dimanche 30 juillet 2017

VOYAGE AU CENTRE DE LAHOUGUE



Lahougue est une étrange usine
De retraitement des déchus,
Les vieillis tomes décrochus
N’ont plus espoir qu’en sa gésine.

Après La Doublure de Magrite, dont le dernier chapitre était le premier chapitre de La Première enquête de Maigret de Simenon, Jean Lahougue a tenté une autre gageure en achevant Le Domaine d’Ana par une réécriture du chapitre central du Voyage au centre de la terre de Verne.
En fait cet épilogue n’apparaît pas explicitement et « doit » être décodé au moyen d’une clé elle-même codée dans le récit : il faut à partir de la fin du livre compter les nombres de mots de chaque phrase et reconstituer ce chapitre final formé des mots centraux des phrases impaires… Les lecteurs prêts à un tel pensum seraient rares, aussi Lahougue fournit-il dans Clés du Domaine, publié parallèlement, les 38 contraintes qui ont réglé la composition de son œuvre, ainsi que les textes codés en clair.
Le lecteur exigeant peut néanmoins vérifier l’application de ces contraintes objectives dans le texte, découvrant ainsi quelques facéties de Lahougue non signalées, mais aussi d’autres curiosités qui, renseignements pris auprès de l’auteur, ne relèvent d’aucune intentionnalité de sa part.

J’ai ainsi étudié essentiellement le chapitre central du Domaine d’Ana, parce que c’est ce chapitre 8 qui est le plus contraint du roman, où aux contraintes sur les paragraphes et les phrases s’additionne une contrainte sur les mots, les lettres centrales des mots (de nombre de lettres impair) formant le chapitre 8’, donnant allégoriquement la clé de lecture énoncée plus haut. Il y a 225 phrases dans ce chapitre 8, ce qui n’est pas un hasard : 225 est le carré de 15, et le roman compte 15 chapitres de 15 pages chacun, la phrase centrale de chaque chapitre ayant par ailleurs un rôle particulier. Il y a 4102 mots dans ces 225 phrases, ce qui est apparemment sans grande importance, mais la frénésie de recherche centrale amène à constater que les 2 mots centraux de ce chapitre sont, aux rangs 2051 et 2052, « certes n’ », s’anagrammatisant en « centres » ou mieux en « centres’ ». L’apostrophe peut en effet faire sens, Lahougue appelant ses textes codés toujours à partir de centres des « textes’ », et au centre même de ce chapitre, au centre du roman, les héros passent dans un monde virtuel, explicitement un « monde-prime », auquel il ne pourront échapper qu’en appliquant la règle des centres au récit de leur aventure.
Lahougue s’est déclaré ébahi par ces « centres’ ». Nul n’est obligé d’accepter sans réticence son affirmation de n’avoir pas prévu ce jeu, mais une autre coïncidence relative à ce chapitre 8 est évidemment totalement involontaire, liée à une erreur typographique.
Lahougue donne en clair le chapitre 8’ dans les Clés du Domaine, formé par les 801 lettres centrales des 801 mots à nombre de lettres impair du chapitre 8, mais une erreur a fait sauter la 464e lettre de ce texte, le s final de sources d’angoisses. Cette lettre est assez loin d’être centrale dans ce texte (de 163 mots dont angoisses est le 98e), mais cette omission en révèle un au moins double rôle central.
La règle des lettres centrales s’applique aussi à ce chapitre 8’, pour donner un chapitre 8’’, soit le distique :
Frappe à la ténébreuse entrée de ce jardin,
Le centre renaîtra de ce monde sécable.
Toute erreur a ici un effet immédiat, et l’omission d’une lettre au mot angoisses le rend pair et fait donc perdre son i central, correspondant au i de jardin, 34e des 67 lettres du distique, sa lettre centrale (dans le 8e mot central, mais le nombre de mots du distique, 15, est sciemment choisi).

En amont, la lettre omise vient du mot presque dans la 118e phrase. Le mot angoisse, en oubliant le s final, se trouve ainsi codé pour ses 4 premières lettres « ango » dans la 116e phrase, dernière du 41e paragraphe, et pour ses 4 dernières lettres « isse » dans la 117e phrase, première du 42e paragraphe (parmi 74). Lahougue a choisi d’utiliser aussi les paragraphes dont les majuscules initiales, décalées au milieu de la ligne, forment un nouveau texte, une réécriture d’un passage central de L’Invention de Morel de Bioy Casares. La logique centrale l’a poussé à faire débuter ce texte dans le paragraphe suivant celui où figure la phrase centrale du chapitre 8, aussi la dernière lettre de ce texte est-elle dans le paragraphe où sont codées les 4 premières lettres du mot angoisse,  tandis que sa première lettre appartient au paragraphe où sont codées les 4 dernières lettres du mot angoisse. La phrase ouvrant ce paragraphe, où sont codées ces lettres « isse », fait subtilement allusion à cette inversion : La première distance franchie, nous devions du reste pénétrer la broussaille en sens inverse.
Lahougue a choisi le nombre total de phrases des 15 chapitres du roman, en y incluant le roman’, 2775[1], soit 15 fois 185 (8 au centre de 15). Un calcul analogue pour le chapitre 8 ferait ajouter à ses 225 phrases les 7 du chapitre 8’, donnant un total de 232 phrases. Les phrases 116 et 117, où sont codées les 4 premières et 4 dernières lettres d’angoisse, seraient au centre exact de ces 232 phrases. Ainsi ce mot angoisse(s), bien que 97e parmi les 163 du chapitre 8’, a donc bien un rôle central immédiat en amont (le chapitre 8 seul ou additionné du chapitre 8’) comme en aval (le chapitre 8’’), l’erreur de composition sur la 464e lettre (2 fois 232) n’étant que le révélateur de cette réelle curiosité qui aurait eu bien peu de chances d’être découverte sans cette omission[2]. Ainsi les décalages entre les différents centres du chapitre 8 (selon les comptes de mots, phrases, paragraphes) ont conduit à cet excentrique angoisse(s) du chapitre 8’, mais l’importante différence de proportion de mots impairs (selon les comptes de lettres) entre le début et la fin de ce texte permet de recentrer ce mot : avant angoisse(s) il y a 33 mots impairs sur 97 (donc 64 mots pairs), après lui 33 sur 65 (donc 32 mots pairs, moitié de 64).

Voilà donc les coïncidences arithmétiques immédiates que quiconque peut découvrir dans ce chapitre 8 avec un peu de peine. Il en est d’autres moins accessibles. Ainsi les 801 lettres du chapitre 8’ se répartissent en 1 lettre omise et 800 lettres bien présentes. Ces nombres 1 et 800 correspondent aux valeurs numériques des lettres alpha et oméga dans l’alphabet numéral grec, les première et dernière lettres de cet alphabet. Je rappelle que les 8 lettres du mot angoisse (sans s) se partagent exactement dans le chapitre 8 entre les paragraphes 41 et 42 dont les initiales sont les dernière et première lettres d’un texte codé selon ces lettrines. En oubliant les autres mots impairs du paragraphe 41, ces 2 lettrines encadrent les 4 lettres ANGO, dont les première et dernière lettres AO transcrivent alpha et oméga dans notre alphabet.
Ce chapitre 8’ apparaît en clair précédemment dans le roman, bien que le lecteur n’en partage que son début. Ce serait le chapitre central du roman La Pyramide analogue, dont le style et le support particuliers alertent le professeur Noé, selon une scène paraphrasant le roman de Verne où est découvert un cryptogramme dans un manuscrit runique. Noé penché sur ce texte énigmatique décrète que l’essentiel en est la forme, « l’oméga selon l’antienne de nos vieux littérateurs ». Il est sous-entendu que le fond ne serait que l’alpha, et il est ahurissant de constater que ces alpha et oméga s’appliquent à un texte d’en principe 801 lettres, dont le lecteur lambda ne connaît a priori que les 800 (oméga) lettres publiées dans Clés du Domaine, 1 (alpha) lettre ayant été omise.
L’alpha et l’oméga sont selon l’Apocalypse d’un autre Jean un symbole christique, et l’exégèse patristique[3] a utilisé le procédé d’isopséphie, d’égalité des sommes numériques des lettres des mots grecs, pour avancer que la colombe présente lors du baptême de Jésus représentait ce même symbole, la colombe en grec, peristera, ayant même valeur 801 que les lettres alpha-omega. Une autre colombe est revenue sauver Noé du Déluge en lui indiquant le chemin de la terre ferme, et ce n’est qu’une première curiosité de trouver un autre Noé associé à un autre 801 ; en effet apparaît dans le chapitre 8 central du Domaine d’Ana un nouveau personnage, essentiel puisqu’il indiquera à Noé et à son neveu Alex le chemin pour regagner le monde réel, un chien qu’Alex baptisera au chapitre suivant Jonas. Or Jonas est la forme grecque de l’hébreu Yonah, ce nom du prophète étant aussi un nom commun signifiant « colombe », le mot même qui apparaît dans le récit du Déluge. Lahougue déclare avoir ignoré ce sens, comme toutes les autres subtilités concernant le grec et l’hébreu, et avoir choisi ce nom pour diverses raisons (ressemblances avec Jean, Hans le guide du Voyage vernien, Janus[4]…), pourtant ce rôle de la colombe de Noé est clairement assumé, et la dernière phrase du roman est : Alors, sur les brisées du bon Jonas, nous serons enfin libres de poursuivre nos aventures. Ces aventures se poursuivent dans le roman’ où Jonas, disparu pour nous sauver, revient effectivement auprès de Noé et d’Alex pour leur indiquer la voie salvatrice.
Le Noé du Biblion grec est sauvé par une colombe 801, le Noé du livre lahouguien est sauvé par les 801 lettres du chapitre 8’ et par le chien Colombe, et je ne résiste pas à une évocation à peu près historique. Saint Colomba, l’évangélisateur de l’Irlande, a failli périr dans une tempête qui a coulé le navire qui l’emportait vers l’Irlande, et n’a dû sa survie qu’à une île surgie presque miraculeusement au milieu des flots furieux, l’île Iona (absolument, même si ce n’était pas en l’an 801), dont il a fait ensuite le centre de ses activités.

Si un personnage biblique se nomme Jonas ou Yonah, « colombe », un autre s’appelle « chien », Caleb, le grand artisan avec Josué[5] de la conquête de la Terre promise, du retour en Canaan, et dans le dernier chapitre du Domaine d’Ana le clebs Jonas indique une issue vers la terre promise. L’exégèse juive lit Caleb Ca-leb, « comme le cœur », le cœur étant une autre figure du centre chez Lahougue ; ainsi la phrase des angoisse(s) s’achève sur se marcher dans le coeur…, avec ce début de centre au niveau suivant.

Si la signification du prénom Jonas n’est pas un secret d’Etat, d’autres aspects de la culture juive sont nettement plus confidentiels, en tous cas fort éloignés des préoccupations de Lahougue. C’est ainsi une formidable coïncidence qui a pu lui donner l’idée de bâtir un récit sur les centres, et plus particulièrement les centres des mots, à partir du Voyage au centre de la terre, et plus particulièrement de son chapitre central. Ce chapitre montre les héros assoiffés sauvés par la découverte d’eau dans la paroi rocheuse, que leur guide Hans fait jaillir généreusement à coups de pic. Le ruisseau accompagnera désormais les explorateurs dans leur descente, et Axel le baptise Hans-Bach. Ce chapitre central offre un remarquable parallélisme avec la fin du récit, où c’est une poche d’eau portée par une colonne de lave ascendante qui ramène les explorateurs des profondeurs à la surface, et Lahougue exploite ces ressemblances dans sa réécriture du texte.
Il est probable que cette source miraculeuse fasse allusion à l’épisode biblique des eaux de Mériba, où les Hébreux meurent de soif dans le désert, où Moïse fait jaillir l’eau du roc en le frappant de son bâton. Une exégèse très particulière, dont je ne connais pas d’autre exemple, utilise à ce propos les lettres centrales. Ce roc est en hébreu translittéré SLO, composé de 3 lettres de noms SMK, LMD, et OYN. Un rabbin a remarqué que les lettres centrales MMY de ces mots  pouvaient se lire MYM, « eau », eau qui selon le langage serait donc bien présente au cœur du roc[6]. 
Il n’est pas impossible que Verne, au moins proche de la franc-maçonnerie où la kabbale est généralement appréciée[7], ait connu cette exégèse, toutefois il relève du hasard que ce jaillissement d’eau du roc intervienne au chapitre central du Voyage, ce chapitre 23 n’étant devenu central que dans une seconde version augmentée des chapitres 38-39. Mais Verne a pu ailleurs montrer un souci de construction autour du centre, ainsi dans Mathias Sandorf inspiré du Comte de Monte-Cristo. Ce roman est construit en 5 parties de 9-8-7-6-5 chapitres, ce qui n’apparaît guère fortuit, d’autant que le chapitre central de ces 35 est celui qui ouvre la 3e partie, et qu’il s’intitule Méditerranée ! (milieu des terres). Il y a d’autres indices d’une construction peut-être très sophistiquée, ce qui sort du cadre de cette étude, mais ce « milieu des terres » ne serait pas la seule allusion au Voyage, le roman débutant aussi par un cryptogramme dont l’aspect est proche de celui du Voyage ; si la résolution en est différente, le premier décodage des messages les fait apparaître dans les deux cas à l’envers (un ‘enver’ signature probable du subtil Verne).

Revenons à l’hébreu révélant une autre coïncidence remarquable dans le choix du nom des principaux personnages. C’est le déluge du chapitre central du Voyage qui est essentiellement à l’origine du choix de Noé. Sa femme s’est d’abord appelée Anna, palindrome tout à fait satisfaisant selon le principe de réversibilité du récit, voyage aller-retour du début au milieu de l’alphabet. A ce premier stade dans la conception du roman une nommée Ana Roman a pris contact avec Lahougue, étudiante espagnole préparant une thèse sur son œuvre[8]. Cette forme encore plus satisfaisante s’est imposée. Jean, Anne, Hans, Ana, dérivent tous de la racine hébraïque HN, « grâce », or Noé s’écrit précisément en hébreu par l’inversion de ces lettres, NH, et ce jeu dit anacyclique est magnifié par le verset Genèse 6,8, largement commenté : « Et Noé (NH) trouva grâce (HN) aux yeux de Yahvé ». Or ces jeux anacycliques sont présents par ailleurs dans ce roman de la réversibilité, avec la référence au Mont Analogue de Daumal, où c’est un professeur Sogol qui part à la recherche de l’ombilic du monde, avec une allusion au jeu latin ROMA-AMOR, avec surtout le chien qui va permettre aux héros de déjouer la machination de Théo, le frère mort de Noé qui l’a attiré dans ce monde virtuel. Il s’agit du jeu anglais bien connu god-dog, « dieu-chien », que Lahougue avoue avoir eu en tête, mais il ne m’a pas confirmé une autre de mes supputations, le dédoublement de l’OTTO initial vernien en deux frères ennemis dont l’un est Théo (TO), ôté du monde réel dès le début du roman mais toujours présent par-delà la mort dans le monde virtuel où il a piégé son frère. C’est en pénétrant sa tombe-prime dans le monde-prime à la suite de Jonas que Noé et Alex parviennent dans l’épilogue à regagner le monde réel.
Verne pourrait avoir réalisé lui-même ce dédoublement dans ses 500 millions de la Bégum[9], où Marcel courtise la sœur du professeur Octave Sarrasin tout comme Axel courtise la fille du professeur Otto Lidenbrock, mais cet Octave-là a un diabolique cousin outre-Rhin, l’affreux Herr Doktor Schultze acharné à anéantir les efforts humanitaires d’Octave. Lahougue ne semble pas non plus avoir été conscient du possible rapport entre Otto (ou Octave) et son indispensable chapitre 8.
Lahougue remarque que ses 15 chapitres sont 5 x 3, que 5 + 3 = 8, et ces nombres gouvernent ses contraintes, notamment les 15 contraintes graphiques des 15 illustrations composées chacune de 3 fois 5 carrés. Il n’était pas conscient que ce format 3 par 5 est celui de l’arche de Noé, haute de 30 coudées, large de 50, longue de 300. Il ignorait que le mot arche, teva, signifie aussi « mot » en hébreu, et que l’exégèse voit ses dimensions tissées par les lettres du nom de Dieu YHWH, les lettres YHW de valeurs 10, 5, et 6 (30 = 5x6 ; 50 = 10x5 ; 300 = 10x5x6).
J’ai vu plus tard en relisant Voyage au centre de la Terre que le cryptogramme découvert par Otto Lidenbrok était porté par « un morceau de parchemin long de cinq  pouces, large de trois » !

Le « centre du jardin » dont il est constamment question rappelle fortement l’Eden, et notamment le verset 2,9 : « … l’arbre de vie (était) au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal ». « L’arbre de vie » a en hébreu pour valeur numérique 233, tandis que « l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal » a pour valeur 932, 4 fois 233. Cette propriété[10] est remarquable, par exemple dans le contexte du jardin d’Eden d’où sort un fleuve se divisant en 4 bras, mais le nombre 233 peut apparaître aussi lié au chapitre 8 central, avec d’étonnantes résonances.
L’erreur sur le mot angoisse(s) conduit à amputer d’un I, le chiffre romain « 1 », le mot central du distique, JARDIN ; cette angoisse singulière est codée dans les phrases 116 et 117 du chapitre 8, avec 116 + 117 = 233. Par ailleurs le chapitre 8 compte avec ses deux textes codés en son sein, 8’ et 8’’ (le distique), 225 + 7 + 1 = 233 phrases ; la lettre centrale du distique (phrase 233) est le I de jardin, codé dans la phrase 117 centrale parmi les 233 phrases.

L’erreur sur le mot angoisses amène une autre curiosité dans la comparaison des épisodes parallèles de la résolution du cryptogramme chez Verne et Lahougue. Chez Verne c’est la découverte du nom du codeur, l’alchimiste Arne Saknussemm, qui incite Otto et Axel à décrypter le message. Chez Lahougue le décodage du chapitre central de La Pyramide analogue mènent Noé et Alex au distique, puis l’application de la règle des lettres centrales à ce distique mène au nom Ana, femme de Noé et sœur d’Alex. Il n’est pas indiqué qu’une nouvelle application de la règle mènerait à la lettre n, cet ultime concentré étant précisément le signe même qui a mené vers la solution, ce signe déchiffré sur une statue de Vénus, dont c’est la lettre centrale. Concentré pourrait s’écrire ici en deux mots, le centre du domaine d’Ana où vont se perdre les héros correspondant assez explicitement au ténébreux mystère de la féminité, Lahougue ayant par ailleurs cru déceler dans le texte vernien des allusions orgasmiques, et l’illustration du roman’, composée des 15 illustrations en 15 carrés des 15 chapitres, a l’apparence d’un sexe féminin, reprise en anamorphose dans le carré central de ces 225, le carré central de l’illustration du chapitre 8[11].
Toujours est-il que l’erreur sur angoisse conduit au distique
Frappe à la ténébreuse entrée de ce jardn,
Le centre renaîtra de ce monde sécable
qui conduit lui-même aux lettres ARNA, à une lettre près Arne. Or Le domaine d’Ana livre le décodage ADN, ce qui est voulu par Lahougue, et la structure spiralée de l’ADN fait partie de son jeu de contraintes. La curiosité vient de ces message(r)s Arne et Arna, le fonctionnement de l’ADN impliquant sa transcription en un ARN messager (RNA en anglais) ; c’est l’une des grandes découvertes de la biochimie, due essentiellement à Jacques Monod, et son dogme du sens unique de la transcription ADN>ARN a été plus tard renversé par la découverte de la transcriptase inverse réalisant l’opération ARN>ADN. Dans le cas de Verne souvent qualifié de prémonitoire il est amusant de trouver ce messager prénommé Arne. Si c’est une erreur qui amène le message de Lahougue à la lecture Arna, le nom du messager est Théo, le frère de Noé qui l’a attiré dans ce piège diabolique ; or les positions très tranchées de Monod ont amené ses collègues à parler de Monod-théisme.
Le Roman’ donné dans Clés du domaine contient une autre erreur : des odeurs de mousses sont devenues de mousse, de même que les angoisses du chapitre 8’ sont passées au singulier, et de l’impair au pair. Ceci aurait évidemment des conséquences pour les textes décodés en aval, le roman’’ où le mot "chevaleresque" devient "chevalereque", et le roman’’’ devenant le vers éclopé
Le centre a reparu d ce monde pliable
donnant à son tour le décodage final ADNA, l’exact pendant de l’ARNA issu du décodage final du chapitre 8’ fautif (l’ADN est de même en anglais DNA).

Lahougue explicite dans ses Clés sa vision de la lettre n, centrale dans Ana, dont certaines graphies lui évoquent le sexe féminin, l’origine du monde. Ana signifie « mère » en turc.

Un téléfilm de George Miller a récemment réadapté Voyage au centre de la terre, diffusé le 15 décembre 2000 sur M6. L’Islande est devenue Australie, les noms ont été américanisés, Lidenbrock est devenu Lytton, mais bien plus extraordinairement les voyageurs Otto et Axel sont devenus Theo(dore) et Jonas, les noms mêmes des personnages annexes imaginés par Lahougue, le frère Théo d’Otto-Noé et le chien Jonas d’Axel-Alex !
Ce Miller serait-il le réalisateur de Mad One Max ?

Le 25/4/00, révisé le 1/3/03                                R. Schulz

Note du 29/02/08 : Je viens de lire L’Ile des Veilleurs – Contre-enquête sur le mystère du Verdon (éd. Arqa, 2007), où les auteurs Amoros-Buadès-Garnier m’ont appris l’existence d’un roman qui est peut-être le premier pastiche (ou plagiat) important du Voyage au centre de la terre de Verne (1864) : dans La Race à venir (1870), Edward Bulwer Lytton imaginait la découverte de la civilisation souterraine des Ana… Il y a quelque chance que le nom Lytton du téléfilm de Miller vienne de Lord Lytton, d’autant que la population infraterrestre y joue un rôle bien plus important que dans le roman de Verne, mais ceci ne peut que renforcer les coïncidences avec le roman de Lahougue (qui ne connaissait pas Lytton) puisque donnant à entendre que les habitants du monde souterrain sont les Ana de Lytton. A remarquer que dans le téléfilm Jonas y tombe amoureux d’une de ces créatures, nommée Ralna.
Lytton indique que Ana, pluriel de An, se prononce arna (un nom obtenu plus haut dans les décodages de Lahougue, et qui pouvait être chez Lytton un hommage discret à Verne, et à son Arne Saknussemm, pionnier de l’exploration souterraine, bien qu’il soit plus probable qu’il s’agisse d’une allusion aux Aryans, cette race à venir étant explicitement aryenne, d’où une exploitation ultérieure du roman par les Nazis, bien au-delà de ce qu’y avait mis l’auteur). La première édition de Voyage au centre de la terre ne contient pas les chapitres 38-39 de l’édition suivante, en 1866 (toujours avant The Coming Race), les seuls passages où il est question des intraterrestres, que les héros se gardent bien d’approcher. Le professeur Lidenbrock déduit de leurs ossements qu’ils sont apparentés à la race blanche, « la nôtre ! », « répandue depuis les Indes jusqu’aux limites de l’Europe occidentale. » (autrement dit les Aryens.)
Si Ana désigne cette race en tant que collectif, le nom ne s’applique en particulier qu’à ses mâles, les nanas étant des gyei (masculin gy).
Dès la présentation de la race des Ana, Lytton indique qu’elle est bien antérieure au Déluge de Noé, selon la chronologie de Newton.
On peut télécharger ici le roman de Lytton (en anglais).
En fait ce George Miller est un homonyme US du réalisateur de Mad Max. Son téléfilm a été diffusé le 14 septembre 1999, en conséquence il est plus que probable que le script était achevé bien avant la parution du Domaine d’Ana en octobre 98, ce qui rend très accessoire de se demander si l’un des scénaristes était un lecteur assidu de Lahougue.

Ma visite au clos Ana...

Je profite de cet ajout pour signaler une autre curiosité, dans Dreamericana, roman de SF de 2002 dû à Fabrice Colin, lequel m’a certifié n’avoir jamais entendu parler de Lahougue, et surtout du Domaine d’Ana.
Or il y a une Ana dans son livre, et un Domaine, avec un D majuscule, nom d’un lieu plus ou moins virtuel où les dimensions d’espace et de temps sont inversées, où l’on accède en composant mentalement un code binaire de cent chiffres au cours d’un rapport orgasmique… La première personne accédant au Domaine dans le roman est Ana…
Lahougue ne cache pas dans les Clés du Domaine (et surtout dans les Clés des Clés) les implications érotiques de son œuvre, et notamment la lecture qui semble s’imposer du chapitre central du Voyage de Verne, réécrit pour donner le roman’ permettant aux héros de Lahougue d’échapper au Domaine d’Ana : une agitation frénétique et impatiente menant au jaillissement d’un flot brûlant, suivi des appréciations « Quelle jouissance ! Quelle incomparable volupté ! »
Le centenaire de la mort de Verne en 2005 a donné lieu à de multiples publications, dont celle de Voyage au centre de la terre-mère, du psy nantais Michel Sanchez-Cardenas, qui n’a pas manqué d’exploiter aussi ce passage. Hélas l’analyste, qui privilégie une interprétation anale, ne connaît pas Le Domaine d’Ana.
 


[1] Une erreur (qui lui est cette fois imputable et qu’il reconnaît) lui fait intégrer à ce calcul non détaillé dans ses Clés du Domaine les 5 phrases du roman’’. L’ajout du chapitre 8’’, le distique en une seule phrase, conduirait à 233 phrases, au centre desquelles seraient les phrases 116-117-118 où est codé angoisses.
[2] Il est assez amusant que le dossier accompagnant les Clés du Domaine montre Lahougue soucieux de voir son livre confié à des clavistes françaises menacées de chômage plutôt qu’à des étrangères sous-payées. Une étrangère n’aurait peut-être pas commis cette faute, que l’auteur assigné à relecture des épreuves doit de toute manière assumer.
[3] Selon Theophane Kérameus, rapporté par G. Ifrah dans Histoire universelle des Chiffres.
[4] L’influence de Verne sur Villiers de L’Isle-Adam est connue. Son Axël contient un cryptogramme, et Axël a pour maître Janus.
[5] Josué est une autre forme du nom Jésus, « sauveur », lui-même lié à Jonas par le « signe de Jonas », sa résurrection le 3e jour comme Jonas est sorti de la baleine le 3e jour.
[6] Rapportée par exemple par Josy Eisenberg, L’étoile de Jacob, Paris, 1989.
[7] Il y a dans son œuvre des allusions immédiates aux Maçons, et probablement bien d’autres plus cachées, ainsi je m’interroge sur un détail du voyage solsticial (St Jean) où Otto, Axel et Hans franchissent 2 rivières poissonneuses (la pêche de Jean ?), l’Alfa et l’Heta. Ce sont très clairement les lettres Alpha et Eta, ou leurs équivalents hébreux Aleph et Het formant le mot AH, « frère », très maçonnique, ou initiales d’Axel et Hans. Ce sont encore les chiffres 1 et 8 qui peuvent évoquer Alpha et Oméga (1 et 800, quels échos avec le chapitre 8’), ou le symbole maçonnique du cube représenté par ses 8 sommets et son centre (une double pyramide…). Et que penser d’Otto (8 en Italie où s’achève l’aventure) débutant par un O majuscule (méga) ; Otto suit les traces d’Arne Saknussemm jalonnées des initiales AS (l’un des dés, des cartes…).
[8] Et celle de Perec, consultable à l’Association Georges Perec.
[9] Ce roman est une adaptation d’un manuscrit d’André Laurie qu’il faudrait bien entendu éplucher pour repérer les réels apports verniens.
[10] Non commentée par l’exégèse traditionnelle, qui a néanmoins vu les 2 arbres correspondre à l’Un et au Multiple. Friedrich Weinreb l’a remarquée plus récemment, et voit notamment ce facteur 233 équivaloir à regel, « jambe », d’où les arbres correspondraient à l’animalité (quadrupède) et à l’humanité (?). Dans cette voie il est amusant que la valeur de kaleb, « chien », 52, soit 4 fois celle de ehad, « Un », 13, 2 fois celle du nom de Dieu YHWH, 26. Et le jeu 1-4 ne s’arrête pas là, chez Weinreb comme dans mes propres recherches bibliques.
[11] En restant un-con-venant, je remarque que la lettre centrale du chapitre 8 est le C de compassion : con-passion demanderait os (et os est en latin « bouche » (d’ombre)). La lettre centrale du chapitre 8’ est aussi un C, le C central d’obscurs qui donne au niveau suivant la ténébreuse entrée de ce jardin… La lettre ultime issue des décodages selon les lettres centrales est un N, le chapitre 8’’’’... Et le concentré graphique du roman, le carré central de l’illustration 8, est en forme voulue de O, le centre du CON, du mot comme de la chose entre toutes. Et Lahougue s’est représenté lui-même dans cette illustration, dans le reflet des lunettes d’onc’Noé... Avec ce O, les 4 lettres centrales CINN des chapitres 8’ à 8’’’’ donneraient un royal CONIN propre à satisfaire le clébard le plus exigeant.

Aucun commentaire: