’autres dieux, la montagne Qaf du Coran, la cachette du trésor des Templiers… Peut-être tout ça à la fois, à grand renfort d’étymologies sumériennes, sanskrites, grecques, arabes, provençales, celtiques…
Je n’aurais pas songé à creuser la chose sans le nom de ce centre ésotérique du monde, le clos (ou l’enclos) ANA !
Et le clos Ana se situe sur la montagne du Rouissassou, entre les villages du Bourguet et de Jabron, tandis que le Domaine d’Ana tisse ses virtualités entre les villes de Bourgon et d’Hermet (mieux, il est une reconstitution de Bourgon à partir du modèle d’Hermet).
Bizarre…

Chez Weysen, il paraît que le nom Ana vient d’un tableau-message de 1714, dont il donne la reproduction. Il dissimulerait une carte de la région du Verdon, et son analyse scientifique aurait révélé une centaine de noms invisibles au premier abord, dont le nom Ana, mais le lecteur doit se contenter de cette déclaration et n’a pas accès aux « preuves scientifiques » que pourraient constituer des agrandissements montrant ces noms cachés.
Il n’est même pas besoin de se demander si Lahougue aurait pu connaître ce livre et avoir été influencé par le clos Ana tant la logique du choix du nom Ana semble péremptoire. Il s’agit, à l’image du roman, d’un voyage du début au centre (de l’alphabet), suivi d’un retour à l’état initial. De fait, dans les travaux préparatoires au roman, alors que l’héroïne s’appelait Anna, Lahougue a été contacté par une chercheuse espagnole nommée Ana Roman préparant une thèse sur Perec et lui-même. Cette forme espagnole semblait si séduisante (un « ana » est un recueil de bons mots, bien venu dans cette histoire de lexicographes, et le préfixe grec ana signifie « en arrière », encore mieux venu puisqu’il s’agit de sortir du Domaine d’Ana) qu’elle s’est imposée, et Lahougue a dédié son roman à la thésarde.
Quant aux villes imaginaires de Bourgon et d’Hermet, leurs noms sont empruntés à des toponymes immédiats du plus proche environnement du petit village mayennais où gîte Lahougue.

Le hasard ne s’arrête pas là. Le clos Ana est aussi pour Weysen un « trou de serrure » qui ressemble à un sexe féminin. Le mot « clé » est un mot clé du Domaine d’Ana, pourvu d’une vignette introductive dont la réunion des 15 illustrations des 15 chapitres constitue une anamorphose, comme d’ailleurs le carré central de l’illustration du chapitre du milieu. La dernière des 38 règles de Clés du Domaine, cahier des charges que Lahougue a publié parallèlement au roman, est :
« L’illustration du roman’, présentée au début du volume, reprise en anamorphose dans la case centrale de l’illustration N° 8 et représentée en abîme dans toutes les illustrations, aura l’apparence d’un sexe féminin. »
Le nombre 15 est fort important dans le roman, constitué de 15 chapitres de 15 pages chacun. La raison essentielle du choix de 15 est que son milieu est 8, chiffre symétrique dont le renversement donne le symbole de l’infini.
Or Alfred convoque toutes les mythologies dans son exégèse, et il apparaît important dans sa démonstration que le nombre d’Ishtar-Vénus ait été 15 pour les Mésopotamiens. Je comprends mieux l’importance de Vénus pour Lahougue, qui a un « n » en son centre, comme Ana, lettre qui lui évoque encore un sexe féminin.
S’il m’est aussi permis de mythologuer, je remarque que le nom sumérien d’Ishtar était Inanna.
Chez Lahougue le Domaine d’Ana réel abritait les ruines d’un moulin, et le clos Ana correspond encore pour Alfred à Bethléem, « maison du pain », qui a découvert sur place en cassant une gangue de camouflage « une meule géante d’un diamètre de quelque 6 mètres, tellement bien polie et appareillée qu’elle suggérait presque la présence d’un moteur et de tout un mécanisme. »
Heureusement qu’il y a ce « presque », parce que je n’arrive pas à déceler dans les photos de la « meule » la forme annoncée « absolument ronde ».
Dans cet enclos Ana il y a encore un rocher en lequel Alfred voit une brebis agonisante sous l’œil du Bélier-Zeus, or les prisonniers du Domaine d’Ana échappent à l’inanition grâce aux animaux réels qui se sont eux aussi fourvoyés dans le piège, notamment des moutons.

Le 26 février, je me suis rendu au clos Ana.
Il est situé à une dizaine de km au sud de Castellane, au flanc de la montagne du Rouissassou, qu’Alfred tient à nommer le Reissassou, sur la commune du Bourguet.
Si le cimetière du Bourguet n’est pas au centre du village, ce qui est rare dans le Midi comme ailleurs, il est adossé à la chapelle Sainte Anne, ce qui m’a paru devoir mériter une visite, d’autant que cette chapelle fait partie selon Weysen d’un ensemble de 9 chapelles templières sur le pourtour de son Zodiaque dont les initiales forment l’acronyme TEMPLARII, « Templiers ». Le centre de ce minuscule cimetière d’environ 8 m sur 10 n’est occupé ni par la tombe de Théo Brideuil, ni par une statue de Vénus, mais par un calvaire, ce qui ne doit pas encore être exceptionnel.
Un seul point digne d’être noté, la tombe d’une Anaïs Chauvin au coin Nord-Est, mais Anaïs n’est pas un prénom rare dans le Midi.

Deux kilomètres encore, et j’arrive au Rouissassou. Je n’ai pas de peine à localiser le « trou de serrure » sur la « Cuisse de Jupiter », grâce aux photos du livre, mais le sombre trou ressemblant à un sexe féminin a été violé par quelques personnages en quête de Graal, et le lieu se signale désormais comme une échancrure blanchâtre dans la montagne.
Je parviens au clos Ana après un peu d’escalade, et je ne me sens guère submergé par la puissance occulte du lieu.
Peut-être était-ce différent avant l’arrivée des vandales : la roche a été éclatée, sondée, faisant disparaître certaines « sculptures » vues par Alfred, notamment la meule qui aurait pu dissimuler l’entrée secrète du Graal.
Merci monsieur Robert Laffont…
Apparemment les chercheurs se sont découragés avant d’avoir découvert le Pactole.

la tête de Zeus selon Weysen,  dominant le clos Ana

Sur cette photo les buis et genêts cachent les déblais du chantier principal, à droite, sous la « tête de Zeus » dominant le fond de l’enclos. Un peu à gauche ce serait celle de Christ-Dionysos, que je n’ai pas vraiment reconnu.

Si le « clos Ana » ne me semble témoigner que de la naïveté humaine, j’ai été surpris en découvrant sur la falaise au-dessous une inscription mystérieuse dont Weysen parlait dans son livre et qui me semblait relever de l’affabulation.
Cette inscription dans une langue et une écriture inconnues lui fut traduite par un ami spécialiste de la stéganographie de Trithème, et signifierait :
Salut, tu es ici dans les terres de la vraie croix,
Céleste, dominant l’Eternité, bâille aux languissants la clarté.
Hum… Attendu qu’Alfred lit ailleurs des lettres ou des mots complets sur d’innocents rochers, jusqu’à trouver un A vieux de 6000 ans (3000 ans avant le premier A grec…), qu’il ne donne ni photo de cette inscription, ni détail sur cet étonnant décryptage, je doutais de sa réalité effective, et m’émerveillais plutôt de la concomitance des parutions du Temple du Secret et du Pendule de Foucault d’Eco, fondé aussi sur l’interprétation d’un message stéganographique concernant également le secret des Templiers.
Mais l’inscription est bien là, effectivement absolument bizarre, et il me semble qu’elle n’est pas récente. La roche entaillée en profondeur a exsudé du calcaire (ou autre) qui a blanchi la surface au-dessous ; ceci a certainement pris quelque temps, mais je n’ai aucune compétence pour mieux préciser.
Les photos que j’en ai prises ne donnent pas grand chose (en voir ici), ce qui explique peut-être pourquoi Weysen s’est aussi abstenu ; mieux vaudrait faire un relevé sur place de chaque glyphe, une autre fois peut-être… Quoi qu’il en soit, je ne vois pas comment la vingtaine de glyphes composant l’inscription pourrait donner une traduction aussi longue.
Note du 13/8/5  -- J’ai découvert depuis que ces traces blanchâtres survenaient en fait très rapidement sur ce type de roche, j’en ai vu de semblables sous des inscriptions récentes de cinq ans. J’ai découvert aussi que Weysen avait présenté une photo de cette inscription dans son premier livre, L’île des Veilleurs (page 403, édition de 1986), sans en donner la localisation. Il s’agit assurément du même rocher, mais il est curieux que les traces blanches n’apparaissent pas sur la photo de Weysen (je me borne à ce constat, ignorant dans quelles conditions a été prise cette photo dont la reproduction n’est pas d’une excellente qualité).

Il y a quelques autres inscriptions sur ce pan de roc vertical ; une autre, profonde, a donné lieu à la même exsudation blanchâtre :
Celle-ci a au moins le mérite d’être claire, quoiqu’elle ne prouve évidemment pas le passage en ce lieu de U. Baudot de Nancy le 2 août 1847.
Quelques remarques en attendant Baudot :
- Cette personne a inscrit une croix au-dessus de son nom.
- Sur les lieux il m’avait semblé voir une croix tracée de main humaine à droite de l’inscription, alors que sur la photo elle me semble résulter plus sûrement du croisement de deux veines de la roche.
- Après la tombe d’une Ana-ïs en un point notable du cimetière du Bourguet, voici quelqu’un de Nan-cy, et il me semble qu’avec un minimum d’imagination on distingue un grand A sous l’U, à gauche de Nancy (Cy n’antrez pas, hypocrites, bigots !). Je ne peux m’empêcher de penser au prénom Nancy, dont un diminutif est Nan, et notamment à Nancy Richmond, égérie de Poe qui l’a rebaptisée Annie, et qui lui a dédié en 1849 Le cottage Landor, suite du Domaine d’Arnheim écrit en 1842. C’est aussi pour Nancy-Annie qu’il a écrit Annabel Lee.
- 1847 n’est pas un nombre inconnu de l’ésotérisme où il est lu 18-4-7, correspondant aux lettres latines S-D-G, initiales de Soli Deo Gloria. Ainsi les exégètes de Bach ont compté 1847 notes d’orchestre dans les 32 mesures de la première partie de l’ouverture de la Passion selon Saint Jean, de Bach, dont la première mesure aux flûtes est composée des notes Es-D-G (mi bémol-ré-sol) !

Je ne déduis rien de tout ça. J’ignore évidemment pourquoi quelqu’un a passé au bas mot une heure à graver dans la roche son passage en ce coin peu passager, et encore plus l’origine, la date et le sens de l’inscription cryptique. J’ai néanmoins le sentiment que cette inscription a joué un rôle plus important dans la découverte du « Temple du Graal » que ne l’avoue ou ne l’imagine Weysen, qui constate d’ailleurs que le clos Ana est quelque peu excentré par rapport à la position donnée par la carte secrète à l’origine de sa quête, le tableau de 1714, où il correspondrait à la poche de saint (Celestius).

S’il est assez vain de chercher une saine logique dans l’enquête de Weysen, qui est mort avant de livrer la suite annoncée de ses révélations templières, ce serait en effet une fantastique coïncidence de trouver une inscription cryptique juste au-dessous d’un lieu cryptique déterminé indépendamment.
Mais les coïncidences existent, témoin Le Domaine d’Ana et ses cryptogrammes.
Voir ici d’autres coïncidences concernant ce roman.

Note du 29/02/08 : Je viens de lire L’Ile des Veilleurs – Contre-enquête sur le mystère du Verdon (éd. Arqa, 2007), où les auteurs Amoros-Buadès-Garnier démontent les élucubrations de Weysen, en laissant ouverte néanmoins la possibilité qu’il y ait bien quelque chose de sérieux à la source de l’affaire. Ils citent cette page et la remarquable coïncidence du Clos Ana avec le Domaine d’Ana de Lahougue, et leurs recherches les ont menés à un roman qui est peut-être à l’origine du nom Ana chez Weysen : dans La Race à venir (1871), Edward Bulwer Lytton imaginait à la suite du Voyage au centre de la terre de Verne (1864) la découverte de la civilisation souterraine des Ana…

VOYAGE AU CENTRE DE LAHOUGUE



Lahougue est une étrange usine
De retraitement des déchus,
Les vieillis tomes décrochus
N’ont plus espoir qu’en sa gésine.

Après La Doublure de Magrite, dont le dernier chapitre était le premier chapitre de La Première enquête de Maigret de Simenon, Jean Lahougue a tenté une autre gageure en achevant Le Domaine d’Ana par une réécriture du chapitre central du Voyage au centre de la terre de Verne.
En fait cet épilogue n’apparaît pas explicitement et « doit » être décodé au moyen d’une clé elle-même codée dans le récit : il faut à partir de la fin du livre compter les nombres de mots de chaque phrase et reconstituer ce chapitre final formé des mots centraux des phrases impaires… Les lecteurs prêts à un tel pensum seraient rares, aussi Lahougue fournit-il dans Clés du Domaine, publié parallèlement, les 38 contraintes qui ont réglé la composition de son œuvre, ainsi que les textes codés en clair.
Le lecteur exigeant peut néanmoins vérifier l’application de ces contraintes objectives dans le texte, découvrant ainsi quelques facéties de Lahougue non signalées, mais aussi d’autres curiosités qui, renseignements pris auprès de l’auteur, ne relèvent d’aucune intentionnalité de sa part.

J’ai ainsi étudié essentiellement le chapitre central du Domaine d’Ana, parce que c’est ce chapitre 8 qui est le plus contraint du roman, où aux contraintes sur les paragraphes et les phrases s’additionne une contrainte sur les mots, les lettres centrales des mots (de nombre de lettres impair) formant le chapitre 8’, donnant allégoriquement la clé de lecture énoncée plus haut. Il y a 225 phrases dans ce chapitre 8, ce qui n’est pas un hasard : 225 est le carré de 15, et le roman compte 15 chapitres de 15 pages chacun, la phrase centrale de chaque chapitre ayant par ailleurs un rôle particulier. Il y a 4102 mots dans ces 225 phrases, ce qui est apparemment sans grande importance, mais la frénésie de recherche centrale amène à constater que les 2 mots centraux de ce chapitre sont, aux rangs 2051 et 2052, « certes n’ », s’anagrammatisant en « centres » ou mieux en « centres’ ». L’apostrophe peut en effet faire sens, Lahougue appelant ses textes codés toujours à partir de centres des « textes’ », et au centre même de ce chapitre, au centre du roman, les héros passent dans un monde virtuel, explicitement un « monde-prime », auquel il ne pourront échapper qu’en appliquant la règle des centres au récit de leur aventure.
Lahougue s’est déclaré ébahi par ces « centres’ ». Nul n’est obligé d’accepter sans réticence son affirmation de n’avoir pas prévu ce jeu, mais une autre coïncidence relative à ce chapitre 8 est évidemment totalement involontaire, liée à une erreur typographique.
Lahougue donne en clair le chapitre 8’ dans les Clés du Domaine, formé par les 801 lettres centrales des 801 mots à nombre de lettres impair du chapitre 8, mais une erreur a fait sauter la 464e lettre de ce texte, le s final de sources d’angoisses. Cette lettre est assez loin d’être centrale dans ce texte (de 163 mots dont angoisses est le 98e), mais cette omission en révèle un au moins double rôle central.
La règle des lettres centrales s’applique aussi à ce chapitre 8’, pour donner un chapitre 8’’, soit le distique :
Frappe à la ténébreuse entrée de ce jardin,
Le centre renaîtra de ce monde sécable.
Toute erreur a ici un effet immédiat, et l’omission d’une lettre au mot angoisses le rend pair et fait donc perdre son i central, correspondant au i de jardin, 34e des 67 lettres du distique, sa lettre centrale (dans le 8e mot central, mais le nombre de mots du distique, 15, est sciemment choisi).

En amont, la lettre omise vient du mot presque dans la 118e phrase. Le mot angoisse, en oubliant le s final, se trouve ainsi codé pour ses 4 premières lettres « ango » dans la 116e phrase, dernière du 41e paragraphe, et pour ses 4 dernières lettres « isse » dans la 117e phrase, première du 42e paragraphe (parmi 74). Lahougue a choisi d’utiliser aussi les paragraphes dont les majuscules initiales, décalées au milieu de la ligne, forment un nouveau texte, une réécriture d’un passage central de L’Invention de Morel de Bioy Casares. La logique centrale l’a poussé à faire débuter ce texte dans le paragraphe suivant celui où figure la phrase centrale du chapitre 8, aussi la dernière lettre de ce texte est-elle dans le paragraphe où sont codées les 4 premières lettres du mot angoisse,  tandis que sa première lettre appartient au paragraphe où sont codées les 4 dernières lettres du mot angoisse. La phrase ouvrant ce paragraphe, où sont codées ces lettres « isse », fait subtilement allusion à cette inversion : La première distance franchie, nous devions du reste pénétrer la broussaille en sens inverse.
Lahougue a choisi le nombre total de phrases des 15 chapitres du roman, en y incluant le roman’, 2775[1], soit 15 fois 185 (8 au centre de 15). Un calcul analogue pour le chapitre 8 ferait ajouter à ses 225 phrases les 7 du chapitre 8’, donnant un total de 232 phrases. Les phrases 116 et 117, où sont codées les 4 premières et 4 dernières lettres d’angoisse, seraient au centre exact de ces 232 phrases. Ainsi ce mot angoisse(s), bien que 97e parmi les 163 du chapitre 8’, a donc bien un rôle central immédiat en amont (le chapitre 8 seul ou additionné du chapitre 8’) comme en aval (le chapitre 8’’), l’erreur de composition sur la 464e lettre (2 fois 232) n’étant que le révélateur de cette réelle curiosité qui aurait eu bien peu de chances d’être découverte sans cette omission[2]. Ainsi les décalages entre les différents centres du chapitre 8 (selon les comptes de mots, phrases, paragraphes) ont conduit à cet excentrique angoisse(s) du chapitre 8’, mais l’importante différence de proportion de mots impairs (selon les comptes de lettres) entre le début et la fin de ce texte permet de recentrer ce mot : avant angoisse(s) il y a 33 mots impairs sur 97 (donc 64 mots pairs), après lui 33 sur 65 (donc 32 mots pairs, moitié de 64).

Voilà donc les coïncidences arithmétiques immédiates que quiconque peut découvrir dans ce chapitre 8 avec un peu de peine. Il en est d’autres moins accessibles. Ainsi les 801 lettres du chapitre 8’ se répartissent en 1 lettre omise et 800 lettres bien présentes. Ces nombres 1 et 800 correspondent aux valeurs numériques des lettres alpha et oméga dans l’alphabet numéral grec, les première et dernière lettres de cet alphabet. Je rappelle que les 8 lettres du mot angoisse (sans s) se partagent exactement dans le chapitre 8 entre les paragraphes 41 et 42 dont les initiales sont les dernière et première lettres d’un texte codé selon ces lettrines. En oubliant les autres mots impairs du paragraphe 41, ces 2 lettrines encadrent les 4 lettres ANGO, dont les première et dernière lettres AO transcrivent alpha et oméga dans notre alphabet.
Ce chapitre 8’ apparaît en clair précédemment dans le roman, bien que le lecteur n’en partage que son début. Ce serait le chapitre central du roman La Pyramide analogue, dont le style et le support particuliers alertent le professeur Noé, selon une scène paraphrasant le roman de Verne où est découvert un cryptogramme dans un manuscrit runique. Noé penché sur ce texte énigmatique décrète que l’essentiel en est la forme, « l’oméga selon l’antienne de nos vieux littérateurs ». Il est sous-entendu que le fond ne serait que l’alpha, et il est ahurissant de constater que ces alpha et oméga s’appliquent à un texte d’en principe 801 lettres, dont le lecteur lambda ne connaît a priori que les 800 (oméga) lettres publiées dans Clés du Domaine, 1 (alpha) lettre ayant été omise.
L’alpha et l’oméga sont selon l’Apocalypse d’un autre Jean un symbole christique, et l’exégèse patristique[3] a utilisé le procédé d’isopséphie, d’égalité des sommes numériques des lettres des mots grecs, pour avancer que la colombe présente lors du baptême de Jésus représentait ce même symbole, la colombe en grec, peristera, ayant même valeur 801 que les lettres alpha-omega. Une autre colombe est revenue sauver Noé du Déluge en lui indiquant le chemin de la terre ferme, et ce n’est qu’une première curiosité de trouver un autre Noé associé à un autre 801 ; en effet apparaît dans le chapitre 8 central du Domaine d’Ana un nouveau personnage, essentiel puisqu’il indiquera à Noé et à son neveu Alex le chemin pour regagner le monde réel, un chien qu’Alex baptisera au chapitre suivant Jonas. Or Jonas est la forme grecque de l’hébreu Yonah, ce nom du prophète étant aussi un nom commun signifiant « colombe », le mot même qui apparaît dans le récit du Déluge. Lahougue déclare avoir ignoré ce sens, comme toutes les autres subtilités concernant le grec et l’hébreu, et avoir choisi ce nom pour diverses raisons (ressemblances avec Jean, Hans le guide du Voyage vernien, Janus[4]…), pourtant ce rôle de la colombe de Noé est clairement assumé, et la dernière phrase du roman est : Alors, sur les brisées du bon Jonas, nous serons enfin libres de poursuivre nos aventures. Ces aventures se poursuivent dans le roman’ où Jonas, disparu pour nous sauver, revient effectivement auprès de Noé et d’Alex pour leur indiquer la voie salvatrice.
Le Noé du Biblion grec est sauvé par une colombe 801, le Noé du livre lahouguien est sauvé par les 801 lettres du chapitre 8’ et par le chien Colombe, et je ne résiste pas à une évocation à peu près historique. Saint Colomba, l’évangélisateur de l’Irlande, a failli périr dans une tempête qui a coulé le navire qui l’emportait vers l’Irlande, et n’a dû sa survie qu’à une île surgie presque miraculeusement au milieu des flots furieux, l’île Iona (absolument, même si ce n’était pas en l’an 801), dont il a fait ensuite le centre de ses activités.

Si un personnage biblique se nomme Jonas ou Yonah, « colombe », un autre s’appelle « chien », Caleb, le grand artisan avec Josué[5] de la conquête de la Terre promise, du retour en Canaan, et dans le dernier chapitre du Domaine d’Ana le clebs Jonas indique une issue vers la terre promise. L’exégèse juive lit Caleb Ca-leb, « comme le cœur », le cœur étant une autre figure du centre chez Lahougue ; ainsi la phrase des angoisse(s) s’achève sur se marcher dans le coeur…, avec ce début de centre au niveau suivant.

Si la signification du prénom Jonas n’est pas un secret d’Etat, d’autres aspects de la culture juive sont nettement plus confidentiels, en tous cas fort éloignés des préoccupations de Lahougue. C’est ainsi une formidable coïncidence qui a pu lui donner l’idée de bâtir un récit sur les centres, et plus particulièrement les centres des mots, à partir du Voyage au centre de la terre, et plus particulièrement de son chapitre central. Ce chapitre montre les héros assoiffés sauvés par la découverte d’eau dans la paroi rocheuse, que leur guide Hans fait jaillir généreusement à coups de pic. Le ruisseau accompagnera désormais les explorateurs dans leur descente, et Axel le baptise Hans-Bach. Ce chapitre central offre un remarquable parallélisme avec la fin du récit, où c’est une poche d’eau portée par une colonne de lave ascendante qui ramène les explorateurs des profondeurs à la surface, et Lahougue exploite ces ressemblances dans sa réécriture du texte.
Il est probable que cette source miraculeuse fasse allusion à l’épisode biblique des eaux de Mériba, où les Hébreux meurent de soif dans le désert, où Moïse fait jaillir l’eau du roc en le frappant de son bâton. Une exégèse très particulière, dont je ne connais pas d’autre exemple, utilise à ce propos les lettres centrales. Ce roc est en hébreu translittéré SLO, composé de 3 lettres de noms SMK, LMD, et OYN. Un rabbin a remarqué que les lettres centrales MMY de ces mots  pouvaient se lire MYM, « eau », eau qui selon le langage serait donc bien présente au cœur du roc[6]. 
Il n’est pas impossible que Verne, au moins proche de la franc-maçonnerie où la kabbale est généralement appréciée[7], ait connu cette exégèse, toutefois il relève du hasard que ce jaillissement d’eau du roc intervienne au chapitre central du Voyage, ce chapitre 23 n’étant devenu central que dans une seconde version augmentée des chapitres 38-39. Mais Verne a pu ailleurs montrer un souci de construction autour du centre, ainsi dans Mathias Sandorf inspiré du Comte de Monte-Cristo. Ce roman est construit en 5 parties de 9-8-7-6-5 chapitres, ce qui n’apparaît guère fortuit, d’autant que le chapitre central de ces 35 est celui qui ouvre la 3e partie, et qu’il s’intitule Méditerranée ! (milieu des terres). Il y a d’autres indices d’une construction peut-être très sophistiquée, ce qui sort du cadre de cette étude, mais ce « milieu des terres » ne serait pas la seule allusion au Voyage, le roman débutant aussi par un cryptogramme dont l’aspect est proche de celui du Voyage ; si la résolution en est différente, le premier décodage des messages les fait apparaître dans les deux cas à l’envers (un ‘enver’ signature probable du subtil Verne).

Revenons à l’hébreu révélant une autre coïncidence remarquable dans le choix du nom des principaux personnages. C’est le déluge du chapitre central du Voyage qui est essentiellement à l’origine du choix de Noé. Sa femme s’est d’abord appelée Anna, palindrome tout à fait satisfaisant selon le principe de réversibilité du récit, voyage aller-retour du début au milieu de l’alphabet. A ce premier stade dans la conception du roman une nommée Ana Roman a pris contact avec Lahougue, étudiante espagnole préparant une thèse sur son œuvre[8]. Cette forme encore plus satisfaisante s’est imposée. Jean, Anne, Hans, Ana, dérivent tous de la racine hébraïque HN, « grâce », or Noé s’écrit précisément en hébreu par l’inversion de ces lettres, NH, et ce jeu dit anacyclique est magnifié par le verset Genèse 6,8, largement commenté : « Et Noé (NH) trouva grâce (HN) aux yeux de Yahvé ». Or ces jeux anacycliques sont présents par ailleurs dans ce roman de la réversibilité, avec la référence au Mont Analogue de Daumal, où c’est un professeur Sogol qui part à la recherche de l’ombilic du monde, avec une allusion au jeu latin ROMA-AMOR, avec surtout le chien qui va permettre aux héros de déjouer la machination de Théo, le frère mort de Noé qui l’a attiré dans ce monde virtuel. Il s’agit du jeu anglais bien connu god-dog, « dieu-chien », que Lahougue avoue avoir eu en tête, mais il ne m’a pas confirmé une autre de mes supputations, le dédoublement de l’OTTO initial vernien en deux frères ennemis dont l’un est Théo (TO), ôté du monde réel dès le début du roman mais toujours présent par-delà la mort dans le monde virtuel où il a piégé son frère. C’est en pénétrant sa tombe-prime dans le monde-prime à la suite de Jonas que Noé et Alex parviennent dans l’épilogue à regagner le monde réel.
Verne pourrait avoir réalisé lui-même ce dédoublement dans ses 500 millions de la Bégum[9], où Marcel courtise la sœur du professeur Octave Sarrasin tout comme Axel courtise la fille du professeur Otto Lidenbrock, mais cet Octave-là a un diabolique cousin outre-Rhin, l’affreux Herr Doktor Schultze acharné à anéantir les efforts humanitaires d’Octave. Lahougue ne semble pas non plus avoir été conscient du possible rapport entre Otto (ou Octave) et son indispensable chapitre 8.
Lahougue remarque que ses 15 chapitres sont 5 x 3, que 5 + 3 = 8, et ces nombres gouvernent ses contraintes, notamment les 15 contraintes graphiques des 15 illustrations composées chacune de 3 fois 5 carrés. Il n’était pas conscient que ce format 3 par 5 est celui de l’arche de Noé, haute de 30 coudées, large de 50, longue de 300. Il ignorait que le mot arche, teva, signifie aussi « mot » en hébreu, et que l’exégèse voit ses dimensions tissées par les lettres du nom de Dieu YHWH, les lettres YHW de valeurs 10, 5, et 6 (30 = 5x6 ; 50 = 10x5 ; 300 = 10x5x6).
J’ai vu plus tard en relisant Voyage au centre de la Terre que le cryptogramme découvert par Otto Lidenbrok était porté par « un morceau de parchemin long de cinq  pouces, large de trois » !

Le « centre du jardin » dont il est constamment question rappelle fortement l’Eden, et notamment le verset 2,9 : « … l’arbre de vie (était) au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal ». « L’arbre de vie » a en hébreu pour valeur numérique 233, tandis que « l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal » a pour valeur 932, 4 fois 233. Cette propriété[10] est remarquable, par exemple dans le contexte du jardin d’Eden d’où sort un fleuve se divisant en 4 bras, mais le nombre 233 peut apparaître aussi lié au chapitre 8 central, avec d’étonnantes résonances.
L’erreur sur le mot angoisse(s) conduit à amputer d’un I, le chiffre romain « 1 », le mot central du distique, JARDIN ; cette angoisse singulière est codée dans les phrases 116 et 117 du chapitre 8, avec 116 + 117 = 233. Par ailleurs le chapitre 8 compte avec ses deux textes codés en son sein, 8’ et 8’’ (le distique), 225 + 7 + 1 = 233 phrases ; la lettre centrale du distique (phrase 233) est le I de jardin, codé dans la phrase 117 centrale parmi les 233 phrases.

L’erreur sur le mot angoisses amène une autre curiosité dans la comparaison des épisodes parallèles de la résolution du cryptogramme chez Verne et Lahougue. Chez Verne c’est la découverte du nom du codeur, l’alchimiste Arne Saknussemm, qui incite Otto et Axel à décrypter le message. Chez Lahougue le décodage du chapitre central de La Pyramide analogue mènent Noé et Alex au distique, puis l’application de la règle des lettres centrales à ce distique mène au nom Ana, femme de Noé et sœur d’Alex. Il n’est pas indiqué qu’une nouvelle application de la règle mènerait à la lettre n, cet ultime concentré étant précisément le signe même qui a mené vers la solution, ce signe déchiffré sur une statue de Vénus, dont c’est la lettre centrale. Concentré pourrait s’écrire ici en deux mots, le centre du domaine d’Ana où vont se perdre les héros correspondant assez explicitement au ténébreux mystère de la féminité, Lahougue ayant par ailleurs cru déceler dans le texte vernien des allusions orgasmiques, et l’illustration du roman’, composée des 15 illustrations en 15 carrés des 15 chapitres, a l’apparence d’un sexe féminin, reprise en anamorphose dans le carré central de ces 225, le carré central de l’illustration du chapitre 8[11].
Toujours est-il que l’erreur sur angoisse conduit au distique
Frappe à la ténébreuse entrée de ce jardn,
Le centre renaîtra de ce monde sécable
qui conduit lui-même aux lettres ARNA, à une lettre près Arne. Or Le domaine d’Ana livre le décodage ADN, ce qui est voulu par Lahougue, et la structure spiralée de l’ADN fait partie de son jeu de contraintes. La curiosité vient de ces message(r)s Arne et Arna, le fonctionnement de l’ADN impliquant sa transcription en un ARN messager (RNA en anglais) ; c’est l’une des grandes découvertes de la biochimie, due essentiellement à Jacques Monod, et son dogme du sens unique de la transcription ADN>ARN a été plus tard renversé par la découverte de la transcriptase inverse réalisant l’opération ARN>ADN. Dans le cas de Verne souvent qualifié de prémonitoire il est amusant de trouver ce messager prénommé Arne. Si c’est une erreur qui amène le message de Lahougue à la lecture Arna, le nom du messager est Théo, le frère de Noé qui l’a attiré dans ce piège diabolique ; or les positions très tranchées de Monod ont amené ses collègues à parler de Monod-théisme.
Le Roman’ donné dans Clés du domaine contient une autre erreur : des odeurs de mousses sont devenues de mousse, de même que les angoisses du chapitre 8’ sont passées au singulier, et de l’impair au pair. Ceci aurait évidemment des conséquences pour les textes décodés en aval, le roman’’ où le mot "chevaleresque" devient "chevalereque", et le roman’’’ devenant le vers éclopé
Le centre a reparu d ce monde pliable
donnant à son tour le décodage final ADNA, l’exact pendant de l’ARNA issu du décodage final du chapitre 8’ fautif (l’ADN est de même en anglais DNA).

Lahougue explicite dans ses Clés sa vision de la lettre n, centrale dans Ana, dont certaines graphies lui évoquent le sexe féminin, l’origine du monde. Ana signifie « mère » en turc.

Un téléfilm de George Miller a récemment réadapté Voyage au centre de la terre, diffusé le 15 décembre 2000 sur M6. L’Islande est devenue Australie, les noms ont été américanisés, Lidenbrock est devenu Lytton, mais bien plus extraordinairement les voyageurs Otto et Axel sont devenus Theo(dore) et Jonas, les noms mêmes des personnages annexes imaginés par Lahougue, le frère Théo d’Otto-Noé et le chien Jonas d’Axel-Alex !
Ce Miller serait-il le réalisateur de Mad One Max ?

Le 25/4/00, révisé le 1/3/03                                R. Schulz

Note du 29/02/08 : Je viens de lire L’Ile des Veilleurs – Contre-enquête sur le mystère du Verdon (éd. Arqa, 2007), où les auteurs Amoros-Buadès-Garnier m’ont appris l’existence d’un roman qui est peut-être le premier pastiche (ou plagiat) important du Voyage au centre de la terre de Verne (1864) : dans La Race à venir (1870), Edward Bulwer Lytton imaginait la découverte de la civilisation souterraine des Ana… Il y a quelque chance que le nom Lytton du téléfilm de Miller vienne de Lord Lytton, d’autant que la population infraterrestre y joue un rôle bien plus important que dans le roman de Verne, mais ceci ne peut que renforcer les coïncidences avec le roman de Lahougue (qui ne connaissait pas Lytton) puisque donnant à entendre que les habitants du monde souterrain sont les Ana de Lytton. A remarquer que dans le téléfilm Jonas y tombe amoureux d’une de ces créatures, nommée Ralna.
Lytton indique que Ana, pluriel de An, se prononce arna (un nom obtenu plus haut dans les décodages de Lahougue, et qui pouvait être chez Lytton un hommage discret à Verne, et à son Arne Saknussemm, pionnier de l’exploration souterraine, bien qu’il soit plus probable qu’il s’agisse d’une allusion aux Aryans, cette race à venir étant explicitement aryenne, d’où une exploitation ultérieure du roman par les Nazis, bien au-delà de ce qu’y avait mis l’auteur). La première édition de Voyage au centre de la terre ne contient pas les chapitres 38-39 de l’édition suivante, en 1866 (toujours avant The Coming Race), les seuls passages où il est question des intraterrestres, que les héros se gardent bien d’approcher. Le professeur Lidenbrock déduit de leurs ossements qu’ils sont apparentés à la race blanche, « la nôtre ! », « répandue depuis les Indes jusqu’aux limites de l’Europe occidentale. » (autrement dit les Aryens.)
Si Ana désigne cette race en tant que collectif, le nom ne s’applique en particulier qu’à ses mâles, les nanas étant des gyei (masculin gy).
Dès la présentation de la race des Ana, Lytton indique qu’elle est bien antérieure au Déluge de Noé, selon la chronologie de Newton.
On peut télécharger ici le roman de Lytton (en anglais).
En fait ce George Miller est un homonyme US du réalisateur de Mad Max. Son téléfilm a été diffusé le 14 septembre 1999, en conséquence il est plus que probable que le script était achevé bien avant la parution du Domaine d’Ana en octobre 98, ce qui rend très accessoire de se demander si l’un des scénaristes était un lecteur assidu de Lahougue.

Ma visite au clos Ana...

Je profite de cet ajout pour signaler une autre curiosité, dans Dreamericana, roman de SF de 2002 dû à Fabrice Colin, lequel m’a certifié n’avoir jamais entendu parler de Lahougue, et surtout du Domaine d’Ana.
Or il y a une Ana dans son livre, et un Domaine, avec un D majuscule, nom d’un lieu plus ou moins virtuel où les dimensions d’espace et de temps sont inversées, où l’on accède en composant mentalement un code binaire de cent chiffres au cours d’un rapport orgasmique… La première personne accédant au Domaine dans le roman est Ana…
Lahougue ne cache pas dans les Clés du Domaine (et surtout dans les Clés des Clés) les implications érotiques de son œuvre, et notamment la lecture qui semble s’imposer du chapitre central du Voyage de Verne, réécrit pour donner le roman’ permettant aux héros de Lahougue d’échapper au Domaine d’Ana : une agitation frénétique et impatiente menant au jaillissement d’un flot brûlant, suivi des appréciations « Quelle jouissance ! Quelle incomparable volupté ! »
Le centenaire de la mort de Verne en 2005 a donné lieu à de multiples publications, dont celle de Voyage au centre de la terre-mère, du psy nantais Michel Sanchez-Cardenas, qui n’a pas manqué d’exploiter aussi ce passage. Hélas l’analyste, qui privilégie une interprétation anale, ne connaît pas Le Domaine d’Ana.
 


[1] Une erreur (qui lui est cette fois imputable et qu’il reconnaît) lui fait intégrer à ce calcul non détaillé dans ses Clés du Domaine les 5 phrases du roman’’. L’ajout du chapitre 8’’, le distique en une seule phrase, conduirait à 233 phrases, au centre desquelles seraient les phrases 116-117-118 où est codé angoisses.
[2] Il est assez amusant que le dossier accompagnant les Clés du Domaine montre Lahougue soucieux de voir son livre confié à des clavistes françaises menacées de chômage plutôt qu’à des étrangères sous-payées. Une étrangère n’aurait peut-être pas commis cette faute, que l’auteur assigné à relecture des épreuves doit de toute manière assumer.
[3] Selon Theophane Kérameus, rapporté par G. Ifrah dans Histoire universelle des Chiffres.
[4] L’influence de Verne sur Villiers de L’Isle-Adam est connue. Son Axël contient un cryptogramme, et Axël a pour maître Janus.
[5] Josué est une autre forme du nom Jésus, « sauveur », lui-même lié à Jonas par le « signe de Jonas », sa résurrection le 3e jour comme Jonas est sorti de la baleine le 3e jour.
[6] Rapportée par exemple par Josy Eisenberg, L’étoile de Jacob, Paris, 1989.
[7] Il y a dans son œuvre des allusions immédiates aux Maçons, et probablement bien d’autres plus cachées, ainsi je m’interroge sur un détail du voyage solsticial (St Jean) où Otto, Axel et Hans franchissent 2 rivières poissonneuses (la pêche de Jean ?), l’Alfa et l’Heta. Ce sont très clairement les lettres Alpha et Eta, ou leurs équivalents hébreux Aleph et Het formant le mot AH, « frère », très maçonnique, ou initiales d’Axel et Hans. Ce sont encore les chiffres 1 et 8 qui peuvent évoquer Alpha et Oméga (1 et 800, quels échos avec le chapitre 8’), ou le symbole maçonnique du cube représenté par ses 8 sommets et son centre (une double pyramide…). Et que penser d’Otto (8 en Italie où s’achève l’aventure) débutant par un O majuscule (méga) ; Otto suit les traces d’Arne Saknussemm jalonnées des initiales AS (l’un des dés, des cartes…).
[8] Et celle de Perec, consultable à l’Association Georges Perec.
[9] Ce roman est une adaptation d’un manuscrit d’André Laurie qu’il faudrait bien entendu éplucher pour repérer les réels apports verniens.
[10] Non commentée par l’exégèse traditionnelle, qui a néanmoins vu les 2 arbres correspondre à l’Un et au Multiple. Friedrich Weinreb l’a remarquée plus récemment, et voit notamment ce facteur 233 équivaloir à regel, « jambe », d’où les arbres correspondraient à l’animalité (quadrupède) et à l’humanité (?). Dans cette voie il est amusant que la valeur de kaleb, « chien », 52, soit 4 fois celle de ehad, « Un », 13, 2 fois celle du nom de Dieu YHWH, 26. Et le jeu 1-4 ne s’arrête pas là, chez Weinreb comme dans mes propres recherches bibliques.
[11] En restant un-con-venant, je remarque que la lettre centrale du chapitre 8 est le C de compassion : con-passion demanderait os (et os est en latin « bouche » (d’ombre)). La lettre centrale du chapitre 8’ est aussi un C, le C central d’obscurs qui donne au niveau suivant la ténébreuse entrée de ce jardin… La lettre ultime issue des décodages selon les lettres centrales est un N, le chapitre 8’’’’... Et le concentré graphique du roman, le carré central de l’illustration 8, est en forme voulue de O, le centre du CON, du mot comme de la chose entre toutes. Et Lahougue s’est représenté lui-même dans cette illustration, dans le reflet des lunettes d’onc’Noé... Avec ce O, les 4 lettres centrales CINN des chapitres 8’ à 8’’’’ donneraient un royal CONIN propre à satisfaire le clébard le plus exigeant.